Malgré leur présence imposante et magnifique, les girafes ont réussi à garder leur comportement social largement méconnu des scientifiques. Aujourd’hui encore, nous en savons finalement assez peu sur cette espèce, pourtant parmi les plus populaires de la planète.
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« Je trouve déroutant qu'une espèce africaine aussi grande, emblématique et charismatique ait été sous-étudiée pendant si longtemps » a déclaré Zoe Muller, éthologue à l'université de Bristol. Jusqu'en 2000, les girafes étaient considérées comme socialement distantes. Une étude réalisée en 1991 décrivait même l'animal comme « ne formant aucun lien durable avec ses congénères et s'associant de la manière la plus désinvolte ». Bien qu'elles soient connues pour se déplacer en troupeaux, les girafes semblent changer constamment d’entourage et d’alliance, ce qui a conduit les chercheurs à penser qu'elles ne forment pas de liens sociaux forts, à l’exception de celui entre les mères et leurs petits.
Aujourd'hui, la généralisation des appareils photo numériques et les nouvelles méthodes d'analyse des données ont révélé que ces animaux terrestres les plus hauts sont en fait beaucoup plus sophistiqués sur le plan social qu'on ne l’imaginait. En effet, en examinant plus de 400 études, Zoe Muller et le zoologiste Stephen Harris de l'université de Bristol ont réussi à mieux comprendre la nature sociale des girafes et ainsi percer certains de leurs mystères. Ils ont notamment trouvé des preuves que s’il est courant de voir des girafes solitaires, elles peuvent aussi s'associer étroitement en petits groupes de trois à neuf animaux. Ces derniers comprennent souvent des paires de femelles adultes apparentées, dont certaines ont été observées ensemble pendant six ans, et des mères avec leurs enfants, soit des relations qui peuvent durer plus de 15 ans.
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Ces groupes peuvent comprendre jusqu'à trois générations d'individus, au sein desquels les adultes aident à prendre soin des petits des autres mères et ont même été vus en train de pleurer la mort du bébé d'une autre girafe. Ce modèle social qui régit les relations entre femelles a également été vu en captivité et, parallèlement aux observations selon lesquelles ce sont les mâles qui se dispersent, il suggère que cette espèce a une société matrilinéaire, c’est-à-dire que seule l'ascendance maternelle est prise en ligne de compte pour la transmission de l'appartenance à un clan. « Cet article scientifique rassemble toutes les preuves qui suggèrent que les girafes sont en fait une espèce sociale très complexe, avec des systèmes sociaux recherchés et très fonctionnels, potentiellement comparables à ceux des éléphants, des cétacés et des chimpanzés » explique Zoe Muller.
Les girafes sont des animaux à longue durée de vie, les femelles peuvent atteindre les 30 ans, mais leur âge maximal de reproduction connu est d'environ 20 ans. Cela signifie qu'elles passent environ un tiers de leur vie en tant qu'adultes non capables de donner naissance. Chez d'autres espèces, comme les éléphants, les orques et les humains, les grands-mères jouent un rôle dans l'éducation des générations suivantes. Les chercheurs soupçonnent que c'est également le cas chez les girafes, mais notent que cela n'a pas encore été documenté et nécessite des recherches plus approfondies.
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Des capacités de communication très complexes
Ils notent également que les systèmes sociaux coopératifs des girafes requièrent des capacités de communication particulièrement sophistiquées. Mais là encore, nous en connaissons trop peu à ce sujet, tout comme de nombreux autres aspects de leur caractère ou de leur personnalité pour en tirer des conclusions précises. Ces mammifères ne sont pas vraiment bruyants et restent la seule espèce de vertébrés à ne pas bâiller, bien qu'ils toussent, sifflent, grognent et même fredonnent sinistrement entre eux la nuit. Ils communiquent également visuellement avec leurs oreilles et leurs postures, qui peuvent toutes faire partie de leur répertoire de communication.
« Les girafes ont développé des sociétés complexes et très performantes, qui ont facilité leur survie dans des écosystèmes difficiles et pleins de prédateurs » a confié l’éthologue. Malheureusement, les populations de girafes sont aujourd'hui en chute libre. Et pour cause, elles ont diminué de 40 % depuis 1985 et sont classées comme vulnérables sur la liste rouge des espèces menacées de l'UICN, ce qui est évidemment loin d’être rassurants pour les amoureux de cette espèce aussi majestueuse que mystérieuses. La chercheuse ajoute : « reconnaître que les girafes ont un système social coopératif complexe et qu'elles vivent dans des sociétés matriarcales nous permettra de mieux comprendre leur comportement et leurs besoins en matière de conservation ».
Impressionnant, n’est-ce pas ?