On en parle activement depuis plusieurs jours, la réforme de la SNCF a été abordée aujourd’hui lors d’une conférence de presse par Édouard Philippe, l’actuel premier ministre. D’une ampleur phénoménale, traitant notamment du statut de cheminot que le gouvernement souhaiterait révoquer, Emmanuel Macron ayant parlé d’abolir ce qu’il considère comme des privilèges induits par les statuts particuliers pendant sa campagne présidentielle, la réforme entraînera une grève possiblement reconductible et des manifestations dès le 12 mars prochain, dont les relents seront sans doute inédits.
Édouard Philippe a abordé ce lundi 26 février tous les points de la réforme au cours d’une conférence de presse expédiée relativement rapidement à Matignon, puisque vingt minutes lui auront suffi pour exprimer les changements désirés par son gouvernement. Tout d’abord, Philippe veut supprimer le statut de cheminot pour tous les nouveaux embauchés. Si ceux qui le sont déjà conserveront leur statut et les avantages induits, les futurs employés de la SNCF ne bénéficieront plus du moindre avantage lié à ce statut.
Selon les chiffres de CNews, 92% des 150 000 salariés de la SNCF possèdent le statut de cheminot à l’heure actuelle. Il offre la sécurité de l’emploi, un régime de sécurité sociale spécifique, de même que pour le régime de retraite, avec une pension correspondant à 75% du salaire des six derniers mois. Les cheminots ont en outre le droit de voyager gratuitement, tandis que leurs proches (conjoints et enfants) bénéficient de seize trajets gratuits par an, ainsi que des réductions sur les prix des billets.
Edouard Philippe, ici à Berlin, en septembre 2017. Crédit photo : 360b / Shutterstock
Tout ceci coûterait cher selon Édouard Philippe, qui veut donc priver les futurs employés de la SNCF de ces quelques avantages, pour leur faire signer un contrat plus conventionnel. Pour appliquer la réforme, Édouard Philippe a annoncé clairement le recours aux ordonnances, laissant peu de place à la contestation, déjà utilisées pour la loi Travail et qui permettront de ne pas débattre des conditions de la réforme de la SNCF à l'Assemblée nationale :
« Nous mènerons des concertations méthodiques. Si certains sujets s'enlisent, si certains tentent de confisquer le débat ferroviaire (...) alors le gouvernement prendra ses responsabilités ».
Rappelons qu’Emmanuel Macron privilégie les ordonnances qui permettent selon ses termes de « raccourcir le processus parlementaire et éviter les navettes parlementaires ».
Crédit photo : Manifestation SNCF gare Saint Lazare mardi 17 juin / YouTube
« L’annonce de la fin du statut est vécue par les agents comme une vraie injustice et une vraie provocation », a affirmé Erik Meyer de SUD-Rail, la Fédération des syndicats de travailleurs du Rail, qui estime que la réforme est « un chantage à l’ordonnance » empêchant d’« établir un débat serein ». Stéphane Le Foll et Frédéric Cuvillier le rejoignent sur ce point :
« Nous dénonçons la méthode brutale et arrogante employée par le gouvernement pour engager la réforme ferroviaire. La confirmation d’un recours aux ordonnances va, en effet, inutilement diviser les acteurs de la SNCF et risque de dresser les Français contre cette entreprise publique qui relève du patrimoine national ».
#SNCF «Trop d'ordonnances, ça peut tuer le malade.» Jean-Claude Mailly (FO) appelle le gouvernement à ne pas «confondre vitesse et précipitation»#8h30Politique pic.twitter.com/XNOtH3qAGA
— franceinfo (@franceinfo) 26 février 2018
Concernant le rapport Spinetta, révélateur de nombreuses inégalités géographiques et spatiales en France, puisqu’il induit de supprimer les petites lignes, dans la province, dans les régions rurales, prétendument peu usitées et qui coûteraient inutilement de l’argent à l’État, tout en préconisant pour les habitants de ces régions d’utiliser la voiture pour leurs trajets, le premier ministre semble s’y opposer fermement. La fermeture de ces petites lignes contribuerait grandement à enclaver des territoires déjà peu desservis par les transports publics, et à conférer un sentiment d’isolement encore plus grand à des populations rurales qui se sentent légèrement laissées pour compte :
« Ce n’est pas une réforme des petites lignes. Je ne suivrai pas le rapport Spinetta sur ce point. On ne décide pas la fermeture de 9000 km de lignes depuis Paris sur des critères administratifs et comptables ».
20 Minutes rappelle que la dette de la SNCF Réseau s’élève actuellement à 50 milliards d’euros. En tant que société nationale, la SNCF est propriété de l’État, qui s’est engagé par le biais d’Edouard Philippe à « [prendre] sa part de responsabilité avant la fin du quinquennat », sous réserve d’ « efforts » de l’entreprise. Une partie de la dette rejoindra ainsi le déficit public, même si pour l’heure nous ne savons à quelle hauteur financière, ni quand exactement. En ce qui concerne la réforme des retraites, Edouard Philippe a balayé d’un revers de la main le sujet, le renvoyant à plus tard.
La réforme ainsi entamée par le gouvernement à grands coups d’ordonnances pourrait entraîner une grève et des révoltes semblables à celles de 1995, qui avaient réuni plus de deux millions de manifestants pour le retrait du plan Juppé de réforme du système de prévoyance sociale dans l’ensemble de l’hexagone, soit la manifestation la plus importante en France depuis les évènements de mai 1968. La manifestation nationale des cheminots devrait avoir lieu le 22 mars 2018.