Le nom de Clint Eastwood évoque généralement des personnages forts, solides, et souvent prompts à la gâchette, à commencer par celui de l’inspecteur Harry, protagoniste de la célèbre saga Dirty Harry.
Pourtant, au travers des films qu’il a lui-même réalisés, un thème récurrent se dessine, aux antipodes de ce que l’on imagine lorsque l’on pense aux plus connus des personnages eastwoodiens à la verve acérée : la fragilité de l’homme, sous toutes ses formes, par-delà la carapace rugueuse.
De son premier film en tant que cinéaste, Un Frisson dans la nuit, à La Mule, en passant par Sur la route de Madison (devant lequel il est très difficile de ne pas pleurer) ou Impitoyable, sans oublier Gran Torino et Million Dollar Baby : le cinéma de Clint Eastwood est peuplé de héros qui n’en sont pas vraiment, de rédempteurs, souvent usés par la vie, capables de la plus grande humanité.
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Montrer l’homme dans ce qu’il a à la fois de plus simple et de plus complexe, révéler à la fois ses aspérités et sa bonté avec une sincérité désarmante et une émotion brute, embrasser la vieillesse et/ou la faiblesse tout en tordant sa propre image constituent quelques-uns des piliers du cinéma de Clint, géant parmi les géants.
Pour célébrer cette immense figure du septième art, découvrez dix anecdotes concernant un artiste comptant quantité de chefs-d’œuvre à son actif, mais qui ne cessera jamais de se considérer autrement que comme « juste un type qui fait des films ».
D’un naturel discret, Clint Eastwood connaîtrait toutes les entrées alternatives de Los Angeles
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Dans son livre sobrement intitulé Clint, Richard Schickel rapporte avec amusement que Clint Eastwood « connaît manifestement toutes les entrées latérales de la ville ». Tenant absolument à éviter la foule, l’artiste aurait pris l’habitude d’entrer incognito par les portes de service des restaurants qu’il fréquente à Los Angeles.
Il en va de même pour les diverses cérémonies auxquelles il est convié : Clint emprunte, selon Schickel, très rarement l’entrée principale. Difficile de passer inaperçu lorsque vous êtes si célèbre que Gorillaz fait référence à vous dans les titres de ses chansons !
Clint Eastwood a été élu maire d’une ville californienne
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« C’est qui, le maire de ta ville ? – Oh, cet acteur, là, tu sais ? Clint Eastwood ». Oui, ça en jette, et c’est pourtant l’échange qu’ont pu avoir pendant deux ans les habitants de la ville de Carmel-by-the-Sea à partir de 1986 !
Résident de cette bourgade de quelques milliers d’habitants où il a d’ailleurs tourné une quinzaine d’années plus tôt Un Frisson dans la nuit, son premier film en tant que réalisateur, Clint s’est lancé en politique davantage en réaction que par vocation. Excédé par l’immobilisme et les nombreuses restrictions autoritaires de la maire Charlotte Townsend, Eastwood a décidé de se présenter contre elle afin de prendre sa place et garantir, notamment, l’autorisation de davantage de permis de construire.
Élu avec une écrasante majorité, il a choisi de ne pas percevoir son salaire de maire, considérant, comme le rapportait à l’époque L’Express, qu’il n’avait « pas besoin de cet argent », étant déjà multimillionnaire. Encore une aventure pour Clint Eastwood, cette fois-ci dans le monde réel !
John Wayne a écrit à Clint Eastwood pour se plaindre de l’un de ses films
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S’il nous était demandé de citer les deux figures américaines les plus célèbres du western, les noms de John Wayne et de Clint Eastwood ressortiraient instantanément. Toutefois, de par leurs parcours respectifs, les deux acteurs n’ont pas exactement la même approche du genre.
Fortement influencé par le cinéma italien, et plus précisément par le western spaghetti à la Sergio Leone, Eastwood assoit sa patte de cinéaste avec L’Homme des hautes plaines, premier film au temps des cow-boys qu’il réalise en 1973. Vengeur, amoral, nihiliste et cynique, le personnage qu’il campe dans ce long-métrage s’apparente à une version sombre du héros de la Trilogie du Dollar auquel il prêtait ses traits pour Leone au cours de la décennie précédente.
Noir et viscéral, L’Homme des hautes plaines s’éloigne des traditionnels westerns à l’américaine, à l’instar de ceux qui ont fait la renommée de John Wayne. Clint proposa d’ailleurs à Wayne de tourner un film avec lui après la sortie de celui qui s’intitule High Plain Drifter outre-atlantique, mais il refusa tout de go.
Furieux, ayant détesté L’Homme des hautes plaines, Wayne adressa une lettre rageuse à Eastwood, lui reprochant de ne pas dépeindre dans son œuvre les valeurs de l’Ouest sauvage telles qu’habituellement montrées au cinéma, et plus particulièrement par John Ford, collaborateur indissociable de l’acteur.
Ce n’était nullement l’intention de Clint Eastwood avec ce film qui pointe du doigt la lâcheté et l’hypocrisie de gens honnêtes en apparence, et en apparence uniquement. Derrière le vernis respectable se cache une foule détestable que le personnage anonyme et fantomatique interprété par Clint Eastwood méprise au plus haut point. Sorte d’esprit vengeur dégoûté par la population de la petite ville de Lago, le personnage principal va (attention, spoilers) jusqu’à rebaptiser le lieu « Hell » (« Enfer ») au terme de l’intrigue.
Nous sommes loin du valeureux justicier se battant pour protéger les honnêtes citoyens en leur offrant un happy end, histoire formatée indissociable des westerns américains, et c’est exactement ce que n’a pas supporté John Wayne à l'époque.
Dans La Mule, Clint Eastwood fait porter à son personnage des vêtements utilisés dans ses précédents films
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Les cinéphiles les plus observateurs l’auront peut-être constaté, mais les tenues portées par Earl Stone, protagoniste de La Mule, proviennent d’anciens films de Clint Eastwood ! L’acteur-réalisateur tenait à ce que les vêtements endossés par son personnage aient l’air d’avoir été portés pendant de nombreuses années afin de refléter son niveau socio-économique.
La costumière Deborah Hopper a alors suggéré qu’Earl porte des chemisettes datant de dix, vingt ans utilisées par Clint dans des films comme Gran Torino ou True Crime. Ainsi, le spectateur ayant vu ces films à leur sortie pouvait véritablement avoir l’impression d’être face à de vieux habits !
Cette idée consolide d’autant plus le caractère testamentaire de La Mule, long-métrage crépusculaire cristallisant les obsessions de Clint Eastwood et faisant écho à de nombreux films de sa riche et longue carrière.
Clint Eastwood est un immense fan de jazz
Amateur de jazz depuis sa prime jeunesse, issu d’une famille comptant des musiciens, Clint Eastwood possèderait une immense collection de disques.
Son amour pour ce style de musique transparaît dans ses réalisations, tantôt de façon claire et nette avec Bird, biopic sur la légende Charlie Parker qui lui tenait particulièrement à cœur, tantôt de façon plus subtile avec Un Frisson dans la nuit, dans lequel il joue un animateur de radio dont l’émission est axée sur le jazz.
L’un des fils d’Eastwood, Kyle, est lui-même musicien de jazz : il joue de la basse et de la contrebasse, et a travaillé sur la bande-son de quelques films de Clint ! Dans la famille Eastwood, le jazz, c’est sacré !
En plus d’être acteur et réalisateur, Clint Eastwood est également compositeur !
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Clint Eastwood n’est pas seulement un passionné de musique… Il en crée également ! Outre l’album Rawhide's Clint Eastwood Sings Cowboy Favorites qui permet à l’artiste de donner de la voix, l’acteur-réalisateur s’est illustré comme compositeur des bandes originales de certains de ses propres films, dont les fameux Mystic River, Million Dollar Baby, Mémoires de nos pères, et L’Echange.
Il a même composé la BO de Grace Is Gone, un long-métrage qui, lui, n’est pas de son cru !
Acteur, réalisateur, compositeur… Le nombre de cordes à l’arc de Clint Eastwood force le respect.
L’un des films dans lesquels Clint Eastwood a joué a fait l’objet d’une réinterprétation par Sofia Coppola
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S’il n’a pas été réalisé par Clint Eastwood mais par Don Siegel, à qui l’on doit notamment L’Inspecteur Harry, Les Proies est assurément l’un des films les plus marquants de la carrière de son principal interprète.
Complètement à contre-emploi, Clint incarne un soldat nordiste blessé au cours de la guerre de Sécession qui est accueilli dans un pensionnat de jeunes filles. À la fois prisonnier et patient de femmes sudistes, donc ennemies, il séduit aisément ses interlocutrices. A priori bien sous tous rapports, le charmant McBurney, interprété par Eastwood, se révèle prêt à tout pour arriver à ses fins, même aux pires manipulations… Il ignore cependant que la bonté de celles qu’il perçoit comme des proies pourrait céder place à un courroux qui ne le laissera pas indemne.
Malgré une certaine lenteur dans ses premiers instants, ce long-métrage diabolique à l’ambiance pesante sorti en 1971 se révèle prenant, et permet à Clint Eastwood de déployer son talent de manière inédite, offrant au spectateur des images inoubliables du visage méconnaissable d’un acteur cherchant à casser son image.
Il ne faut pas le confondre, cependant, avec la version de 2017 du même titre réalisée par Sofia Coppola, sans l’ombre d’un Clint ! La réalisatrice de l’exceptionnel Lost In Translation a elle aussi tenu à proposer sa vision du livre de Thomas P. Cullinan, intitulé The Beguiled (qui est le titre d’origine des Proies, qu’il s’agisse de la version de 1971 ou de celle de 2017), avec Colin Farrell dans le rôle précédemment tenu par Eastwood.
La particularité de la version de Sofia Coppola réside dans le fait qu’elle se focalise, d’après la cinéaste, sur les personnages féminins, et non sur le soldat yankee. Nicole Kidman, Kirsten Dunst, et Elle Fanning, parmi les noms les plus connus, figurent au casting de ce film qui n’est pas tant un remake de celui de Don Siegel qu’une relecture de l’œuvre littéraire de Cullinan. On ne vous demandera évidemment pas de faire un choix entre Colin Farrell et Clint Eastwood !
Clint Eastwood a une hygiène de vie irréprochable
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Nonagénaire ne cessant de travailler sur des projets en dépit du poids des années, Clint possède une forme physique et mentale qui a de quoi impressionner. Il faut dire que, contrairement à son personnage de l’homme sans nom dans la Trilogie du Dollar, l’acteur et réalisateur n’est pas fumeur pour un sou.
Il prend depuis toujours soin de lui en s’alimentant sainement et en faisant du sport de manière assidue.
Tout comme David Lynch, Clint Eastwood est adepte de la méditation transcendantale, pratique censée apporter la plénitude. L’hygiène de vie de l’artiste lui a d’ailleurs beaucoup servi, comme en atteste l’anecdote qui suit.
Clint Eastwood a survécu à un accident d’avion !
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Non, on ne parle pas d’une scène de film ! Alors qu’il n’avait que 21 ans, Clint, en plein service militaire, se trouvait au-dessus du Pacifique à bord d’un avion de l’armée. Rien de particulier à signaler, jusqu’au moment où le véhicule fut victime de nombreux soucis techniques, et manqua de sombrer dans l’océan ! Dans l’urgence, le pilote de l’engin amerrit tant bien que mal.
De là, Clint dut nager pendant une paire d’heures dans une eau froide et peuplée de requins pour finalement regagner la terre ferme. Il affirma plus tard ne pas avoir eu connaissance de la présence de squales lors de son éreintante traversée… Une donnée qui, selon ses dires, aurait pu porter un coup certain à son moral !
Dans son livre Clint, Richard Schickel précise que l’acteur-réalisateur, à la suite de ce crash, « a maîtrisé sa peur des avions », et « possède aujourd’hui un hélicoptère qu’il continue à piloter lui-même lors de ses longues excursions sur la Côte Ouest ».
Après Le Bon, La Brute, et Le Truand, Clint s’est brouillé avec Sergio Leone
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Le trio composé de l’acteur Clint Eastwood, du réalisateur Sergio Leone, et du compositeur Ennio Morricone constitue l’un des plus mythiques de l’histoire du cinéma. Les trois hommes ont donné vie à la légendaire Trilogie du Dollar (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Le Bon, La Brute et Le Truand) qui figure au panthéon du septième art et a permis à Clint Eastwood de prendre la dimension qui est la sienne.
Après Le Bon, La Brute et Le Truand, sorti en 1966, Sergio Leone proposa à Clint Eastwood d’apparaître dans son western suivant, le non moins culte Il était une fois dans l’Ouest. Soucieux de s’éloigner du genre du western spaghetti, Clint refusa, au grand dam de Leone. Ce dernier s’en prit avec véhémence à l’acteur, et les deux restèrent en froid pendant de nombreuses années… avant de se retrouver en 1988 à Rome et de se rabibocher autour d’un bon repas.
Leone mourut l’année suivante, à l’âge de soixante ans, et Clint Eastwood lui dédia, ainsi qu’à Don Siegel, son fabuleux Impitoyable. Le long-métrage scénarisé par David Webb Peoples, précédemment à l’œuvre sur le Blade Runner de Ridley Scott, fut auréolé, entre autres, de quatre Oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur.