La remise ce mercredi du rapport de la Commission d’enquête du sénat sur l’affaire Benalla s’avère accablant pour l’Élysée. Explications.
Entre la mise en détention provisoire du principal intéressé mardi soir et la publication, ce mercredi, du très attendu rapport sénatorial sur la question, l’affaire Benalla est en train de prendre une tournure inattendue.
Ainsi, au lendemain de l’incarcération d’Alexandre Benalla, qui vient donc de passer sa première nuit en prison, la Commission d’enquête du Sénat, présidée par Philippe Bas (LR), a remis ses conclusions quant à cette affaire qui n’en finit plus de polluer le début de mandat d’Emmanuel Macron. Et celle-ci sont accablantes pour l’Élysée tant le rapport pointe « des dysfonctionnements majeurs » jusqu’au plus haut sommet de l’État.
Dans leur réquisitoire, les sénateurs en charge du dossier ont en effet pointé une par une chacune des défaillances observées au sein des plus hautes institutions de la République, depuis le début de cette épineuse affaire qui prend de plus en plus des allures de scandale d’État.
Emmanuel Macron et Alexandre Benalla. Crédit photo : Boot1D / Shutterstock
Des « pouvoirs excessifs laissés à un collaborateur inexpérimenté »
Rédigé par les rapporteurs Muriel Jourda (LR) et Jean-Pierre Sueur (PS), le document - qui représente 6 mois d’un travail méticuleux - s’appuie notamment sur des entretiens menés avec près de 50 personnes, parmi lesquelles se trouvent de très hauts fonctionnaires.
Comme évoqué précédemment, le rapport dénonce donc une série de « dysfonctionnements majeurs au sein des services de l’État », depuis la divulgation d’une vidéo accablante où l’on voit Alexandre Benalla frapper deux manifestants le 1er mai 2018, place de la Contrescarpe à Paris.
Autant de couacs qui auraient pu être susceptibles d’« affecter » la sécurité du président de la République, ainsi que « les intérêts » du pays, selon le rapport. Rien que ça !
La Commission parle ainsi de « pouvoirs excessifs laissés à un collaborateur inexpérimenté » dans le domaine de la protection du chef de l’État. « Alexandre Benalla s’était attribué un rôle actif dans l’organisation et la gestion de la sécurité de la présidence de la République sans que sa hiérarchie y ait fait obstacle », estime ainsi la Commission.
Cette dernière dénonce également « une confiance maintenue et une collaboration poursuivie après les graves dérapages commis le 1er mai 2018 », mais aussi « une remontée d'informations défaillante au sein de l'institution policière et de l’exécutif ».
Le rapport va même plus loin et parle d’éléments « dissimulés à la justice du fait de l'absence de saisine du procureur de la République ».
« Mettre fin à l'expérience des collaborateurs « officieux » du président »
Sont également pointés du doigt les rôles obscurs joués par Alexandre Benalla et Vincent Crase dans la négociation d’un contrat auprès d’un oligarque russe et notamment « le manque de précaution dans la prévention des conflits d’intérêts de certains collaborateurs ».
Les deux hommes sont soupçonnés d’avoir livré un « faux témoignage » et les membres de la Commission émettent également des doutes quant aux auditions de certains membres de la garde rapprochée d’Emmanuel Macron, comme le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler - déjà visé dans une autre affaire par une plainte pour corruption déposée par l'association Anticor -, le chef de cabinet Patrick Strzoda ou encore le général Lionel Lavergne, qui n’est autre que le responsable du groupe en charge de la sécurité du président.
Par conséquent, la Commission réclame que la justice soit saisie afin que toute la lumière soit faite sur « un certain nombre d'omissions, d'incohérences et de contradictions », relevées au cours des différents entretiens. Ce sera au Bureau du Sénat d’en décider.
Les sénateurs relèvent par ailleurs « un manque de diligences dans le suivi et le retrait des moyens alloués à Alexandre Benalla après son licenciement (passeports, téléphone Teorem, etc.) », tout en dénonçant « une réaction tardive pour s'assurer du respect, par l'intéressé, de ses obligations déontologiques à l'issue de son contrat ».
Notons que le rapport est accompagné de 13 recommandations sénatoriales destinées notamment à « renforcer la transparence dans le fonctionnement de l’exécutif ». Ainsi, les sénateurs proposent, entres autres suggestions, de « mettre fin à l'expérience des collaborateurs 'officieux' du président de la République et (de) faire respecter strictement leurs obligations déclaratives à tous les chargés de mission de l’Élysée ».
Il est conseillé, en outre de « conditionner le recrutement des collaborateurs » du président de la République à la « réalisation d'une enquête administrative préalable, afin de s'assurer de la compatibilité de leur comportement avec les fonctions ou les missions susceptibles de leur être confiées ».
Enfin, le rapport souligne la nécessité de « prévoir des sanctions pénales en cas de manquement aux obligations de déclaration d'une nouvelle activité à la commission de déontologie de la fonction publique ».
Invité à commenter ces conclusions, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a dénoncé des « contrevérités », tout en assurant que « l’Élysée aura l’occasion d’apporter des réponses factuelles ».