Avis aux amoureux des animaux à longues oreilles, et à toutes les personnes qui sont dotées d'une quelconque sensibilité au regard de la maltraitance animale : cet article contient des images choquantes, qui risquent de vous briser le cœur et de vous déprimer pour la journée.
On parle souvent du trafic d'ivoire, du braconnage de rhinocéros dont les cornes sont utilisées comme prétendu remède à l'impuissance sexuelle dans la médecine chinoise, ou encore des massacres de chiens, dont la consommation est par ailleurs en déclin dans plusieurs pays asiatiques.
Mais il y a un autre trafic animal dont on parle peu : il s'agit du commerce de la peau d'âne vendue au marché noir qui, depuis quelques années, s'est développée en une véritable industrie.... au point de décimer plus de la moitié de la population d'ânes en Chine.
Pour continuer à tirer profit de l'écorchage des équidés, devenus rares en Chine après avoir été massacrés, les revendeurs se servent désormais en Afrique, où les ânes sont bon marché et peuvent être tués en grand nombre dans des abattoirs insalubres. Ils ont mis en place un vaste commerce, dont la majeure partie est illégale — faisant gonfler au passage le prix de ces animaux, les rendant désormais trop chers pour les paysans locaux qui les employaient comme animaux de bât et de labour.
TONY KARUMBA, AFP
La peau d'âne est un composant essentiel dans la fabrication d'un remède traditionnel chinois, l'ejiao, obtenu en faisant bouillir la peau pour en récupérer la gélatine. Si ce remède, réputé soigner les problèmes liés au sang, était utilisé traditionnellement dans la pharmacopée chinoise depuis plusieurs millénaires, depuis une dizaine d'années, c'est devenu une véritable mode de consommer l'ejiao comme un produit de bien-être basique. Aujourd'hui, on l'utilise à tort et à travers, pour des applications aussi diverses que variées, allant du traitement du rhume aux insomnies, ou encore comme un simple snack.
Un véritable phénomène de mode, qui a vu apparaître bon nombre de produits dérivés : crèmes pour le visage, liqueurs ou encore bonbons... mais ce nouvel engouement n'a pas été sans conséquences : le prix de la peau d'âne s'est rapidement mis à flamber, jusqu'à atteindre environ 340 euros par peau.
Depuis 1990, le nombre d'ânes en Chine est passé de 11 millions à moins de 6 millions. Face à cette pénurie, les fabricants ont de plus en plus recours à l'importation de peaux, mais aussi au marché noir, ou encore au vol d'animaux domestiques.
TONY KARUMBA, AFP
Désormais, pour satisfaire une demande toujours plus forte, les peaux d'ânes sont exportées depuis des pays sous-développés d'Afrique comme le Kenya ou le Niger, où ces animaux sont depuis toujours bon marché, et présents en grande quantité.
Ils y sont traditionnellement employés comme bêtes de somme, pour effectuer les travaux des champs tels que le labour, mais aussi pour transporter des charges. Désormais, ces animaux jadis accessibles à tous sont devenus des produits convoités.
TONY KARUMBA, AFP
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Outre le massacre de ces animaux doux et sensibles, les conditions d'élevage immondes et le gâchis que représente une telle pratique au vu de son utilité réelle, ce commerce constitue aussi, en parrallèle, un grave problème d'ordre humain. Avec la forte demande du marché chinois, le prix de l'âne est grimpé en flèche au cours des dernières années, dans certains pays d'Afrique sub-saharienne.
Au Niger, par exemple, le prix moyen d'un âne est passé de 29 euros à 122 euros entre 2012 et 2016. Et au Kenya, les prix ont plus que doublé depuis février 2017 ! Résultat : devenus trop chers, les paysans locaux ne peuvent plus accéder à ces animaux qui constituaient pour eux une force de travail vitale.
Conditions d'élevage horrifiantes
Dans un reportage sur ce sujet, National Geographic rapporte des scènes horrifiantes de maltraitance animale : des ânes privés de nourriture et d'eau car de toutes façons «seule la peau intéresse les patrons des abattoirs », des équidés se traînant dans la boue, dans des conditions d'élevage inhumaines, des bêtes qui meurent des suites des mauvais traitements, des ânesses qui avortent par dizaines.
TONY KARUMBA, AFP
Reinet Meyer, inspectrice sud-africaine chez SPCA, une organisation de défense des animaux, rapporte ainsi des visions d'enfer dont elle a été témoin. Désespérés, certains ânes « s'étaient mis à manger du carton et de l'écorce », car les ''éleveurs'' n'avaient même pas pris soin de les nourrir et de les abreuver. « Nombre d'entre eux avaient les sabots déformés et avaient contracté de l'herpès. Plusieurs ânesses avaient fait des fausses couches à cause du stress. Nous avons découvert au moins 19 fœtus, mais il était difficile de les compter : ils étaient petits et avaient commencé à se décomposer. »
Outre les conditions d'élevage terribles pratiquées par les élevages clandestins, c'est la quantité d'ânes tués qui soulève désormais des inquiétudes de plus en plus vives : rien que l'an dernier, au Niger, ce seraient plus de 80 000 ânes qui auraient été écorchés pour vendre leurs peaux. Au niveau local, certains commencent à craindre la disparition de ces animaux à l'échelle du pays, ce qui risquerait de provoquer aussi de graves problèmes pour les populations locales qui dépendent de ces animaux.
Six pays africains ont désormais interdit les exportations de peaux d'ânes, et six autres ont ordonné la fermeture des abattoirs d'ânes... Malheureusement, ceux qui vivent du trafic illégal d'ânes n'en ont cure, et continuent leur activité de plus belle, malgré l'interdiction.
TONY KARUMBA, AFP