Si les bruits de bouche vous insupportent plus que tout autre chose, c’est que vous êtes atteints de misophonie. Les personnes misophones ont généralement comme symptômes une anxiété importante, une irritabilité ou encore un dégoût, voire un aversion intense et irrationnelle, face à certains sons. Mais comment expliquer cette photo des bruits de bouche ? On vous dit tout !
Les bruits de bouche, cette phobie appelée misophonie / Crédit photo : iStock
Vous êtes tranquillement en train de manger à table lorsque soudain, vous entendez des bruits de mastication qui vous coupent l’appétit. Vous n’en pouvez plus, ce bruit vous est insupportable ! Ou même, vous ne supportez pas le bruit de cette personne qui sirote sa soupe ou son café du bout des lèvres car trop brûlant.
Au quotidien, vous êtes susceptible de vous sentir persécuté par ces ignobles sons et bruits qui troublent votre paix intérieure. Et souvent, votre réaction, qui peut paraître disproportionnée au regard de votre entourage, interroge. Mais que vous arrive-t-il ? Et bien, vous êtes certainement atteint de misophonie !
La misophonie, qu’est-ce donc ?
Étymologiquement, le mot “misophonie” est une contraction de deux mots grecs : le mot “misos” qui signifie haine ou aversion, et le mot “fonos” qui signifie “bruit”. La misophonie ou “misophonia” n’est donc, par définition, pas une phobie en soi mais une haine du son.
Sur le plan médical, la misophonie est un trouble neuropsychique qui est rarement diagnostiqué mais pourtant plus répandu qu’on le pense. Ce trouble est caractérisé par des états psychiques forts désagréables comme la colère, la haine, l’anxiété, la rage ou le dégoût, déclenchés par des sons spécifiques, qu’ils soient faibles ou élevés.
La misophonie apparaît à un très jeune âge, durant l’enfant ou pendant l’adolescence, et ne fait que croître avec l’âge. À ce jour, la misophonie n’est pas classée comme un trouble discret mais une étude menée en 2013, menée par trois psychiatres de l’Academic Medical Center d’Amsterdam, ont suggéré sa classification en tant que trouble psychique à part.
D'où vient la misophonie ? / Crédit photo : iStock
Les symptômes de la misophonie
Quelles sont les causes de la misophonie ? Les personnes misophones ont donc cette sensibilité auditive qui les amène à être le plus souvent agacés, voire enragés par des bruits spécifiques, des bruits “normaux”. Ils ne sont pas agacés par les bruits qu’ils produisent eux-mêmes mais seulement ceux des autres.
Ces sons insupportables provoquent donc chez les misophones de la colère car leur intensité est souvent multipliée alors qu’ils sont considérés comme faibles. Des sons dits “normaux” et “quotidiens” qui passent sous le radar de l’audition de la plupart des personnes, mais pas chez les misophones.
Ces bruits sont multiples et peuvent être des bruits de bouche, comme le bruit de la mastication, celui de l’aspiration de liquides ou les raclements de gorge. Cela peut être le bruit d’un brossage de dents, celui d’une fourchette sur les dents, les grincements, mâcher de la glace de pilée, manger, boire, déglutir, respirer, renifler, parler, éternuer,, bâiller, mâcher un chewing-gum, rire, ronfler, tousser, fredonner, siffler, chanter, et même un chien qui se lèche.
Ils peuvent être aussi des sons pendulaires comme celui d’une casserole ou d’un couvercle retourné. Cela peut être le bruit de l’eau qui coule, que ce soit celle de la douche ou celle d’une carafe qui se verse dans un verre. D’autres bruits plus répétitifs, comme se couper les ongles, taper sur un clavier d’ordinateur, le clic d’une souris d’ordinateur ou le tic-tac d’une horloge. Parfois, même le son de certaines consonnes peut paraître insupportable.
Autant de bruits divers et variés que l’on entend tous au quotidien mais qui produisent un effet très néfaste chez les personnes atteintes de misophonie. Au-delà de conduire à un sentiment de colère et d’agacement, ces sons déclencheurs provoquent parfois des réactions physiques comme une conductance cutanée augmentée et un rythme cardiaque accélérée.
D’autres misophones peuvent être affectés par des stimuli visuels, tels que des mouvement répétitifs des pieds ou du corps, des gigotements, ou le mouvement qu’ils observent du coin de l’oeil que l’on appelle la “misokinesia”, soit “la haine du mouvement”. Imaginez, vous détestez autant le son que le mouvement, c’est à vous souhaiter d’être sourd et aveugle.
Les bruits de mastication insupportent les misophones / Crédit photo : iStock
Parfois, la montée en intensité de votre d’anxiété peut conduire un comportement d’évitement et donc, à une diminution de la socialisation. Certains misophones sentent la compulsion d’imiter ce qu’ils entendent par ce qu’ils considèrent comme une stratégie d’adaptation. Le mimétisme est, en effet, un phénomène automatique, non conscient, et social, pouvant aider le misophone à se sentir mieux en société. Parfois, le mimétisme peut susciter la compassion et l’empathie, ce qui diminue l’hostilité des bruits concurrents et la souffrance provoquée par un son déclencheur.
Autre indicateur de la misophone, ce sont les bruits produits par l’entourage proche, comme la famille, qui provoquent des réactions plus fortes que si le bruit provenait d’un inconnu. Et souvent, le stress et la fatigue peuvent exacerber une irritation. De plus, une personne atteinte de misophonie a tendance à être plus attentive à ses sons déclencheurs irritables, et se retrouve dans un cercle vicieux ou le bruit l’affecte encore plus.
En revanche, le misophone n’est pas perturbée par certains sons désagréables comme le cri, le hurlement ou le pleur. Tout simplement car ces bruits ne sont pas considérés comme “normaux” ou “quotidiens”. Imaginez, tout de même, un misophone ayant un bébé… il serait au bout de sa vie, de jour comme de nuit.
D’où vient la misophonie ?
On le sait désormais, les personnes atteintes de misophonie sont fortement perturbées par des sons déclencheurs. Mais qu’en est-il d’un point de vue scientifique ? Pourquoi le cerveau des misophones réagit-il de manière aussi négative à des bruits que l’on entend tous au quotidien et qui, généralement, effleurent notre audition ?
Le psychiatre américain Stephen Porges a travaillé pour apporter une première réponse et met en lumière ce qu’il a appelé la théorie polyvagale. Selon cette théorie, la misophonie serait une réponse autonome du système nerveux central qui se mettrait en état d’alerte en modulant spécifiquement la fréquence des sons de provenance corporelle.
De son côté, le scientifique Pawel Jastreboff estime qu’il s’agit d’une mauvaise connexion entre différentes composantes du système nerveux, qui conduirait à une amplification anormale de ces bruits déclencheurs.
En 2013, des études neurologiques et des examens cérébraux par IRMf associés au trouble supposent qu’une évaluation anormale des signaux neuronaux se produit dans le cortex cingulaire antérieur et le cortex insulaire. Ces cortex, que l’on retrouvé aussi impliqués dans le syndrome de Gilles de la Tourette, influencent alors la colère, la douleur et l’information sensorielle.
Le ronflement, insupportable pour un misophone / Crédit photo : iStock
De nombreuses autres hypothèses sont venues aussi étayer la question de l’origine cérébrale de la misophonie. Des recherches ont notamment suggéré un lien entre la misophonie et la synesthésie chez certains patients. Une affection neurologique dans laquelle la stimulation sensorielle ou cognitive conduit à des expériences automatiques et involontaires dans une seconde voie sensorielle ou cognitive. Le problème pourrait donc être une déformation pathologique de connexions entre les différentes structures limbiques et le cortex auditif, provoquant une synesthésie son-émotion.
De plus, des recherches ont mis en lumière une différence dans la structure et la fonction du cerveau chez les misphones : des connexions neurologiques différentes à partir du lobe frontal entraînent une augmentation de la fréquence cardiaque et de la sudation à l’écoute de certains sons. Le cortex insulaire antérieur est une “région clé” permettant de différencier les sons déclenchants. Le son déclenchant provoque alors dans le cortex insulaire antérieur, une zone impliquée dans le traitement des émotions, une réponse BOLD (“blood-oxygen-level-dependent”) exagérée.
Selon une étude de chercheurs de Newcastle, les patients misophones ont un cortex insulaire inférieur fortement connecté au cortex préfrontal médian qui joue un rôle central dans la prise en compte du contexte des événements vécus, en d’autres termes, sur la valeur émotionnelle.
En 2019, une étude révèle une augmentation de l'activité de l’insula droite, du cortex temporal supérieur droit et du cortex cingulaire antérieur droit, parallèlement à une activité normale de l’amygdale chez les misophones face à des sons déclencheurs. Enfin, en 2021, une autre étude indiquait une hyperactivation des neurones miroirs de la zone orofaciale pouvant être impliquée dans la misophonie.
Dangers de la misophonie et comment y remédier ?
Comme vous pouvez donc le constater, les origines causant la misophonie sont encore sujettes à études et à discussion, ce qui signifie qu’il n’existe encore aucun remède miracle pour atténuer ses effets indésirables.
Le bruit des autres, indésirable pour un misophone / Crédit photo : iStock
Certaines thérapies peuvent aider, comme les stratégies d’adaptation, mais ne soignent en aucun cas la misophonie. Aucun traitement n’a pu s’avérer efficace mis à part, à 90%, celui préconisé par le docteur Pawel Jastreboff. Son traitement consiste à écouter les sons qui dérangent en les associant à un autre son, comme de la musique, et ce pendant neuf mois pour obtenir des résultats.
D’autres alternatives existent comme le port de protections auditives, de casques avec réduction de bruit active, d’écouter de la musique ou d’autres sons avec un baladeur, ou alors d’écouter un bruit blanc pour masquer le bruit déclencheur.
Évidemment, comme d’autres troubles neurologiques, dont le traitement est incertain, la misophonie est une maladie peut causer d’autres problèmes de santé bien plus sévères. En effet, la misophonie peut conduire à de faibles troubles psychiatriques, à l’exception de la névrose obsessionnelle. Elle peut aussi provoquer un stress post-traumatique ou des troubles de l’alimentation comme l’anorexie ou la boulimie. Enfin, tout autre trouble lié à l’audition, à l’oreille, comme les acouphènes ou l’hyperacousie, peut également se retrouver exacerbé, sans oublier la triste conséquence de la perte auditive.