« Schlag » : quelles sont les origines et la signification de ce mot d'argot ?

Premier volet de notre petit dictionnaire ludique d’argot avec un focus aujourd'hui sur le terme « schlag », un mot assez spécial et très prisé des jeunes, aussi bien utilisé à l'oral qu'à l'écrit. Mais que veut-il dire et d'où vient-il ? Explications.

Souvenez-vous, le 3 mai 2017, à l’occasion d’un débat houleux d’entre deux tours entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national s’était distinguée par quelques excès de familiarité, employant notamment l’adjectif… « schlague » au détour d’une remarque sur l’Union européenne.

Une formule qui, à l’époque, n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd, suscitant autant de moqueries que d’interrogations.

Mais d'où vient le mot « schlag » ?

Sur le coup, en dépit du lourd contexte de l’élection présidentielle, les rires sont de rigueur bien que certains, surtout les plus jeunes, s’interrogent : qu’a donc voulu dire la candidate du parti d'extrême droite à l'époque ?

Vous avez déjà très certainement entendu ce mot « schlag », probablement à l’occasion d’une discussion portant sur une personne à l’hygiène douteuse, ou encore de la bouche d’un pote un poil chambreur, qui ironise sur votre démarche titubante lors d’une soirée alcoolisée.

Pourtant, vous n’en avez qu’une définition vague et un peu fourre-tout. Rassurez-vous, vous n’êtes pas les seuls et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce mot est tant galvaudé de nos jours.

« Schlag », mais d’où vient vraiment ce mot ?

Avouez-le, la question vous taraude même si vous n’avez jamais osé la poser à Google, sans doute par excès de procrastination.

N’ayez crainte, aujourd’hui on vous dit tout sur ce mot assez péjoratif et vous risquez d’avoir pas mal de surprises, étant donné son étymologie et son évolution dans le temps.

Schlag, un mot d’origine allemande

Les germanophiles l’auront certainement remarqué à son orthographe, le mot « schlag » est d’origine allemande et provient du terme « der Schlag » - désignant le coup - lui-même issu du verbe « schlagen » qui signifie battre.

Par exemple, dans un dictionnaire Allemand-Français, vous trouverez de nombreuses expressions allemandes contenant ce mot, telles que « entscheidenden schlag ausholen », qui peut se traduire par « donner le coup décisif », ou encore « eine schlag unter die gurtellinie », qui signifie « un coup sous la ceinture ».

Contrairement à l’usage populaire qu’on en fait aujourd’hui, et notamment chez les jeunes qui l’utilisent généralement pour désigner une personne sale (un lien peut d’ailleurs être établi avec le verbe familier « schlinguer » qui veut dire puer), le mot « schlague » est à l’origine un terme associé au vocabulaire militaire.

Selon le Dictionnaire de l’Académie française, il désigne en effet un châtiment disciplinaire que l’on appliquait autrefois dans les armées allemande et autrichienne.

Celui-ci consistait à frapper un soldat sanctionné disciplinairement avec une baguette, que l’on appelait la… schlague.

Soldat recevant la schlague (Date inconnue). Crédit photo : DR

Jusqu’au XIXe siècle, recevoir la schlague signifiait donc être puni de coups de bâtons mais le sens a ensuite évolué vers l’expression « à la schlague », que certains reprennent encore aujourd’hui.

Cette dernière est d’ordinaire utilisée pour dire que l’on mène quelqu’un à la baguette, c’est-à-dire que l’on va mettre une personne au pas, non sans brutalité, afin qu’elle obéisse à des ordres.

C’est d’ailleurs le sens de l’expression utilisée en mai 2017 par Marine Le Pen qui, en réponse aux propos d’Emmanuel Macron sur l’UE, avait lancé au futur chef de l’État : « C’est l’Europe à la schlague ! », comprenez « l’Europe qui ordonne avec force ».

La fille de Jean-Marie n’en était d’ailleurs pas à son coup d’essai puisqu’elle avait déjà utilisé cette expression en 2011, en déclarant « Nicolas Sarkozy nous a décrit une Europe à la schlague », suite à un discours de campagne prononcé par l’ancien président de la République.

Les exemples d'un tel usage sont légion et ne sont bien évidemment pas l'apanage de la chef du parti d'extrême droite. En farfouillant sur la toile, on peut d'ailleurs trouver quantité de citations en ce sens.

« Notre objectif en tant que gendarme n’est pas de taper sur les opérateurs et de les faire avancer à la schlague (...) Si par une interaction régulière, nous pouvons 'débuguer' le marché et permettre au consommateur de le faire évoluer, c’est très bien. Nous voulons que les utilisateurs soient les vrais régulateurs du marché », déclarait ainsi en 2020 le patron de l'ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) dans le journal Les Échos.

D'autre part, il faut savoir que le verbe « schlaguer »  existe aussi - bien que désuet - et signifie logiquement frapper ou fouetter.

Vous l’aurez compris, le sens initial désigne une action de punir ou de contraindre par la force. La « schlague », c’est un peu ce que certains Africains appellent la « chicotte », du nom d’un objet que l’on utilise parfois sur le continent pour les châtiments corporels.

On imagine que les plus jeunes restent perplexes devant cette définition ! C’est tout à fait normal car les temps ont changé, et c'est peu de le dire !

Signification du mot d'argot « schlag »

Manuel Valls l’a appris à ses dépens il y a quelques années, l’usage actuel du mot schlague, n’a plus rien à voir avec celui d’antan.

Alors qu’il rencontrait des jeunes étudiants de Science Po Paris en 2015, l’ex-Premier ministre, soucieux d’adapter son discours à un public rajeuni afin d’éviter de passer pour une personne trop austère et trop ringarde, avait ainsi repris cette expression « à la schlague ».

Mais ce que l’ancien maire d’Évry ignorait, c’est que ce mot ne désignait plus du tout la même chose chez les plus jeunes, ou plutôt pour tous ceux qui, grosso modo, sont nés après la fin des années 70. 

Coïncidence ou pas, cela correspond aux premières générations exemptées du service militaire, les derniers appelés étant nés en 1979. Ce qui n’est peut-être pas anodin quand on connaît l’origine du mot.

Pour des raisons obscures et difficilement identifiables, schlague a en effet perdu son sens relatif à la punition et à la coercition, à tel point qu’il désigne aujourd’hui quelque chose de totalement différent.

Dans l’argot actuel, le mot - dont l’orthographe a d’ailleurs progressivement évolué, s’écrivant le plus souvent « schlag » ou « shlag » désormais - fait ainsi référence à une… personne paumée ou à l’hygiène douteuse.

Si le terme est entré dans le langage courant, il a longtemps été utilisé en priorité par les populations ayant coutume de parler familièrement dans la vie de tous les jours. Les jeunes, évidemment, mais aussi et surtout ceux qui manient à merveille l'argot, la langue de la rue, et qui se plaisent à jouer avec les mots en enrichissant un vocabulaire qui leur est propre mais qui rentre petit à petit dans les mœurs.

C'était notamment le cas par exemple dans les banlieues, à la périphérie des grandes villes, où les schlags désignaient à la fois les « clodos », les « toxos », les « pochtrons » ou les types « dégueulasses ». Et ce n'est pas pour rien qu'on retrouve souvent le mot dans de nombreux textes de rappeurs, tels que Tandem, Disiz la Peste ou encore PNL, pour ne citer qu'eux.

Le mot schlag, illustré et expliqué dans la chronique des « Gros Mots » sur Canal +. Crédit photo : Capture d'écran

Le schlag, un mot entré dans le langage courant

De nos jours, le mot est employé par toute la jeunesse et même au-delà.

Pour les adolescents et les jeunes adultes, il s'agit généralement d'un terme péjoratif, voire d'une insulte que l’on utilise pour dénigrer quelqu’un qui se néglige, par son attitude ou ses actes.

Ainsi, un schlag peut aussi bien être une personne sale qu’une personne droguée ou alcoolique par exemple.

Le sens est assez large mais la définition de quelqu’un qui se laisse aller, qui ne fait rien de sa vie (par fainéantise ou par je-m’en-foutisme), voire qui reste en marge, correspond à l’usage actuel.

Par extension, il peut également désigner un marginal et il n’est donc pas rare d’entendre par exemple certaines personnes qualifier les clochards de schlags.

Un schlag désigne parfois une personne qui « a la flemme ». On dira d'elle qu'elle est « dans le schlag ». Crédit photo : DR

Par ailleurs, et c’est bien là la preuve que les mots évoluent vite, on peut tout de même observer une différence dans l’usage que l’on en fait, en fonction de l’âge.

Si le mot s’apparente davantage à une insulte chez les trentenaires, il devient en effet presque un qualificatif un peu moqueur, mais pas forcément péjoratif, chez les ados et les jeunes adultes qui n’hésitent pas à l’employer parfois entre eux pour se taquiner.

On notera ainsi que certains utilisent le terme « schlag » pour gentiment dénigrer l‘attitude d’un ami, qui aurait trop tendance à se laisser aller, que ce soit dans sa vie de tous les jours (en faisant preuve de fainéantise) ou, au contraire, pour une occasion bien précise (en forçant un peu trop sur la bouteille lors d’une soirée).

Par analogie, les plus jeunes ont coutume de dire « dans le schlag » en parlant d’une personne qui « a la flemme » et se l’appliquent d’ailleurs à eux-mêmes quand ils ne peuvent que constater leur excès de « flemmardise ».

Et comme on n’est plus à une déclinaison près - mais n’est-ce pas finalement là l’essence même de l’argot ? -, nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, préfèrent utiliser le mot « geush », lequel n’est autre que le verlan du mot « schlag ».

Ce petit voyage à travers l’évolution du terme schlague nous rappelle à quel point les mots ne sont pas des concepts figés et qu’ils dépendent surtout du sens que l’usage veut bien leur donner. Dans ce cas précis, d'un nom commun émanant du vocabulaire militaire est né un adjectif péjoratif un peu fourre-tout, qui a même fini par devenir chez certains une remarque presque affective ou que l'on s'applique à soi-même en guise d'autodérision. 

Maintenant que le mot "schlague" n’a plus de secret pour vous, retrouvez d’autres articles de la rédaction expliquant les termes "gow", "zouz" ou "narvalo" , et bien d’autres encore.

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Au sujet de l'auteur :

Évoluant dans la presse web depuis l’époque où celle-ci n’en était encore qu’à ses balbutiements, Mathieu est un journaliste autodidacte et l’un de nos principaux rédacteurs. Naviguant entre les news généralistes et les contenus plus décalés, sa plume s’efforce d’innover dans la forme sans jamais sacrifier le fond. Au-delà de l’actualité, son travail s’intéresse autant à l’histoire qu’aux questions environnementales et témoigne d’une certaine sensibilité à la cause animale.