La trypophobie ou la peur des petits trous est une pathologie courante, mais peu connue. Que faut-il retenirà cesujet ?
Définition de la trypophobie
Des gouttelettes d’eau sur un vitrage de couleur jaune Crédit : Wirestock
La trypophobie est la peur face à la vue de petits trous formant une grappe ou un amas. Elle engendre un malaise ou une aversion chez la personne concernée. Ce terme vient du grec trypa qui veut dire percer des trous et de phobies qui signifie peur ou aversion.
Il s’agit d’une peur panique et incontrôlée de trous de petite taille et de toutes formes géométriques qui s’en rapprochent. Les formes circulaires et convexes collées les unes aux autres peuvent être considérées comme de petits trous.
La simple vue d’un fromage, d’une fleur ou d’un chocolat avec des cavités peut donc enclencher une crainte ou un affolement. Même la vision d’une mousse de shampoing peut être un problème étant donné que le rapprochement étroit entre les bulles forme un amas.
Les phobies ne sont pas considérées comme une maladie. L’Association Américaine de Psychologie appuie cette thèse. Pour cause, elle ne crée aucune incapacité au quotidien et produit plutôt un sentiment de dégoût et de répulsion profond.
Pour autant, elle touche un nombre considérable d’individus. D’après une étude que les chercheurs de l’Université d’Essex en Angleterre ont menée, ce problème affecte près de 18% des femmes et 11% des hommes. Le sérieux de la situation est toutefois à prendre en compte, même si le risque que la personne en meurt est encore indéterminé.
Les symptômes de la trypophobie
Une surface formant un aspect générant la trypophobia Crédit : Shelly Still
Les signes de la peur des trous peuvent être relativement marqués en fonction de l’individu. Les études ont cependant permis de déterminer que ces symptômes sont identiques à ceux des autres peurs ou phobies, à savoir :
- Une gêne ou un malaise profond ;
- Un sentiment de picotement ;
- Une crise d’angoisse ou d’anxiété ;
- Un mal de tête et des nausées ;
- La tachycardie ;
- L’apparition de démangeaisons sur la peau ;
- Un frisson intense suivi d’une attaque de panique dans les cas de figure extrêmes;
- Des tremblements.
Des scientifiques britanniques ont étudié ce problème. Selon eux, cette peur pourrait être un geste instinctif de survie ancré dans les structures nerveuses du cerveau humain. Par exemple, les animaux venimeux ont des motifs circulaires avec une coloration similaire à des trous ou excavations. Leur vue provoque alors la prise de fuite de façon instinctive.
Les symptômes peuvent varier d’un individu à un autre. En règle générale, la personne touchée par ce problème ressent plutôt une sensation de dégoût et une aversion plutôt qu’une peur intense. Toutefois, cette forme n’est pas invalidante ou intense, et elle reste peu fréquente.
Les causes de cette peur
Des graines de lotus disposées sur une feuille verte Crédit : Makoto Photo
L’origine de la trypophobie reste encore floue sur le plan scientifique. Néanmoins, de nombreuses recherches portant sur le sujet sont déjà apparues. C’est notamment le cas de plusieurs enquêtes divulguées en 2013 à travers des ouvrages spécialisés. Ces travaux ont permis de mettre en exergue 4 théories :
- La thèse pathologique : selon les chercheurs, la peur des trous peut provenir d’une adaptation évolutive qui peut être liée à des maladies éruptives telles que la variole.
- La thèse de l’aposématisme : au dire de cette théorie, les êtres humains ont évolué avec la crainte des motifs troués qui sont visibles sur les aliments et animaux venimeux. Cet instinct serait donc plus présent chez certaines personnes, d’où la phobie des trous.
- La thèse du conditionnement par Internet : d’après cette étude, le bourragemédiatique conditionne les êtres humains à développer différentes sortes de peur.
- La thèse du stress visuel : la neuroscience a recours à la spectroscopie infrarouge pour l’examen des personnes phobiques. Cet outil les aide à analyser l’activité cérébrale et son flux sanguin. Le stress visuel est relatif à l’instinct de survie que d’autres recherches scientifiques ont mis en avant.
En principe, personne nenaîttrypophobe. Comme les autres phobies, cette dernière peut être véhiculée par la société. En effet, il n’est pas rare que l’entourage d’une personne le pousse à avoir peur d’une chose en particulier. Parfois, c’est l’individu lui-même qui crée cette crainte. Il n’est pas rare que des sujets soient conscients de leur problème, mais qu’ils continuent à en souffrir de façon chronique.
La psychothérapie pour traiter la trypophobie
Une fleur de lotus séchée Crédit : Kondor83
La crainte irrationnelle des trous peut faire l’objet d’un traitement psychologique comme l’affirme la docteure Maria Hejnar. Cette alternative est notamment conseillée lorsque le ressenti du trypophobe interfère avec la santé.
Selon la psychologue clinicienne Maria Hejnar, lorsque les conséquences de cette peur ont des répercussions sur la vie quotidienne, la consultation d’un psychologue peut être d’une grande aide. D’après elle, les signes phobiques peuvent s’inscrire dans une activité névrotique phono obsessionnelle et hystérophobique. En tant que phobie atypique, la peur des trous peut donc être le symptôme d’une schizophrénie.
Pour un psychologue, le contexte dans lequel ce trouble comportemental s’inscrit est déterminant dans la définition de la thérapie comportementale à adopter. Parmi les solutions proposées aux trypophobes, il y a :
- La thérapie cognitivo-comportementale ou TCC : ce traitement psychothérapeutique aide les patients à prendre conscience et à changer des pensées dérangeantes et destructrices. Cette thérapie indique la relation entre les sentiments, les pensées, les comportements et les croyances qui en résultent. Le psychologue peut recourir à la relaxation, la reconsidération des croyances, la journalisation et les exercices sociaux.
- L’hypnose : l’hypnose clinique thérapeutique est un type de psychothérapie brève. Avec la TCC, il est considéré comme efficace pour traiter le problème des trypophobes.
Trypophobie et soins médicamenteux
La surface d’un champignon comportant des gouttelettes Crédit : Mateusz Kropiwnicki
Une prise en charge médicamenteuse est également envisageable pour soulager une personne souffrant de trypophobie. Parmi les médicaments adoptés se trouvent :
- Les anxiolytiques : ils sont conçus pour traiter les symptômes somatiques ou psychologiques liés à l’anxiété. La prise de ces médicaments est accompagnée d’un soutien psychothérapeutique. Ainsi, le médecin généraliste et le psychothérapeute peuvent travailler étroitement. Cette catégorie de médicament inclut les anxiolytiques non benzodiazépiniques et les benzodiazépines. Le mécanisme de fonctionnement de ces médicaments diffère en fonction de la famille des produits. Ils peuvent agir au niveau de l’histamine, de la sérotonine et des récepteurs GABA.
- Les antidépresseurs : l’utilisation de ce type de traitement peut être préconisée étant donné que les trypophobes peuvent être dépressifs. Ces médicaments soulagent ainsi les signes de dépression. Tout comme les anxiolytiques, leur administration doit toujours être accompagnée d’un soutien psychothérapeutique pour aider le trypophobe à avoir une meilleure réaction face à ses appréhensions.
L’usage d’un médicament pour la correction des troubles émotionnels liés à la trypophobie est souvent proposé au début du traitement. Leur administration est progressivement espacée lorsque les premiers effets se font ressentir. Contrairement à un anxiolytique, un antidépresseur ne crée aucune dépendance. Dans tous les cas, il est important de suivre le traitement que prescrit le médecin et de ne pas l’arrêter sans son avis.
Il n’existe aucun antidépresseur propre à un patient trypophobe. La plupart du temps, le médecin est dans l’obligation d’essayer plusieurs traitements pour trouver le bon. Ceux-ci sont classés suivant leurs actions sédatives et stimulantes.
Autrement, il est bon de rappeler que l’anxiété est un sentiment normal. En revanche, il revêt un caractère pathologique lorsqu’il influence de façon irrationnelle l’attitude ou le ressenti d’une personne. D’un point de vue clinique, il peut être classé en deux en fonction de la manière dont il se manifeste. Il y a l’angoisse somatique pouvant inclure une réaction neurovégétative, digestive, respiratoire et cardiovasculaire. Puis, il y a l’angoisse psychique qui génère un sentiment de crainte, d’inquiétude, d’inhibition motrice et de perte de contrôle.
Les tests réalisés pour appuyer les thérapies
Une plaque de tube d’échangeur d’une chaudière industrielle Crédit : RYosha
Des chercheurs en psychologie de l’université du Kent ont effectué une étude auprès de deux groupes de personnes.
Le premier groupe était composé de 300 personnes trypophobes et le second de 300 individus qui ne l’étaient pas. Chaque panel a été invité à regarder des images composées d’amas de formes circulaires. Les scientifiques ont inclus 8 images comportant des parties du corps atteintes de maladies provoquant entre autres des éruptions cutanées et des cicatrices.
Les images restantes représentaient des formes circulaires qui ne se rapportaient pas à la maladie : objet ou image formant un amas ou une grappe. Entre autres, les scientifiques ont proposé l’exposition de photos d’une gousse de graines de lotus et d’un mur perforé. Par la suite, les participants ont donné leur avis par rapport au visionnage des photos. La plupart des trypophobes ont affirmé ressentir un sentiment de dégoût et de nausée, même par rapport aux photos qui n’avaient aucun lien avec une maladie.
Outre le dégoût, les trypophobes ont souvent rapporté d’autres sensations telles que des démangeaisons. Ils avaient l’impressiond’avoir des insectes sur leur peau ou l’impression de rampements. Seule une minorité a décrit un sentiment de peur.
La réponse cutanée sous-entend que les personnes concernées perçoivent les trous ou les formes géométriques en grappe comme des ectoparasites. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains individus ont l’impression d’être infestés. Finalement, cette aversion ne touche pas seulement les trous. Elle est plus précisément considérée comme le dégoût des objets de forme circulaire.