Depuis son éclatante victoire en Coupe du Monde, l'équipe de France de football est victime d'une indigne vague de racisme

En 1998, lorsque l’Équipe de France de football remportait pour la première fois la Coupe du Monde, l’ensemble du pays parlait du sacre de la « France black-blanc-beur », évoquait le succès d’une France métissée, illuminant les bienfaits de l’immigration dans notre pays.

Vingt ans plus tard, alors que les Bleus viennent de remporter une autre étoile gagnée à la sueur de leur front, faisant la fierté de millions de Français amoureux de ces 23 hommes qui nous ont éblouis par leur comportement exemplaire et leurs qualités techniques tout au long de la compétition, l’équipe nationale se retrouve prise dans une tourmente raciste indigne, d’un autre temps.

Certaines personnes, notamment à l’étranger, tout particulièrement en Italie, pointent du doigt les origines ethniques des joueurs, et multiplient les commentaires racistes sur les réseaux sociaux. Des propos haineux contrebalancés par d’autres déclarations saluant les champions du monde, tous sacrés sous les couleurs de la France, tous français, et qui applaudissent les vertus de la diversité dans notre pays.

Reuters

Nous sommes en 2018, et aussi effarant que cela puisse paraître, le racisme existe toujours. Vingt ans après la victoire des Bleus d’Aimé Jacquet, pour beaucoup enfants d’immigrés, les origines familiales, la couleur de peau, la religion de joueurs français font l’objet de commentaires haineux d’une stupidité affligeante. Avant, pendant, et après la Coupe du Monde, cette équipe de France qui fait notre fierté a été victime de racisme, comme lorsqu’en mars 2018, lors d’un match amical contre la Russie, d’ignobles cris de singe ont retenti dans le stade de Saint-Pétersbourg lorsqu’Ousmane Dembélé ou Paul Pogba s’apprêtaient à toucher le ballon.

Si vous pensiez que la victoire éclatante de cette équipe comptant en son sein des joueurs issus d’origines sociales et ethniques diverses et variées, tous réunis sous la bannière française, lors de la plus prestigieuse compétition sportive de la planète aurait fait cesser le racisme à son encontre, nous sommes au regret de vous annoncer que c’est loin d’être le cas. C’est peut-être même pire.

De commentaires italiens au racisme non-dissimulé sur les réseaux sociaux comme « c’est l’Afrique qui a gagné », « champions du tiers-monde », ou « des singes avec un ballon » aux tweets listant les joueurs français en apposant à leurs noms respectifs des drapeaux désignant leurs origines : les débordements sont nombreux, nauséabonds. Certains, comme le numéro 22 français Benjamin Mendy, recadrent avec sobriété ces travers.

Outre-atlantique, le présentateur sud-africain Trevor Noah a scandé durant son Daily Show, sous couvert de l’humour, mais avec malgré tout une indicible lourdeur qui est restée en travers de la gorge de beaucoup, en s’attardant longuement sur la couleur de peau de nos Bleus  :

« Oui, je suis si excité  ! L’Afrique a gagné la Coupe du Monde  ! L’Afrique a gagné la Coupe du Monde  ! L’Afrique a gagné la Coupe du Monde  ! L’Afrique a gagné la Coupe du Monde  ! Je sais, je sais, il faut dire que c'est l'équipe de France, mais regardez ces gars. Regardez ces gars  ! Vous ne chopez pas ce bronzage en traînant dans le sud de la France, mes amis. En gros, si vous ne comprenez pas, la France est l'équipe de rechange de l'Afrique, d’accord  ? Une fois que le Nigeria et le Sénégal ont été éliminés, c’est pour eux que nous tenons ».

L'intervention ci-dessus se voulait humoristique mais de nombreux sportifs français évoluant aux Etats-Unis, comme les basketteurs Nicolas Batum et Evan Fournier, ont fait part de leur colère devant tant de bêtise : 

La déferlante rétrograde à l’égard de la meilleure équipe du monde reste heureusement minoritaire par rapport à toutes les personnes fières du groupe de Didier Deschamps, partout à travers le globe, et pour qui la couleur de peau, l’origine n’ont guère d’importance, pour qui cette diversité constitue une véritable force, comme le clame l’ancien président des États-Unis Barack Obama, lors d’un discours d’hommage à Nelson Mandela, mardi 17 juillet 2018 à Johannesbourg, en Afrique du Sud  :

« On se voit nous-même dans les autres, on voit que nous pouvons reconnaître des rêves et des espoirs communs. C’est une vérité incompatible avec toute forme de discrimination, qu’elle soit fondée sur la couleur de peau, la religion, le sexe, ou l’orientation sexuelle. Et c’est une vérité qui, lorsqu’elle est acceptée, comporte des avantages pratiques, puisqu’elle permet à une société de profiter de l’énergie et du talent de toutes ces personnes. Et si vous en doutez, demandez à l’équipe française de football qui vient de remporter la Coupe du Monde. Parce que tous ces gens ne ressemblent pas à des Gaulois, pour moi. Mais ils sont français  ! Ils sont français  ! »

Le football n’est pas qu’un simple sport. Il se veut aussi le reflet de la société contemporaine. Il ntretient des liens étroits avec la politique, avec les évolutions sociales. Et pour la deuxième fois de son histoire, le pays des droits de l’homme, traditionnellement ouvert à l’immigration, quelle que soit sa provenance, qui a toujours comporté dans son équipe nationale des joueurs de toutes les origines ethniques, de Platini à Mbappé en passant par Zidane et Raymond Kopa, des individus figurant parmi les plus grands footballeurs de tous les temps, a remporté la Coupe du Monde avec brio, vingt ans après. Aucune remarque raciste ne changera jamais ce fait. Aucune.


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