Des scientifiques affirment avoir découvert une nouvelle espèce humaine aux Philippines, après avoir mis au jour des ossements provenant d'hominidés qui auraient vécu il y a environ 60 000 ans.
La journée du mercredi 10 avril 2019 restera à jamais comme une date clé dans l’histoire de la recherche. Si l’événement le plus attendu était bien évidemment la révélation en grande pompe de la toute première photo - certes floue - d’un trou noir, une autre annonce, passée inaperçue dans un premier temps, a également bouleversé le microcosme scientifique.
Une équipe de chercheurs a ainsi affirmé avoir fait la découverte d’une nouvelle espèce humaine sur l’île de Luçon aux Philippines.
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— Nature News & Comment (@NatureNews) 11 avril 2019
Une espèce à mi-chemin entre l’Australopithèque et l’Homo sapiens ?
Cette espèce, baptisée « Homo luzonensis », présente des caractéristiques morphologiques encore jamais vues, à mi-chemin entre l’Australopithèque et l’Homo sapiens, ce qui pourrait en faire un nouveau membre apparenté de la famille des hominidés.
Ces premières observations ont été faites à partir de treize restes fossiles - parmi lesquels se trouvaient des dents, des phalanges de pied et de main ou encore des fragments de fémurs - découverts dans la grotte de Callao, située à Peñablanca dans la province de Cagayan.
Les détails de ces fouilles ainsi que les premières hypothèses ont été rapportés dans la très prestigieuse revue scientifique britannique Nature.
On y apprend notamment que cette espèce présente la particularité d'avoir à la fois « des éléments ou caractères très primitifs ressemblant à ceux des Australopithèques et d'autres, modernes, proches de ceux des Homo sapiens », selon Florent Détroit, paléoanthropologue français qui travaille au musée de l’Homme à Paris.
Ce dernier, qui s’avère être le principal auteur de l’étude, émet l’hypothèse que cet hominidé « était probablement petit si on en juge par la taille de ses dents », bien que cet argument ne suffise guère pour en avoir la certitude.
« Un individu qui ne peut être classé dans aucune des espèces connues aujourd’hui »
Une chose est certaine, cet Homo luzonensis n’est pas un ancêtre direct de l'homme moderne et pourrait donc être une espèce voisine, qui aurait vécu puis disparu à une époque où l’Homo sapiens - dernier représentant du genre homo auquel nous appartenons - peuplait déjà la Terre.
Pour rappel, selon un consensus scientifique basé sur les plus vieux fossiles jamais retrouvés, l’Homo sapiens serait apparu il y a environ 300 000 ans.
Cet Homo luzonensis serait donc l’un de nos cousins, comme le fut jadis l'homme de Néandertal.
Deux des fossiles retrouvés ont été analysés et le processus de datation, réalisé selon la méthode des séries de l’uranium, a pu déterminer qu’il étaient âgés respectivement de 50 000 et 67 000 ans. Il s'agit donc des plus vieux restes humains connus aux Philippines.
Quant à l'analyse morphologique menée sur les restes fossiles, celle-ci a confirmé les premières impressions des chercheurs.
L’étude de la dentition et notamment des prémolaires a ainsi permis d’observer des similitudes avec l’Australopithèque (une espèce qui vivait sur le continent africain, disparue il y a 2 millions d’années), mais aussi d’autres espèces d’hominidés aujourd’hui éteintes comme l’Homo habilis ou encore l’Homo erectus.
À l’inverse, les molaires de cet Homo luzonensis sont très petites et leur forme ressemble à s’y méprendre à celle des hommes modernes.
Autant d’attributs physiques inédits qui sèment le doute chez les chercheurs et qui font dire à ces derniers qu’il s’agit probablement d’une nouvelle espèce, sans en avoir la certitude absolue.
Toujours est-il qu’« un individu possédant ces caractéristiques combinées ne peut être classé dans aucune des espèces connues aujourd’hui », assure Florent Détroit.
Autre aspect qui interroge, la présence de ces ossements dans cet endroit isolé. En effet, il faut savoir que durant l’ère du Quaternaire - toujours en cours et dont le début coïncide avec l’extension du genre Homo en Eurasie -, l'île de Luçon n'a jamais été accessible par la terre ferme. Si des hominidés ont réussi à s’y établir, c’est qu’ils ont forcément trouver le moyen de traverser la mer. Comment ? Telle est la question.
Si l’on en croit l’équipe à l’origine de cette découverte, les premières conclusions « montrent très clairement que l'évolution de l'espèce humaine n'est pas linéaire » et qu’elle « est plus complexe qu'on ne le pensait jusqu'à récemment. ».
Selon Matthew Tocheri de l'université Lakehead (Canada), il s’agit quoiqu’il arrive d’ « une découverte remarquable » qui « va sans aucun doute susciter beaucoup de débats scientifiques ».
Fascinant ! Affaire à suivre…