Alors que la Ministre des Transports Élisabeth Borne disait le gouvernement ouvert « à la concertation, à la négociation » concernant le texte de loi découlant de la réforme le mois dernier, c’est un tout autre son de cloche qui se donne à entendre aujourd’hui, mardi 3 avril 2018, à travers le président Emmanuel Macron et de ses propos tenus hier.
Emmanuel Macron, pouce en l'air, le 23 avril 2017 à Paris. Crédit photo : Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock
« Ne lâchez pas avec la SNCF ! », ordonnait hier un passant, visiblement pressé de voir la révocation du statut de cheminot, au président de la République. Ce dernier n’a pas manqué de lui rétorquer avec confiance, le pouce en l’air : « Ne vous inquiétez pas », réaffirmant sa volonté de ne pas négocier, comme le confirmait déjà le recours aux ordonnances pour faire passer la réforme sans véritables discussions à l’Assemblée, et comme il l’a affirmé la semaine dernière en expliquant que s’il reconnaissait l’ampleur de la grève, il ne changerait absolument rien à son plan. 7 Français sur 10 sont dans un état d’esprit similaire à ce passant, réclamant la fin du statut de cheminot. Si en rassurant ce passant, Emmanuel Macron a rassuré tous les Français en accord avec lui sur la réforme, il n’a certainement pas apaisé les cheminots, dont la grève commence ce jour.
Bien sûr, l’inflexibilité gouvernementale, l’herméticité totale du président et de ses ministres est source d’indignation pour tous les cheminots, lésés de toute contestation possible hormis une grève dont M. Macron ne manque pas de rappeler l’inutilité face à sa détermination sans borne et toute-puissante face aux manifestants.
Face à ce premier conflit social d’ampleur, le gouvernement veut paraître inflexible, donner l’impression de gérer la situation d’une main de maître. Seulement, face à son absence de volonté d’écoute et d’échange réel transmise par son représentant par excellence, le président, il donne l’impression de nier entièrement une partie de la population en faisant purement et simplement la sourde oreille. La Ministre des Transports Élisabeth Borne a répété ce matin au micro de BFMTV qu’elle était « dans une posture de dialogue », que le gouvernement était « dans l'écoute, la concertation et le dialogue ", mais le recours aux ordonnances et les mots conquérants d’Emmanuel Macron à un passant, enregistrés par BFMTV, ne peuvent que laisser entendre le contraire. D’une part, le gouvernement se veut rassurant quant à la possibilité d’échange avec les manifestants par le biais de sa ministre des Transports qui ne manque néanmoins pas de surenchérir que « le gouvernement tiendra bon », alors que d’autre part il se donne à voir sourd et dur au travers d’Emmanuel Macron.
Grève à la SNCF: «Pourquoi se mettre dans une posture de blocage?», s’interroge Borne pic.twitter.com/e9v7s48ygs
— BFMTV (@BFMTV) 3 avril 2018
Mme Borne intime d’éviter les « contre-vérités et des amalgames avec d'autres conflits ». Cette formulation ne peut que nous faire penser aux actuelles manifestations étudiantes, qui ont notamment fait parler d’elles avec les tristes évènements de la fac de droit de Montpellier. On parle en effet de plus en plus de « convergence des luttes » entre les manifestants, puisque les étudiants pourraient prochainement s’associer avec les cheminots. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls. Air France connaît un quatrième appel à la grève, les secteurs de l’énergie et des déchets souhaiteraient également entamer une grève, de même que les 20 000 salariés de Carrefour déjà en grève, qui on frappé un grand coup en ne se rendant pas au travail lors du week-end de Pâques.
Si tous les mouvements s’associaient pour des manifestations et des grèves simultanées, paralysant ainsi plusieurs domaines d’activités en même temps, alors le gouvernement pourrait plier, de manière similaire à ce que nous avons pu connaître en 1995. Certains rêvent déjà d’un nouveau Mai 68, cinquante ans plus tard.
Le conflit social actuel est fondamental pour le gouvernement, puisqu’il déterminera son image dans les années à venir. Si la réforme est menée à terme sans la moindre concession faite aux cheminots, comme le désire Emmanuel Macron, son image sera écornée puisqu’il paraîtra dur et complètement hermétique aux yeux d’une partie de la population à tout échange lors du moindre conflit social. En somme, ce que le gouvernement veut, le gouvernement l’obtient, et rien ni personne ne peut lutter contre sa volonté, dont l’inflexibilité tiendrait davantage du rigorisme excessif.
À l’inverse, si le gouvernement cède, et négocie avec les manifestants, alors il semblera fragile et aura l’air d’avoir été vaincu, après tout ce battage médiatique qui a permis de rallier une majorité de Français opposés à la SNCF à nos dirigeants politiques. Le vent de renouveau promis par Emmanuel Macron, son entourage et son mouvement politiques paraîtra alors bien faible, après une réforme contestée divisant la société en s’opposant frontalement aux cheminots.
Environ 7 Français sur 10 sont aujourd’hui persuadés que le gouvernement ira au bout de sa réforme, sans autre forme de procès.