Un constat alarmant. Dans son rapport annuel dévoilé ce jeudi, l'association Solidarités nouvelles face au chômage interpelle sur le vécu des personnes sans emploi. Stress, dépression, obésité, addictions… l'organisme témoigne des répercussions souvent ignorées de l'inactivité professionnelle sur la santé.
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Précarité, isolement, baisse de l'estime de soi… Les effets néfastes du chômage sont aussi inquiétants que multiples. Et puis, il y a ceux dont on n'a pas forcément conscience, comme l'impact de l'inactivité sur la santé des personnes en recherche d'emploi.
L'association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC) a publié jeudi 20 septembre son deuxième rapport consacré aux évolutions du marché de l’emploi en France et aux impacts du chômage sur la santé, tant physique que psychique, des chercheurs de travail.
Les personnes sans emploi affichent ainsi un état de santé moindre par rapport aux actifs ou aux retraités. Les inactifs seraient « deux fois plus nombreux que les salariés ayant un emploi stable à estimer que leur état de santé n’est pas satisfaisant », soulignent les auteurs. Un pourcentage qui monte crescendo à mesure que le nombre de périodes de chômage vécues augmente.
Un épisode traumatisant
S'il n'y a pas de pathologie spécifique à l'inactivité professionnelle, on remarque toutefois que les individus inactifs sont plus sujets à des troubles du sommeil et aux symptômes dépressifs. En effet, le chômage est vécu comme une épreuve qui s’accompagne de stress, d’anxiété et de déprime mais également d’un profond sentiment de honte et de culpabilité. En cela, l’expérience du chômage constitue souvent un véritable traumatisme.
On observe ainsi une surmortalité des chercheurs d'emploi, avec 10 000 à 14 000 décès imputables au chômage chaque année. Cette surmortalité serait plus spécifiquement liée à des maladies (cardiovasculaires notamment), aux conséquences de comportements addictifs (consommation de tabac, d’alcool et de cannabis) et de la fréquence des comportements addictifs apparus après la perte d’emploi, ou à des morts violentes, comme le suicide. Plusieurs centaines de suicides par an sont en effet attribuées au chômage avec un risque relatif de suicide de 2,2 fois plus fort que pour les actifs occupés.
Une réalité du chômage « méconnue » voire « ignorée » qui a fait l'objet de seulement trois études françaises en dix ans. Cette problématique concerne pourtant les 2,5 millions de chômeurs en France métropolitaine, toutes catégories confondues.
Les habitudes de vie chamboulées
Le fait d’être sans emploi impacte directement sur les habitudes de vie, avec l'alimentation, l'activité physique, ou encore les addictions en ligne de mire. Les personnes au chômage sont ainsi 38 % à dénoncer l’impact négatif du chômage sur leurs habitudes alimentaires. Une personne inactive aura davantage tendance à se nourrir de façon déséquilibrée, avec un apport calorique « significativement plus élevé que la moyenne » et des produits à bas coût de moindre qualité.
Les enquêtes françaises mettent ainsi en évidence chez les chercheurs d’emploi un pourcentage d’obèses supérieur de 42 % à celui des actifs du même âge.
La recherche d’emploi a également des répercussions sur la pratique sportive pour 51 % des chercheurs d’emploi interrogés et les activités de loisir pour 34 % d’entre eux, selon le Baromètre 2018 SNC-Comisis /Opinion-Way. Parmi les principaux freins évoqués par les individus, le coût de ces activités, mais aussi un renoncement lié à la « honte d’être chômeur » et à un sentiment de culpabilité.
Un renoncement aux soins
La perte d'emploi entraînant une absence de revenus, les personnes au chômage renoncent généralement à se soigner, malgré toutes ces fragilités. Elles bénéficient d'un côté d’une moins bonne protection complémentaire que les autres populations, avec des complémentaires santé moins favorables (par exemple pour le remboursement des lunettes et des prothèses dentaires).
L’avance des frais de santé, le manque d’information sur le remboursement et la méconnaissance de ses droits constituent par ailleurs des freins supplémentaires. Ce renoncement est enfin lié à une moindre priorisation des problèmes de santé dans une situation sociale instable, menant à « la négligence de l’écoute de son corps dans un contexte de restriction des besoins ».
Face à ces constats accablants, l'association recommande une réorganisation des dispositifs d'accompagnement, en privilégiant une meilleure communication entre Pôle emploi, la Caisse d'assurance maladie et les médecins généralistes afin d'identifier les profils qui nécessiteraient un meilleur suivi.