La sieste, c'est un peu le fantasme de tous les travailleurs. Après le déjeuner, la digestion commence et la fatigue montre ses premiers signes. On baille, on enchaîne les tasses de café et on lutte. Et lutter, n'est pas toujours bon. On a creusé et la France est un peu (beaucoup) à la ramasse en matière de sieste au travail.
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Il n'est pas question de fainéantise. Mais dormir est un besoin biologique. C'est comme ça et parfois, même le café n'a aucune emprise sur le sommeil ou le coup de fatigue après la pause déjeuner. Et si la sieste nous aide à nous reposer, elle aide également à la productivité. Reposé donc plus productif. Logique. Et c'est la Nasa qui le dit : elle augmenterait l'efficacité au travail de 35%.
Concrètement, quels sont les avantages d'une sieste ?
Pour beaucoup, la sieste serait une perte de temps au travail. En vérité, il est nécessaire de penser le problème autrement. On ne sieste ou ne somnole pas par paresse mais évidemment car l'on manque de sommeil. À ce titre, et comme l'a révélé l'Institut National du Sommeil et de la Vigilance ((INSV), les Français dorment en moyenne 6h55 et un tiers dorment moins de 6h par nuit. Un temps de sommeil bien en deçà de ce que l'on devrait dormir et qui peut avoir des conséquences néfastes sur la santé. En effet, « il a été démontré en 2012 par la Haute autorité de santé que dormir moins de 6 heures durant la nuit pouvait entraîner des complications du type dépression, hypertension ou même diabète » expliquait le docteur Eric Mullens.
Ainsi, pour Eric Mullens, « faire la sieste répond à un besoin naturel en milieu de journée. Cela fait partie de notre rythme. Pourquoi ? Parce que cela vient combattre une fatigue passagère, bien normale en milieu de journée, ou compenser un sommeil de mauvaise qualité ». En plus de nous rendre plus efficace, la sieste a un avantage prépondérant sur notre santé : elle régule notre rythme cardiaque.
Du coup, la sieste est bénéfique aux employés et aux patrons. Même si les patrons ne sont pas adeptes personnellement de la sieste, donner un temps de repos aux employés ne peut booster l'activité de l'entreprise. Après quinze minutes de sieste, l'employé est remotivé et bien plus attentif. En ce sens, plutôt que de faire semblant de travailler alors qu'il rêvasse, trop occupé à penser à son lit, les quinze minutes qu'il aura perdu à rien faire, seront investies dans un repos total qui l'aidera à travailler mieux et plus rapidement. Puisque soyons honnêtes, lorsque nous somnolons au travail, même écrire un mail peut prendre vingt minutes. Gagnant, gagnant, donc.
« Tuyaux pour faire la sieste au bureau sans se faire pincer »
C'est en abondance que l'on peut voir ce genre de gros titres. Aujourd'hui, toujours selon l'INSV, 19% des Français avouent piquer du nez et siester en cachette. Alors les astuces pour roupiller sans se faire pincer fleurissent sur internet. Ainsi, on peut ainsi lire sur Terra Femina, par exemple : « Après le déjeuner, alors que l'open space est plongé dans une torpeur digestive générale, éclipsez-vous discrètement pour une pause toilette réparatrice » ou encore « si vous avez la chance d'avoir un parc dans le quartier, courez vous réfugier dans ce havre de paix. Une fois votre casse-croûte expédié, allongez-vous sur l'herbe ou sur un banc, le sac calé sous la tête en guise d'oreiller : c'est parti pour vingt minutes de sieste au calme. »
Alors pourquoi se cacher plutôt que d'inaugurer une pièce dédiée à la sieste ou tout simplement au repos ? Car, si s'endormir autre part que chez soi n'est pas donné à tout le monde, se reposer, déconnecté du travail, ne serait-ce que pendant quinze minutes, suffit à se rendre plus efficace dans son travail. Et ce n'est pas Jacques Chirac qui aurait dit le contraire. En effet, il ne s'est jamais caché de son attrait pour ce petit somme sur les heures de travail. En effet, dans la préface du livre de Bruno Comby, « Éloge de la sieste », Jacques Chirac défendait les bienfaits de la sieste, « recette d'équilibre à la portée de tous » et pensait « maladroit de confondre sommeil et paresse ». Une idée qui selon lui, est née de « notre humour populaire [qui] aime à railler la sieste et ceux qui la pratiquent ».
En France, l'idée fait son bonhomme de chemin, doucement mais sûrement
Au Japon, dans certaines entreprises, la sieste n'est pas seulement autorisée, elle est obligatoire. Ainsi, dans les grandes entreprises japonaises, il est commun et banal de disposer de salons réservés à la sieste. En Suède le temps de sieste a été intégré dans les accords d'entreprise. Ainsi, vingt minutes chaque jour sont octroyées aux employés. En Chine, la sieste constitue un droit dans la constitution. Enfin aux Etats-Unis, elle est également plus que conseillée, devenant en ce sens un réel outil de performance. Chez nos voisins Allemands, la sieste, même si elle n'est pas encore réellement mise en place, représente un combat syndical.
Et France, on en est où ? Globalement les Français sont un peu à la ramasse concernant le repos sur le lieu de travail. Mais quelques entreprises s'y sont essayées. Le géant Renault, par exemple a tenté l'expérience. Depuis deux ans, l'entreprise a mis en place une salle réservée à la sieste sur le site Plessis-Robinson. En tout, ce sont sept cabines incluant lit et possibilité de gérer la luminosité. Le temps de sieste ne doit cependant pas excéder vingt minutes. Le médecin de l'entreprise, Guillemette Latscha, expliquait alors à Europe 1 que « les retours sont très positifs. Les salariés évoquent une déconnexion suffisante pour récupérer, et aucun conflit avec la hiérarchie. D'ailleurs, les managers aussi sont satisfaits et fréquentent la salle ».
Mais pas besoin d'être une grande entreprise avec beaucoup de moyens pour pouvoir mettre en place des salles de repos. En effet, en 2013, la PME Léa Nature, située proche de La Rochelle et qui fabrique des produits biologiques s'est lancée. « Il s’agit d’une salle 'zen' composée de quatre transats accompagnés de matelas. Le sol est en parquet, l’atmosphère tamisée, la lumière douce, comme la musique. Tout cela pour favoriser le repos » indiquait Mireille Lizot, la responsable de communication de la PME.
Le business du sommeil
Certains ont su tirer profit de ce manque d'espace au sein des entreprises dédié à la sieste ou plus globalement au repos. En ce sens, des bars à sieste ont fait leur entrée. Et ça marche. Signe d'un réel besoin de reposer son cerveau, de faire une pause et de se couper du travail. Paris, Amiens, Marseille, Lyon et Nantes ont alors fait émerger ce concept de bar, tout droit venu du Japon, sans grande surprise. Large choix de fauteuils, dont des massants ou hamac. Concernant les prix, ils dépendent de l'endroit. Ainsi, on peut aussi bien payer 5 euros la demi-heure dans une ville de province et payer 17 euros à Paris.
Ainsi, la sieste fait tellement d'adeptes que sur la célèbre application « My Little Paris » un site de spots pour « roupiller tranquille » a été établi. On peut y lire des conseils comme faire une sieste à la façon de Dalí : « Armé d'une cuillère en argent et d'une casserole, il se calait dans son fauteuil. Le bras sur l'accoudoir, la cuillère dans la main, la casserole posée par terre juste en dessous. Une fois bien installé, il fermait les yeux. Quand la cuillère tombait dans la casserole, il était temps de se réveiller ». Mais aussi des lieux qui riment parfaitement avec repos ; jardins, ancien cloître, « calé dans un transat », jardin japonais, bref les propositions ne manquent pas pour pouvoir souffler entre un casse-croûte avant de refiler sur sa chaise de bureau. Plutôt évocateur, non ?
Et à ce propos, une pétition, assez insolite, circule sur la toile : « Mme la Ministre du Travail : LA SIESTE AU TRAVAIL POUR TOUS ! » Et parce que Théo Dhort (curieux comme nom...), à l'initiative de cette pétition, « compte sur vous » et que vous aussi, vous aimeriez des salles pour la sieste, allez y jeter un oeil. Un évènement Facebook a même été créé, allant dans le sens de la pétition.