Ce lundi matin, la Catalogne s'est réveillée dans le brouillard. Après la déclaration unilatérale d'indépendance proclamée vendredi dernier par son gouvernement local, suivie dans la foulée par l'annonce immédiate de l'application de l'article 155 par Madrid, la région est aujourd'hui plongée dans l'incertitude la plus totale.
Officiellement, la Catalogne est désormais dirigée par Soraya Saenz de Santamaria, vice-présidente du gouvernement espagnol et bras droit de Mariano Rajoy... Une situation que les indépendantistes refusent toutefois de reconnaître.
Manifestation pro-indépendance le 11 septembre 2017 à Barcelone, Catalogne / Shutterstock
Depuis vendredi dernier, Barcelone est mise sous tutelle, en attendant la convocation de nouvelles élections qui devraient avoir lieu en décembre. L'exécutif catalan, lui, a été officiellement destitué , mais Carles Puigdemont, le chef de file des indépendantistes, ne s'avoue pas vaincu pour autant. Dans une allocution télévisée pré-enregistrée, il a appelé les Catalans indépendantistes à « s’opposer démocratiquement » à la mise sous tutelle de la région par l’État.
Alors qu'une nouvelle semaine de travail commence, les organisations indépendantistes, elles, ont appelé à la « désobéissance civile » et ont fourni des instructions détaillées aux quelque 200 000 fonctionnaires de Catalogne sur l'attitude à adopter. Si suffisamment d'entre eux refusent de travailler ou décident tout simplement de refuser d'obéir aux nouveaux ordres, Madrid pourrait bien se retrouver face à une nouvelle impasse.
On s'interroge ainsi sur la réaction et le devenir des mossos d'esquadra, la police locale, qui comme le reste de la population catalane reste très divisée sur la question de l'indépendance, et dont le chef Josep Lluis Trapero a été remplacé et est aujourd'hui poursuivi pour sédition. Si les institutions locales décident en masse de ne pas reconnaître les ordres de Madrid, l'application et la mise en œuvre concrète de la tutelle espagnole en Catalogne risque d'être grandement compliquée.
Si certains commissariats ont commencé à retirer les portraits de Carles Puigdemont sur l'ordre du ministère de l'Intérieur, d'autres établissements publics font de la résistance et affichent encore la photographie. Ce lundi matin, certains membres du gouvernement déchu se sont rendus à leur poste comme à l'accoutumée, ignorant de fait leur destitution par le gouvernement central.
Ainsi, David Mascort, le secrétaire général du département de l'agriculture, ou encore Josep Rull, le conseiller du territoire et du développement durable, ont tous les deux partagé ce matin sur les réseaux sociaux des photos d'eux en train de travailler et de vaquer à leurs occupations comme si de rien n'était.
Al despatx, fent feina pel meu país pic.twitter.com/GerqhzrUuI
— david mascort (@dmascort) 30 octobre 2017
« Au bureau, en train de travailler pour mon pays »
Al despatx, exercint les responsabilitats que ens ha encomanat el poble de Catalunya. #seguim pic.twitter.com/npc6vFH0rB
— Josep Rull i Andreu (@joseprull) 30 octobre 2017
« Au bureau, en train d'exercer les responsabilités qui m'ont été confiées par le peuple de Catalogne »
L'accès au bâtiment de la Generalitat avait été autorisé « quelques heures » aux fonctionnaires afin qu'ils puissent ramasser leurs effets personnels, a expliqué le ministre de l'Intérieur Juan Ignacio Zoido à la télévision espagnole. Cependant, il semble que certains d'entre eux aient décidé de faire de la résistance et de rester dans le bâtiment. Des agents des mossos d'esquadra sont intervenus ce matin peu avant dix heures, pour notifier les récalcitrants qu'ils commettaient une infraction criminelle s'ils venaient avec l'intention de travailler, et les prévenir que leur refus de cesser leurs fonctions entraînerait une notification au tribunal, a rapporté le journal espagnol El Mundo.
Finalement, les derniers sont sortis à la fin de la matinée. César Puig, secrétaire général de l'Intérieur, a quitté le département, mais sans toutefois prendre ses cartons et apportant uniquement son porte-documents avec lui. Il a nié à la presse avoir cessé d'exercer ses fonctions : « Je ne me considère pas comme licencié parce que le gouvernement qui m'a nommé ne l'a pas fait », a-t-il indiqué à des journalistes présents. Josep Rull, lui, a quitté son bureau « pour aller à une réunion» et a répété à Europa Press qu'il ne faisait que « se conformer à l'agenda prévu »
Une plainte doit être déposée aujourd'hui au Tribunal Suprême pour décider du sort qui sera réservé aux indépendantistes. Si ces derniers sont poursuivis, ils pourraient être reconnus coupables du délit de rébellion, et écoper de 30 ans de prison. Cependant, en fonction de leur coopération, ils ne pourraient être inculpés que du délit de sédition. Dans ce cas, la peine serait plus légère : entre 8 et 15 ans de prison.