Le jugement de « La Meute », condamnée pour « abus sexuel » et non « viol », l'affaire qui secoue l'Espagne

Cinq hommes ayant abusé d'une jeune femme en Espagne ont été disculpés de viol le jeudi 26 avril. Un verdict intolérable pour la population, qui s'est aussitôt emparée de la rue et des réseaux sociaux. Une pétition a également été lancée afin de réclamer la révocation des juges ayant pris cette décision. Elle a déjà recueilli plus d'un million de signatures.

C'est l'affaire qui secoue l'Espagne. Les faits remontent à l'été 2016, lors des fêtes de San Fermin, à Pampelune, célèbres pour leurs courses de taureaux. Cinq hommes espagnols âgés de 27 à 29 ans ont été condamnés à neuf ans de prison chacun pour « abus sexuel » sur une Madrilène de 18 ans. Cette décision, rendue le jeudi 26 avril, suscite depuis la colère dans tout le pays. La raison ?  Les hommes ont été disculpés de « viol » et ont écopé d'une peine nettement moins lourde que celle de 22 ans et 10 mois requise par la procureure.

Les juges n'ont en effet pas retenu le « viol collectif », estimant qu'il n'y a pas eu « intimidation » ou « violence », comme le stipule le Code pénal. Lors du procès, en novembre 2017, la plaignante affirmait pourtant, sans la moindre ambiguïté, qu'elle n'était pas consentante. Seule et alcoolisée, elle explique avoir suivi le groupe sans « penser qu'allait se produire ce qui s'est produit » et s'être soudain « vue cernée », rapporte Franceinfo.

Les cinq accusés reconnaissent quant à eux le vol du portable de la victime mais pas d'avoir abusé d'elle. Membres d'un groupe de discussion sur l'application WhatsApp intitulé « La Manada » (« La Meute »), ils y postent une vidéo de la scène, accompagnée du message « En train d'en baiser une à cinq ». Des images utilisées par les avocats de la défense pour démentir les propos de la jeune femme, qui se dit bel et bien victime d'agression sexuelle. Selon eux, celle-ci ne semble pas refuser les actes et ne manifesterait pas son désaccord.

C'en est trop pour les Espagnols, qui se sont empressés de faire entendre leur voix. « Ce n'est pas un abus sexuel, c'est un viol », scandaient les manifestants dans les rues de Pampelune, au nord de l'Espagne, ou dans celles de Barcelone, ce samedi 28 avril. Entre 32 000 et 35 000 personnes se seraient réunies selon un porte-parole de la police municipale.

Autre signe de protestation : plus d'1,3 million de personnes ont signé la pétition lancée il y a quatre jours par une jeune femme Espagnole et adressée au Tribunal suprême espagnol pour réclamer la révocation des juges ayant pris cette décision.

Un ras-le-bol général

En plus de prendre la rue, les Espanols se sont emparés des réseaux sociaux. Sur Twitter, le hashtag #cuéntalo (« Raconte-le » en Français), équivalent ibérique de #balancetonporc et #metoo, a vu le jour et a rapidement pris de l'ampleur. D'autres mots-clés de soutien ont été utilisés, comme #HermanaYoTeCreo (« Ma sœur, je te crois ») ou #NoEsNo (« Non, c'est non »). Tous servent d'exutoire à de nombreuses femmes qui témoignent des agressions et injustices dont elles ont été victimes.

« Un professeur m'a violé pendant deux ans en me faisant du chantage. Il a été condamné à sept ans de prison mais il n'en a fait que trois, pour bonne conduite. De mon côté, cela fait 14 ans que je suis un traitement psychiatrique », raconte « Vagina dentada » sur Twitter :

« Nagore résista à son violeur à San Fermín. Il la tua. Au bout de 8 ans il était libre. Le message : si tu résistes, on te tue. Le message d'aujourd'hui : si tu ne résistes pas, on ne te croit pas », écrit cette autre internaute :

En 2016 déjà, des milliers de personnes avaient manifesté pour dénoncer les violences sexuelles lors des fêtes de Pampelune, rappelle The Guardian. Pour beaucoup, ce triste verdict reflète, une fois de plus, la société machiste et patriarcale :

Cette large mobilisation semble déjà porter ses fruits : le ministre, Rafael Catala, a admis qu’il était temps de « réfléchir à une réforme » de la législation espagnole sur les agressions sexuelles, qui date de 1995, souligne Le Monde.

Et l'affaire est loin d'être terminée puisque les avocats de la victime, tout comme ceux de certains accusés, ont annoncé vouloir faire appel.

Source : Franceinfo
VOIR TOUS LES COMMENTAIRES

author-avatar

Au sujet de l'auteur :

Journaliste