20 ans après avoir balayé les marches du Festival de Cannes, il s'apprête à les monter après avoir réalisé un film

Un invité un peu particulier s'apprête à fouler le tapis rouge du festival de Cannes. Portrait.

Le Festival de Cannes a débuté depuis deux jours et, comme à chaque édition, le faste et le glamour se succèdent sur les marches du palais des Festivals et des Congrès, devant lesquelles se bousculent les photographes qui jouent des coudes pour immortaliser les stars qui y défilent.

Et au milieu de ces dernières, un invité surprise s'apprête à fouler le tapis rouge pour la première fois. Cet homme, c'est David Hertzog Dessites, qui présentera, ce samedi 18 mai, « Il était une fois Michel Legrand », un documentaire consacré au célèbre compositeur décédé en 2019, qui, de son propre aveu, a « bouleversé le cours de sa vie ».

Le film sera présenté en avant-première dans la catégorie Cannes classics, qui regroupe à la fois les documentaires et les grands films restaurés.

Crédit photo : iStock

Balayeur, il nettoie les marches de Festival de Cannes avant de les monter comme une star, 20 ans plus tard

Inconnu du grand public, David Hertzog Dessites fait presque office d'intrus à Cannes, mais c'est mal connaître le talent du bonhomme qui n'a pas volé sa place pour la grand-messe du cinéma. Sa présence sur la Croisette est d'autant plus légitime qu'il a pris soin du palais dans une autre vie. Il y a 20 ans, celui qui est désormais réalisateur passait en effet ses journées à... balayer les marches lorsqu'il travaillait pour la municipalité cannoise. 

David Hertzog Dessites en 2011. Crédit photo : Le Sou-Marin Productions.

Balayeur pour la ville pendant plus de 4 ans, David Hertzog Dessites a longtemps nettoyé ces marches prestigieuses avant de pouvoir les monter. Une époque pas si lointaine sur laquelle il est revenu dans les colonnes de Ouest France.

« Pendant le festival, on me faisait souvent travailler près du palais de 3 h à 8 h ou 9 h du matin (...) Une nuit, tout seul, vers 4 h, j’ai posé mon balai et mon charreton dans un coin et j’ai gravi l’escalier pour voir la ville, du point de vue des stars. Je me suis allongé sur le tapis rouge, j’ai regardé le plafond étoilé et je me suis dit : Un jour, je viendrai ici avec mon film », se souvient-il avec une pointe de nostalgie.

« À 51 ans, l’adulte que je suis devenu va prendre la main de l’enfant que j’étais pour l’amener au bout de son rêve », poursuit le réalisateur qui a accepté de s'épancher sur cet épisode de sa vie, dont il a conservé « un profond respect pour les agents de salubrité »

« J’étais dans un grand désespoir après la mort de ma maman. Comme elle était employée à la Ville, la mairie m’a proposé ce poste de balayeur et ripper à l’arrière des bennes à ordures. Complètement perdu, sans diplôme, j’ai accepté pour subvenir à mes besoins », raconte-t-il ainsi. C'est durant cette période qu'il a « étoffé (sa) cinéphilie ». « J’avais d’anciens copains de classe qui étaient ouvreurs au Palais. Après mon travail, j’enfilais un costume de ville au parking, puis ils me faisaient entrer (...) J’y ai pris une foule de films en route, découvrant le cinéma italien avec Nanni Moretti, russe avec Nikita Mikhalkov, chinois avec Zhang Yimou… Cannes m’a ouvert au monde. », confie-t-il.

Crédit photo : iStock

Cette immersion dans le septième art fut un déclic.

« Ma mère m’avait laissé un petit capital décès que j’ai utilisé pour acheter une caméra et partir aux États-Unis faire un film sur les fans de Star Wars », rembobine le quinquagénaire.

Le début d'une nouvelle vie, car à son retour, David a trouvé un diffuseur puis s'est vu proposer la réalisation de making-ofs. Aujourd'hui, il co-dirige une société, baptisée Le Sous-Marin Productions, spécialisée dans les bandes-annonces. Son parcours atypique va donc connaître une nouvelle étape pour le moins inattendue avec cette montée des marches, rendue possible grâce à ce film sur Michel Legrand, que David Hertzog Dessites avait abordé au culot en 2017 lors d'un concert privé.

De cette rencontre est né ce projet de documentaire qui l'a tout droit (r)amené au Palais, qu'il nettoyait jadis. 

« Du balai… au palais », résume, avec humour, l'intéressé.


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Au sujet de l'auteur :

Évoluant dans la presse web depuis l’époque où celle-ci n’en était encore qu’à ses balbutiements, Mathieu est un journaliste autodidacte et l’un de nos principaux rédacteurs. Naviguant entre les news généralistes et les contenus plus décalés, sa plume s’efforce d’innover dans la forme sans jamais sacrifier le fond. Au-delà de l’actualité, son travail s’intéresse autant à l’histoire qu’aux questions environnementales et témoigne d’une certaine sensibilité à la cause animale.