C'est la photo qui a fait trembler le web ce week-end : celle d'Abd Alkader Habak, photographe Syrien de guerre, au sol, effondré, appareil en main, après qu’un attentat suicide a décimé une grande partie des passagers d'un bus lors d’une opération d’évacuation. Bilan : 126 victimes. Dont 68 enfants.
La journée du samedi 15 avril sonnait le glas d’un long cauchemar pour les passagers des 75 bus, en arrêt à Rachidine (au nord de la Syrie), finalement en route pour délivrer les milliers d’habitants de Foua et Kafraya, deux villages chiites investis par les rebelles sunnites des années durant.
Mais il en sera autrement pour ces civiles en mal de paix, aux destins définitivement ravagés par les opposants au régime de Bashar Al-Assad après que l’un d’eux, kamikaze, a lancé son camion piégé contre les bus, faisant de cet attentat l’une des attaques les plus meurtrières en six ans de conflit syrien.
La caméra vissée au poing, le reporter de guerre syrien s’est empressé de venir en aide aux victimes, comme il le raconte sur Channel 4, une chaîne de télévision britannique, avant de s’effondrer quelques instants plus tard, près du corps calciné d’un enfant. Une photo que nous avons volontairement choisi de diffuser coupé mais disponible dans son intégralité ici :
« Les mots ne peuvent pas décrire ce qui s’est passé. Je me tenais à côté d’une voiture où de la nourriture était distribuée aux enfants, j’étais juste à quelques mètres, quand il y a eu soudainement une grosse explosion. Ma caméra est tombée par terre et j’ai été projeté en arrière. (…) J’ai regardé son visage et j’ai vu qu’il respirait. Donc je l’ai pris dans mes bras et j’ai couru vers l’ambulance. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, mais je l’ai mis dans une ambulance qui l’a conduit vers un des hôpitaux situés dans la zone tenue par les rebelles. »
Free Syrian journalist Abd Alkader Habak rescuing a child from Fua. No words.#Syria #syrianchildren #journalist pic.twitter.com/EgZJU83dpM
— Aisyah Gozali (@Aisyah_Gozali) 16 avril 2017
« Ce que mes collègues et moi avons fait aujourd’hui est ce qui inspire notre humanité, à ceux qui étaient les complices dans les meurtres d’enfants à Khan Cheikhoun » a tweeté le photographe quelques heures après le drame :
What I and my colleagues have done today is what inspires our humanity to those who were partners in killing the children of #Khan_Sheikhan
— Abd Alkader Habak (@AbdHabak) 15 avril 2017
De son côté, le pape François dénonce un acte d’une barbarie sans nom, lors de la messe de Pâques : « L'attaque de samedi est la dernière en date des attaques ignobles visant des réfugiés en fuite ». Stephen O’Brien, le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d'urgence de l'ONU, lui, condamne une attaque « monstrueuse et lâche », ainsi que ses auteurs, « qui ont fait preuve d'une indifférence éhontée pour la vie humaine ».