Plus à une polémique près, Marine Le Pen est accusée aujourd’hui d’avoir sciemment menti en prétendant qu’un migrant s’en sortait mieux qu’un retraité sur le sol français.
Fidèle à la rhétorique frontiste, Marine Le Pen s’en est de nouveau prise à l’immigration ce dimanche, à Caudry (Nord), dans le cadre d’un meeting de campagne pour les Européennes.
Ainsi, comme à son habitude, la présidente du Rassemblement national n’a pas hésité à brandir la menace de l’implantation massive de migrants, en reprenant l’un des arguments désormais fétiches de l’extrême droite et qui fait fureur sur les réseaux sociaux : la France traiterait mieux ses immigrés que ses propres citoyens.
« Est-il normal qu'un migrant puisse toucher plus qu'un retraité modeste qui a travaillé et cotisé toute sa vie ? »
Des accusations portées à l’encontre du gouvernement d’Emmanuel Macron, coupable à ses yeux d’adopter une politique de « préférence étrangère », favorable aux migrants, aux dépens des Français, à commencer par les moins bien lotis d’entre eux et notamment les retraités.
« Est-il normal qu'un migrant fraîchement débarqué puisse toucher davantage plus qu'un retraité modeste qui a travaillé et cotisé toute sa vie ? », a-t-elle d’abord lancé à ses sympathisants réunis dans ce petit village des Hauts-de-France, où la candidate avait recueilli près de 55% des voix lors du second tour de la présidentielle de 2017.
«Est-il normal qu'un #migrant fraîchement débarqué touche plus qu'un retraité français qui a travaillé toute sa vie ?» #Caudry #OnArrive pic.twitter.com/nXVyjNggrm
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 24 février 2019
« Est-il normal qu'il (le migrant) ait accès à un logement et bénéficie d'un revenu social immédiat ou des soins totalement gratuits lorsque nos compatriotes dans la difficulté sont sans emploi, sans toit ou renoncent à des soins faute de moyens ? », a-t-elle ajouté devant un auditoire conquis, sous un tonnerre d’applaudissements.
Une information qui - on peut le comprendre - a de quoi en indigner plus d’un quand on connaît les difficultés rencontrées par nos concitoyens, à plus forte raison en cette période trouble marquée par la crise des Gilets jaunes.
Seulement voilà, à l’ère du tout numérique et de la prolifération des « fakes news », pareille affirmation ne pouvait échapper à un « fact checking » en bonne et due forme.
Et manque de chance pour la présidente du Rassemblement national, le site checknews.fr - la « branche vérification » de Libération - s’est chargé du sale boulot, démontant point par point ses affirmations.
Le minimum vieillesse s’élève à 868 €
Ainsi, et pour dissiper le moindre doute légitime qui pourrait naître en chacun de nous, aucun demandeur d'asile ne peut prétendre à d’avantage d’aides qu'un retraité français. On en est même très loin.
Dans le détail, il faut savoir que le minimum vieillesse - « allocation de solidarités pour les personnes âgées » (ASPA) - prévoit un plancher de 868€ par mois pour les retraités les plus modestes, qu’importe leur nombre de trimestres cotisés. Pour un couple, la somme s’élève en revanche à 1 347,88€.
À l’inverse, les demandeurs d'asile ont de leur côté droit à l'Allocation de demandeur d'asile (ADA) qui permet à une personne seule de percevoir 6,8 euros par jour (soit environ 210 € mensuels). En cas d’absence d’hébergement, ces migrants peuvent se voir attribuer une aide supplémentaire à hauteur de 7,40 €, ce qui donne alors un montant total de 426 euros maximum par mois, soit moitié moins que le minimum vieillesse.
Par ailleurs, les demandeurs d'asile ne peuvent en aucun cas compléter ces aides par un revenu professionnel - déclaré - puisqu’il leur est interdit de postuler pour un emploi dans un délai de 6 mois à compter de la date d'enregistrement de leur demande auprès de l’Ofpra (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides).
Il existe toutefois une différence concernant les personnes âgées. Une nuance que Marine Le Pen a peut-être voulu signifier dans son discours.
En effet, les personnes étrangères de plus de 65 ans peuvent prétendre, au même titre que les retraités français, au minimum vieillesse précédemment évoqué. Ce droit est toutefois soumis à condition. Afin d’être éligibles, les demandeurs doivent en effet obtenir le statut de réfugié, ou alors être en situation régulière sur le territoire français depuis au moins 10 ans. Il n'est donc pas automatique.
Les réfugiés, apatrides, combattants pour la France et autres ressortissants d’un État membre de l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse sont en revanche exemptés.
Enfin, quid de la comparaison entre sans-abri et migrants ? Ces derniers sont-ils mieux aidés que nos sans-domiciles fixes, comme on l’entend souvent ? Dans les faits, la réponse est non ! Ainsi, les SDF bénéficient également de centres d’hébergement d’urgence - dont les capacités sont hélas insuffisantes - et ont droit à la CMU (couverture maladie universelle), de la même manière que les étrangers en situation irrégulière peuvent prétendre aux aides médicales d’État. Migrants illégaux et SDF sont donc logés à la même enseigne en matière d’accompagnement.
Les affirmations de Marine Le Pen sont donc fausses si l’on s'en réfère au droit français. Un migrant, ou un demandeur d'asile, « fraîchement débarqué » ne peut en aucun cas toucher davantage d’argent qu'un retraité français.
CQFD !