La fabuleuse histoire de José Gutierrez, l'éboueur colombien amoureux des livres, qui passe ses nuits à sauver des bouquins des poubelles pour les donner aux gosses des rues

José Gutiérrez, 52 ans, est éboueur et chauffeur de camion-benne à Bogotá, en Colombie. Mais ce n’est pas un éboueur comme les autres : lorsqu’il sort travailler, José est sans cesse aux aguets, et au volant de son engin il prend soudain des allures de chasseur de trésor. L’objet de sa convoitise : des livres, abandonnés dans des cartons, vulgairement jetés à la rue par leurs anciens propriétaires.

Pour lui, ce sont de véritables trésors : il veut en « sauver » un maximum, pour ensuite les offrir aux gamins des quartiers pauvres de Bogotá.

Avec une patience infinie, petit à petit, il a accumulé plus de 30 000 ouvrages — au point de constituer une véritable bibliothèque !


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Cet éboueur amoureux des livres est épris d’une passion dévorante pour la lecture, et pour les bouquins en général. Une habitude qu’il tient de sa mère et qui lui vient de sa plus tendre enfance, lorsqu’elle lui racontait des histoires tous les soirs avant de s’endormir. Trop pauvre pour lui offrir des études, elle lui avait tout de même légué le goût de la lecture et l’amour de la littérature.

À cause de la pauvreté de sa famille, José n’a jamais pu poursuivre d’études et commence à travailler dans la construction, puis il finit par trouver un emploi dans une entreprise. Après 9 ans de bons et loyaux services, l’entreprise fait faillite et tous les salariés, José y compris, sont licenciés et se retrouvent à la rue.

C’est alors qu’il trouve du travail comme éboueur, plus précisément en tant que chauffeur de camion-poubelle.


Le déclic avec Ana Karénine de Tolstoï

Une nuit, alors qu’il descend du camion pour aider ses collègues à charger les poubelles, il remarque un petit carton. Dedans se trouvait un livre, le livre qui allait tout faire basculer, celui qui allait marquer le début d’une véritable passion : Ce livre, c’était Ana Karénine de Léon Tolstoï.

C’était il y a 19 ans, mais il s’en souvient encore comme si c’était hier ! Et pour cause : c’est cette « rencontre » avec le livre de l’auteur russe qui allait opérer un déclic en lui, c'était cela qui allait tout déclencher…

Il se met à récupérer des livres pour les lire, encore et encore. Ces ouvrages laissés à l'abandon, il les récupère, les lit avidement puis les accumule... au point de fonder une véritable bibliothèque dans son garage !

« Ce qui est vraiment curieux, s’amuse-t-il, c’est que jamais il ne m’est arrivé de trouver de livres mélangés avec les détritus organiques, avec les déchets ménagers... Non, les livres sont toujours placés à part, dans des sacs ou dans des cartons… Comme si, même lorsqu’ils les jettent, les gens les considéraient encore comme un objet à part, comme quelque chose de très spécial. »

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En deux décennies, José a accumulé plus de 30.000 romans, essais, encyclopédies... tous « sauvés » des poubelles. Les bouquins sont entassés jusqu’au plafond dans le sous-sol de sa petite maison, située dans un quartier très défavorisé de Bogotá. Cette bibliothèque improvisée, il l’appelle “La Fuerza de las Palabras" ("La Force des Mots“). Et elle est ouverte à tous les enfants, les jeunes et les adultes qui veulent s’instruire, rêver, échapper à la misère du quotidien, rire, se cultiver, ou simplement emprunter un livre de recettes de cuisine !


Le Seigneur des Livres

Dans ce quartier rongé par la pauvreté, les gamins des rues peuvent facilement mal tourner et se laisser entraîner par des gangsMais José en a la conviction farouche : l’éducation et les livres peuvent les sauver ! Car c’est pour eux —et pour l’amour des livres — qu’il fait tout cela, c’est pour ces enfants qu’il passe ses nuits à scruter le moindre carton laissé à l’abandon dans les quartiers plus favorisés de la ville.

Aujourd’hui, tout le monde connaît José, il est devenu une figure incontournable de Bogotá. Les gens le surnomment « Le Seigneur des Livres » et il a même été l’invité d’une émission de télévision locale ! Désormais, de plus en plus de personnes mettent de côté les livres dont ils ne veulent plus pour les lui porter, plutôt que de les jeter — et ses collègues éboueurs, lorsqu’ils sont en tournée et qu’ils voient un livre jeté au détour d’une ruelle, n’hésitent pas à le glisser dans la poche de leur combinaison pour venir ensuite le lui porter à la lueur du petit matin.


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Son rêve, à présent ? Continuer à accroître sa collection de livres afin de pouvoir les envoyer à des bibliothèques aux quatre coins de la Colombie. Car de l’avis même de José, un livre n’est pas fait pour être possédé, mais pour être partagé.

C’est pourquoi il envoie de grandes quantités d’ouvrages dans des coins reculés du pays, dans des banlieues défavorisées, dans des villages isolés dans lesquels les livres sont presque considérés comme des articles de luxe.

Lorsqu’on lui demande lesquels sont ses préférés, José Gutiérrez cite « Cent ans de solitude » et « Le général dans son labyrinthe », deux chefs-d’œuvre de son compatriote colombien, l’écrivain Gabriel García Márquez — qu’il regrette de n’avoir pas encore eu le loisir de trouver au cours de ses expéditions nocturnes.



Source : Bravissimo
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