Poursuivis pour homosexualité en Tunisie, ces deux couples ont trouvé refuge en France pour échapper à la prison

En Tunisie, deux couples homosexuels binationaux, amis, sont menacés de poursuites judiciaires en raison de leur orientation sexuelle. Tenant tous les quatre un hôtel, installés en Tunisie depuis quatre ans (l’un des deux couples est formé par un Français et un Mauricien, l’autre d’un Tunisien et d’un Français), ils ont dû fuir le pays pour venir se cacher en France afin d’échapper à une enquête pouvant aboutir à trois ans de prison ferme.

Gérants d’un hôtel à Carthage, en Tunisie, les quatre hommes ont dû fuir il y a quelques mois à la suite d’une dénonciation anonyme ayant abouti à une enquête. La dénonciation a poussé la police à mettre les deux couples sur écoute afin de réunir suffisamment de preuves pour les arrêter. Les enquêteurs souhaitaient les prendre en flagrant délit, mais leurs cibles ne se promenaient jamais main dans la main dans la rue, ni ne montraient de signes ostentatoires de leur amour en public, comme l’un d’eux a pu l’affirmer à France Bleu :

« Non, on a toujours fait très attention, parce qu'il ne faut pas choquer la population. C'est quand même un pays où il y a des règles à respecter. On est étrangers. »

Les quatre hommes soulignent que depuis la chute de Ben Ali, une traque aux homosexuels s’est organisée dans le pays.

Thierry et Yoan, l'un des deux couples visés par l'enquête. Crédit photo : Damien Triomphe / Radio France

En Tunisie, l’article 230 du Code pénal indique par ailleurs que la sodomie et l’homosexualité sont passibles de trois ans de prison. France Bleu signale que de nombreuses associations tunisiennes réclament l’abrogation de cette loi, et déplorent plus de soixante arrestations pour homosexualité l’année dernière. C’est le service juridique du consulat de France qui a prévenu les quatre hommes qu’ils étaient sur écoute depuis six mois et qu’ils allaient être prochainement arrêtés. Dans la précipitation, ils ont abandonné le pays et leur hôtel pour trouver refuge en France, avec le plus d’affaires possibles, chargées dans une voiture, transportée ensuite par bateau.

Mehdi, l’un des quatre hommes, le seul Tunisien d’entre eux, craint aujourd’hui pour sa famille. Il reconnaît qu’il aurait subi un traitement beaucoup plus dur que ses comparses s’il avait échoué en prison en raison de sa nationalité :

« Si on dit "non je ne suis pas homo" juste pour se protéger, ils vont appliquer le test anal et c'est horrible. C'est-à-dire qu'on dirait qu'on se fait violer. La police va faire exprès de publier ça. À tes proches, à ta famille juste pour t'humilier. »

Désormais cachés à La Rochelle depuis la fin du mois d’octobre, les deux Français souhaitent obtenir pour leurs conjoints respectifs des papiers français afin de leur permettre de travailler dans l’hexagone, tout en déplorant l’inaction de la France à leur égard dans cette épreuve, notamment de l’ambassade française qui ne les aurait pas beaucoup aidés. Les autorisations de séjour en Tunisie ont été supprimées, l’hôtel a été pillé, les affaires des deux couples ont été vendues. Après avoir tout perdu, ils espèrent reprendre leur vie tant bien que mal en France, maintenant qu’ils ne peuvent plus remettre les pieds en Tunisie.

Source : France Bleu
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