Les ambulanciers, les pompiers et les policiers ont tous quelque chose en commun. Quand un danger se produit, tout le monde s’en écarte et court pour y échapper. Ils sont les seuls à courir vers lui. Ils sont les premiers sur place, à aider, à sauver, et servir les gens. Dans mon monde, « secouristes » signifie quelque chose d’un peu différent.
La première année après le diagnostic de l’autisme de mon fils –il y a cinq ans maintenant– était de loin l'une des plus difficiles de mon existence. La nouvelle nous a heurtés comme une voiture de plein fouet. Nous étions perdus, confus, et dans un sens, nous étions dans un état d’incompréhension : « que pouvons-nous faire ? ». Plus qu’autre chose, je me sentais seule. Je n’oublierais jamais la première personne qui s’est intéressée à notre cas, elle se prénommait Dana.
Elle fût la première à nous tendre la main. Elle avait également un fils autiste, et nous a dit que la première année serait sûrement la plus difficile…Mais elle nous a aussi dit de mieux nous renseigner sur la maladie. De trouver un thérapeute, une école, une ville, et notre propre chemin. Nous avons tout fait. Elle était notre première « secouriste ».
Plus tard, j’ai rencontré toutes ces personnes citées ci-dessous, qui ont été nos « secouristes ». La personne qui nous a tendu la main, celle qui est venu nous aider. Ceux qui dévouent leurs vies à leurs enfants et pour leur famille, comme nous. Comme Dana. Elle était la première secouriste. C’est quelque chose que l’on n’oublie jamais et, j’espère pouvoir un jour être la première secouriste de quelqu'un.
Le printemps revient, et la chaleur aussi. Je repense à l’été dernier. A cette petite fille nommée « Jade ». Nous habitions dans un appartement, où nous avions une piscine pour toute la résidence. Nous évitions la chaleur, la foule et pour être honnête, les regards également. Un jour à la piscine, un homme, après avoir regardé mon fils, a fait un signe à sa femme comme pour dire qu’il était fou, en faisant tourner son doigt sur sa tempe. Les gens se sont habitués à indiquer que quelqu’un est fou. Cela arrive.
Je rentrais alors chez moi, en pensant à ce que j’aurais dû lui répondre, ou lui faire pour lui donner une leçon. Mais au lieu de ça, je me suis effondrée en sanglots en arrivant dans l’appartement. J’évitais alors la piscine le plus possible. Là-bas, les enfants ne jouaient jamais avec mon fils, d’autant plus quand, au bout de quelques minutes ils se rendaient compte qu’il était différent. Ils s’en allaient. Ils s’en allaient toujours.
Sauf une seule fois…
J’étais assise sur le bord de la piscine, à regarder mon fils sauter et jouer dans l’eau. Arriva Jade, âgée de 7 ou 8 ans, cheveux blonds, tâches de rousseur sur le nez, 20 kilos. C’est tout. Elle commença à s’approcher de lui. Elle lui parla, lui posa des questions, et comme toujours, il ne répondit pas. Seulement cette fois-ci, au lieu partir comme les autres enfants avant elle, elle resta. Elle me regarda, et me demanda « Est-ce qu’il parle ? ». Je répondis «Non, il ne parle pas ». Elle continua : « Est-il autiste ? ». Je n’allais pas lui mentir, la question me gênait un peu. Je n’étais pas sûre de savoir comment expliquer à une si jeune petite fille ce qu’était l’autisme.
Ma réponse fût courte : « Oui, il l’est ». Elle se retourna alors et changea d’approche avec lui. Au lieu de lui poser des questions, elle commença à lui dire quoi faire. « Là, monte dans le bateau, je vais te pousser ». « Je vais te lancer la balle et tu l’attrapes d’accord ? » Wow. Etait-ce bien ce que j’étais en train de voir ? Mon fils était-il en train de jouer ? Mon fils avait-il finalement une amie ? Pendant vingt minutes, jusqu'à ce que la petite fille doive partir, je regardais ces deux enfants jouer ensembles, et pour la première fois, l’un d’entre eux était le mien. Par miracle, j’avais des lunettes de soleil, parce que j’étais une fontaine. Mes larmes ne pouvaient s’empêcher de couler, de joie.
Si j'avais arrêté de m'aventurer à la piscine à cause de cet homme montrant du doigt mon fils, j’aurais raté deux choses formidables. La première étant celle-là : en vingt minutes, Jade avait réalisé une chose que j’attendais de voir depuis six ans. Mon fils, le MIEN, jouer avec un ami ! La deuxième chose dont j’ai été témoin, était tout aussi surprenante : en cette chaude journée de vacances, j’ai vu une « secouriste » naître. Et ça, c’est quelque chose que l’on n’oublie jamais.