Les mesures prises par le gouvernement à l’encontre de la SNCF sont sans précédent. Nous les détaillions dans nos colonnes il y a deux semaines, suite à la conférence de presse tenue par le Premier Ministre Édouard Philippe à ce sujet.
Le gouvernement, déterminé à supprimer le statut de cheminot et les avantages qui y sont associés, a décidé d’avoir recours aux ordonnances, limitant tout débat à l’Assemblée, afin de mener sa réforme le plus rapidement et le plus efficacement possible, dans l’idéal avant l’été, de ce fait sans véritable opposition.
Stéphane Le Foll et Frédéric Cuvillier, respectivement anciens porte-parole du gouvernement et secrétaire d'État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche avaient parlé de « méthode brutale et arrogante employée par le gouvernement pour engager la réforme ferroviaire », mettant l’accent sur le fait que cela empêchait purement et simplement la réforme de s’effectuer sereinement, dans le respect de tous.
Le calendrier des jours de grève de la SNCF a fuité aujourd’hui sur Twitter, dévoilant un modèle fondé sur le « deux jours sur cinq », et s’étendant du mardi 3 avril au jeudi 28 juin.
Image d'illustration d'un TGV à l'arrêt sur une voie de la Gare du Nord à Paris, en juin 2009. Crédit photo : Romas_Photo / Shutterstock
69% des Français sont favorables à la réforme de la SNCF menée inflexiblement par le gouvernement, favorables à la fin du statut de cheminot. 54% de la population est favorable au recours aux ordonnances pour ce faire.
Si la suppression du statut de cheminot ne concerne pas les personnes déjà employées par la SNCF, elle concernera directement tous ses futurs salariés, ce qui représente un alourdissement des coûts de l’entreprise, selon le gouvernement. La grève, qui, comme nous l’apprenons aujourd’hui, s’étendra du mardi 3 avril au jeudi 28 juin, sera ainsi portée par des employés refusant notamment la suppression des avantages pour leurs futurs collègues et successeurs. « L’annonce de la fin du statut est vécue par les agents comme une vraie injustice et une vraie provocation », estimait il y a deux semaines Erik Meyer de SUD-Rail, passablement indigné de ce qu’il considère être « un chantage à l’ordonnance ».
Laurent Brun, le secrétaire général de la CGT cheminots, a déclaré aujourd’hui, au terme de deux heures de réunions avec trois autres syndicats, dont SUD-Rail :
« L’intersyndicale constate que le gouvernement n’a aucune volonté réelle de négocier » et « porte la responsabilité (d’un) conflit intensif sur une très longue durée ».
Inquiet de cette grève qui pourrait paralyser le pays, le gouvernement prétend vouloir négocier en dépit des ordonnances par le biais de son actuelle Ministre des Transports, Elisabeth Borne, qui a assuré à CNews que « le gouvernement ne cherche pas l'affrontement », et n’a pas manqué de rappeler que « lorsque l’on fait grève, on n’est pas payé, cela va de soi ».
Elisabeth Borne : « Quand on fait grève, on n’est pas payé » à propos de la #SNCF dans #LaMatinale https://t.co/zliU9lFDSz pic.twitter.com/373wsEX68l
— CNEWS (@CNEWS) 16 mars 2018
À raison de 36 jours de grève prévus, étalés sur trois mois, les grévistes subiront des pertes des plus conséquentes. « C'est d'abord très pénalisant pour les voyageurs » tient à souligner Elisabeth Borne, appelant à éviter à tout prix la grève, qui semble pourtant n’être que l’unique moyen de protestation pour les employés de la SNCF, manquant cruellement de soutien de la part de l’ensemble de la population, dans le cadre d’échanges bridés par les ordonnances.
Pour se faire entendre, la grève étalée d’avril à juin sera construite sur le modèle du « deux jours sur cinq », ce qui signifie que d’une semaine à une autre, ce ne seront pas les mêmes jours qui seront des jours de grève, à raison de deux jours par semaine. À terme, les sept jours de la semaine auront été marqués par la grève.
#SNCF Le calendrier de la grève pic.twitter.com/9TNzlRL6qg
— Eric Béziat (@ericbeziat) 15 mars 2018
Guillaume Pépy, président de la SNCF qui a affirmé ne pas vouloir se maintenir à la tête de l’entreprise avec un troisième mandat, juge la grève « un peu décalée par rapport à la concertation qui est engagée », et parle à TF1 de « mauvaise chose pour les 4 millions et demi de Français qui prennent le train tous les jours ». Il s’est engagé à publier au cours de la grève une liste des trains qui roulent le lendemain chaque jour à 17 heures, et a maintenu que bus, cars, et VTC seraient mobilisés pour offrir des solutions aux voyageurs, tout en invitant le gourvernement et les syndicats à discuter pour trouver des arrangements.
Sébastien Mariani, le secrétaire général adjoint de la CFDT Cheminots, a résumé de son côté au Figaro:
« Aujourd'hui, on est atterrés de voir comment s'est organisée la concertation. Il n'y a eu aucune avancée après les premiers échanges. Cet appel à la mobilisation est une réponse adaptée, un moyen de mettre la pression. Le gouvernement nous impose son calendrier. Nous lui imposons le nôtre. Nous ne sommes pas très optimistes mais toute chance mérite d'être tentée », après avoir rappelé la nécessité d’ « une ouverture du gouvernement réelle sur le dialogue et la méthode pour acter des avancées ».
Les cotes de popularité d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe ont, d’après Les Echos, remonté ce mois-ci, notamment grâce à cette réforme de cette société nationale décriée par tant de personnes, qui est l’occasion pour les deux hommes et leur gouvernement de mettre 7 Français sur 10 d’accord avec eux, 7 Français sur 10 soutenant à corps perdu l’entreprise gouvernementale.