Le plus vieux médecin de France est âgé de 97 ans et continue d’exercer en banlieue parisienne. Portrait.
Le Docteur Christian Chenay est une petite célébrité locale dans sa commune de Chevilly-Larue (Val-de-Marne) et pour cause, ce médecin est toujours en activité alors qu’il est âgé de… 97 ans. Oui vous avez bien lu !
Quasiment centenaire, il est donc le plus vieux médecin de France et malgré son âge avancé, l’intéressé continue d’exercer et de recevoir des patients deux fois par semaine, les lundi et mercredi, entre 9h et 14/15h.
« Si je pouvais être comme lui à son âge »
Un véritable sacerdoce auquel il se livre autant par passion pour son métier que par nécessité, car, comme il le rappelle à nos confrères du Parisien, seuls trois médecins exercent dans cette commune de la banlieue parisienne, peuplée de 19 000 habitants.
Christian est d’autant plus sollicité qu’il est l’unique praticien du coin à recevoir sans rendez-vous, ce qui devient une denrée rare en médecine de proximité. Une disponibilité et une gentillesse très appréciées qui suscitent l’admiration chez ses patients.
« C’est un médecin hors norme. Il a un cœur gros comme ça, il est à l’écoute (…) Quand je vois autour de moi des jeunes de 40 ans qui se plaignent d’être fatigués, alors que lui frôle la centaine et ne veut pas prendre sa retraite, je suis épatée ! », confie Touria, qui fait confiance à Christian depuis près de 15 ans.
Même son de cloche pour Ali, qui reste admiratif devant la lucidité dont fait preuve le médecin. « Il ne fait pas ses 97 ans, il a toute sa tête, il n’a même pas besoin de lunettes. Il a un moral d’acier. Je pense que son travail, c’est son moteur. Si je pouvais être comme lui à son âge », explique ainsi cet homme de 30 ans son cadet, qui est petit à petit devenu un ami, au fil des consultations.
Fort d’une curiosité que les années n’ont pas rassasiée, ce grand lecteur essaie d’occuper son temps en permanence et d’avoir des activités, comme lorsqu’il se rend au chevet de religieux malades et âgés au « Séminaire des Missions », une communauté religieuse locale. En bon catholique, il s’évertue à « soigner » et « encourager » ces hommes d’église affaiblis, dont beaucoup sont plus « jeunes » que lui.
Mais quel est donc le secret de jouvence du vieil homme ? Son incroyable longévité pourrait s’expliquer par son histoire personnelle, démarrée dans la douleur.
« Tant que je pourrai, je continuerai (...) Je ne peux pas laisser mes patients »
Né à Angers (Maine-et-Loire) en 1921 dans une famille modeste d’origine irlandaise, Christian n’aurait jamais dû voir le jour. Sa mère, confrontée au refus de son mari qui ne voulait pas d’enfant, a en effet essayé d’avorter à plusieurs reprises, en vain ! Le petit s’est accroché à la vie.
Il a 17 ans lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate. Alors que bon nombre de ses compatriotes du même âge sont enrôlés de force en Allemagne au sein du STO (Service du travail obligatoire) suite à la débâcle de 1940, il en échappe par miracle et commence des études de médecine, « un peu par opportunité ».
« Il n’y avait qu’une école de médecine à Nantes et ça me permettait de travailler. J’ai d’abord été soudeur sur le chantier naval de Saint-Nazaire. J’y serai resté si je n’avais pas eu médecine ! », raconte-t-il ainsi.
À la libération, il devient interne en psychiatrie mais aussi assistant en physiologie à la faculté des sciences. Peu de temps après, c’est le grand saut, il traverse l’Atlantique et découvre les États-Unis, où pendant un an il sera chargé de cours en physiologie, d’abord à Chicago puis à Los Angeles. Il y connaîtra sa première idylle avec une certaine Doli - disparue depuis dans un accident de voiture - qui le marquera à vie.
De retour en France, il se marie avec Marthe et s’oriente vers la médecine de ville. Il s’installe d’abord à Athis-Mons (Essonne) puis s’établit définitivement à Chevilly-Larue, où il ouvre son cabinet en 1951. Il n’a depuis jamais cessé d’exercer, malgré une expulsion de son précédent cabinet en août 2018, en raison d’un projet d’urbanisme.
Bien que la pratique médicale ait changé à travers les époques, il a tout de même su évoluer au rythme des progrès de la médecine et continue de se documenter sur les avancées en matière de santé. D'ailleurs, il suit toujours des formations afin d'en apprendre davantage sur les maux d'aujourd'hui, comme le syndrome d'épuisement professionel par exemple.
Comme tous ses collègues, il aurait pu prendre sa retraite entre 60 et 65 ans, mais il a préféré continuer. Lui affirme que c’est par pénurie de médecin dans sa ville. Ses patients, eux, sont convaincus qu’il le fait avant tout par passion. Sûrement un peu des deux.
Christian aurait pourtant pu tout laisser tomber dès 1997, lorsque sa femme Marthe, mère de ses deux enfants, a été victime d’une terrible agression au couteau dans son cabinet. Elle s'en sortira saine et sauve, mais la pauvre ne s’en remettra jamais. « Je l’ai accompagnée jusqu’à sa mort en 2002. Elle avait complètement perdu la tête », confiera-t-il plus tard.
Mais il a continué à vivre et travailler et a même fini par se remarier, à l’âge de… 91 ans, avec Suzanne, une « jeunette » de 70 printemps avec qui il vit une « union fusionnelle ».
Il coule depuis des jours heureux mais pas question pour autant de parler de retraite. Il l’affirme haut et fort, il n’abandonnera pas ses patients. « Tant que je pourrai, je continuerai car je n’aurai pas de remplaçant. J’avais prévu d’arrêter mon activité en janvier mais les deux médecins qui devaient venir ont préféré s’installer ailleurs. Je ne peux pas laisser mes patients. C’est moral. », assure-t-il.
Une belle leçon de vie !