« Humiliation nationale », « Scandale », « Imposture » … Sur Twitter, certains internautes déchaînent leur haine comme jamais. Mais quel drame terrible peut bien provoquer ces réactions outrées ? La guerre en Syrie ? De sombres histoires de blanchiment d’argent ?
Raté : ce qui provoque un tel tollé, c’est l’élection… de Miss France 2017.
Oui, chers compatriotes, allez chercher vos mousquets dans la grange, car l’heure est grave : pour la première fois, une jeune femme originaire du département français de Guyane vient de se faire décerner une couronne pour le concours de beauté national.
Non alors, bon, de deux choses l’une : on peut comprendre que vous soyez frustré que Miss Picardie n’ait pas été élue, ou bien que vous êtes dégoûté dépensé la moitié de votre crédit téléphone pour soutenir Miss Provence qui n’a même pas été sélectionnée… Mais qualifier "d'invasion multiculturaliste" le fait qu’une jeune femme originaire du deuxième plus grand département de France, un endroit où les Français ont débarqué il y a quasiment 500 ans (à une époque où la Savoie n’était même pas encore rattachée à la France, pour rappel) remporte un concours de beauté, franchement... Est-ce que ce ne serait pas pousser le bouchon un peu loin ?
La jeune Alicia Aylies, étudiante en première année de droit et âgée de tout juste 18 ans, subit un véritable flot d’insultes sur les réseaux sociaux :
.@TF1#MissFrance2017 est d'un autre continent.
— Frédéric #E4E (@charlemagne1968) 17 décembre 2016
Humiliation nationale. Une de plus. On traîne notre identité dans la boue.
Le même joyeux drille poursuit plus bas : « ...Les imbéciles me traiteront de raciste à tort: je peux aimer la négritude (Sic) sans pour autant vouloir qu'elle représente ma nation. » Comme ça, c’est clair !
Henry de Lesquen, le président de Radio Courtoisie déjà unanimement réputé pour sa remarquable présence d’esprit et son tempérament résolument pacifique, a lui aussi choisi de s’illustrer à propos de ce sujet d’importance nationale, regrettant que la nouvelle reine de la beauté française ne soit pas « de race caucasoïde » :
Le Tweet a, semble-t-il, été supprimé depuis... mais dans un autre Tweet, celui qui est poursuivi en justice pour « injures publiques, contestation de crimes contre l'humanité et provocation à la haine raciale », affine son idée, lorsque d'aucuns lui ont judicieusement fait remarquer que si, quand-même, la Guyane c'est un peu la France : « La Guyane n'est pas la France. Elle est à la France. Une fois élu, j'en ferai un État sous protectorat français. » Tout un programme, on a vraiment hâte.
Heureusement, il fallait au moins cette élection des Miss pour relancer le débat sur la place de la Guyane en France, et les cris d’orfraies sur la « menace rampante » du multiculturalisme.
Ce n'est pas la première fois que l'élection d'une Miss en France entraîne de tels dérapages racistes. En 2013, Sonia Rolland, la première Miss France d'origine africaine avait été victime d'insultes et de crachat sur son véhicule après son couronnement à la fin de l'année 2000.
« Quand j'ai été élue Miss France en 2000, il n'y avait pas de réseaux sociaux. Pourtant, j'ai reçu environ 2 700 lettres d'insultes », avait-elle expliqué à l’Obs.
Sylvie Tellier, la directrice générale de la société Miss France, indique pour sa part à Europe 1 : « L'année dernière, on avait reproché à Miss France 2016 d'être plus jolie que bronzée [...] C'est la victoire de la beauté de la femme, peu importe la couleur de sa peau »
Alicia Aylies, de son côté, préfère faire fi des critiques, en montrant à tous que ce n’est pas cela qui l’empêchera de savourer sa victoire : « Les gens avaient peut-être besoin de voir une Miss France de couleur », commente-t-elle.
Elle a déjà fermé quelques bouches auparavant...#MissFrance pic.twitter.com/77sd864XkT
— Guillaume Blardone (@gblardone) 17 décembre 2016
Bref, comme chaque année, vous pouvez librement râler parce que vous préférez Miss Languedoc-Roussillon ou parce que vous avez à redire sur la qualité du déhanché, du sourire ou de la prestance de telle ou telle des concurrentes...
Mais, s'il vous plaît, ne nous séparons pas de la Guyane à cause d'un simple concours de beauté, ce serait bien dommage. Imaginez : c'est quand même la classe de se dire que, grâce à elle, la France a une frontière commune avec le Brésil !