Les rumeurs, les potins et les commérages en tous genres ont la vie dure car ceux qui les colportent sons souvent mal perçus. Pourtant, une étude révèle que ce genre de comportement est indispensable à notre survie…
Cette étude, publiée dans la revue « Comptes rendus de l’Académie américaine des sciences », met en lumière le rôle du lobe antérieur temporal, l’un des plus importants, qui est le centre de notre connaissance sociale et des identités personnelles. Antre de la « mémoire sémantique », cette partie du cerveau s’active fortement lorsqu’on a le souvenir d’une information entendue sur quelqu’un en particulier.
Les indices qui stimulent le lobe antérieur temporal sont très variés car ils peuvent être un nom, l’image d’un visage, le son d’une voix, une démarche ou un objet associé à un individu (comme le moonwalk que l’on identifie directement à Michael Jackson).
Yin Wang, chercheur en psychologie et responsable de l’étude, explique : « Le lobe antérieur temporal a un rôle important dans le souvenir d’une information biographique sur une personne. Mais la représentation de la personne n’est pas percevable ni linguistique, c’est une représentation abstraite dans une forme conceptuelle. »
Pour comprendre comment les informations spécifiques sur une personne sont représentées, Wang et son équipe ont demandé à 50 participants volontaires d’apprendre des détails biographiques de plusieurs personnes fictives, dont leur nom, leur visage, leur âge, leur statut marital et professionnel, leur ville où ils résident et leur domicile.
Après quelques jours, il a été demandé aux participants de se remémorer de ces détails biographiques, soit à partir du nom, soit à partir du visage. Durant cet exercice qui mettait la mémoire en action, les chercheurs ont détecté de l’activité dans deux régions cérébrales : l’aire fusiforme des visages (qui analyse les visages) et l’aire visuelle des mots (qui analyse les mots).
Ensuite, l’étude a montré que le lobe antérieur temporal devenait extrêmement connecté, avec des deux régions cérébrales, durant le processus : « Bien que la connaissance sur une personne soit stockée dans des endroits différents du cerveau, une variété de stimulations vient indiquer la même personne. Nous avons constaté que la récupération de souvenir sur une personne est obtenue par la coordination du lobe antérieur temporal, qui agit comme un échange neural ».
Seulement voilà, la connaissance sociale, comme les autres aspects de la mémoire, peut changer avec le temps. Ainsi, lorsque beaucoup de temps s’est écoulé avant de se remémorer des informations sur une personne, cela nous prend plus de temps pour s’en rappeler car la connexion entre ces différentes régions du cerveau est devenue plus faible. Moins on l’utilise, plus elle se fragilise.
De ce point de vue, la prolifération de rumeurs, potins et autres commérages (que l’on en soit auteur ou destinataire) aident donc à la stimulation constante et régulière de ces régions du cerveau. Si l’on a une vie sociale assez large, nous sommes plus efficaces pour intégrer des informations sur une personne.
Dès lors, ce processus cérébral amène donc un groupe de personnes à interagir les uns avec les autres, donnant lieu aux communautés, aux amitiés, aux structures sociales telles qu’on les connaît aujourd’hui. Dans l’évolution de notre espèce, commérer équivaut à échanger des renseignements sur autrui, leurs connexions et leurs interactions avec d’autres.
Dans son livre « Sapiens : une brève histoire de l’espèce humaine », l’historien israélien Yuval Harari écrivait : « La coopération sociale est un élément clef de la survie et de la reproduction. Il ne suffisait pas aux hommes et aux femmes de connaître les allers et venues des lions et des bisons. Il est beaucoup plus important pour eux de savoir, dans leur groupe, qui déteste qui, qui couche avec qui, qui est honnête et qui est un menteur ».
En plein processus de civilisation, les commérages permettaient donc aux Humains de forger des amitiés et des hiérarchies dans la société afin d’établir un ordre social et une coopération qui les mettait en haut du royaume animal.
Intéressante comme étude, n’est-ce pas ?