Bernard Tapie est mort ce dimanche 3 octobre au matin à l’âge de 78 ans, suite à longue lutte contre le cancer.
Figure incontournable du monde des affaires, ancien patron de la firme Adidas et du club de football de l’Olympique de Marseille, Bernard Tapie est décédé ce dimanche 3 octobre à l’âge de 78 ans.
Personnage clivant, plusieurs fois condamné par la justice, celui qui fut également député puis ministre de la Ville luttait depuis quatre ans contre un cancer, qui l’a finalement emporté.
Né le 26 janvier 1943 à Paris dans une famille modeste, il grandit au Bourget (Seine-Saint-Denis) avec son frère cadet Jean-Claude, entouré d'un père ouvrier et d'une mère aide-soignante.
Après une enfance marquée par les difficultés financières du couple, il décroche un diplôme de technicien en électronique puis effectue son service militaire dans les Yvelines à l’âge de 20 ans. C’est durant cette période, où il obtient rapidement un grade d’officier, que Bernard Tapie se convainc que l’on peut tout obtenir quand on a de l’ambition.
Bernard Tapie : Une ascension fulgurante
De retour de l’armée, ce touche-à-tout s’essaie à plusieurs choses, dont la chanson sans connaître le succès, puis la course automobile qu’il abandonnera après avoir été victime d’un grave accident qui le laissera quelques jours dans le coma.
Après avoir longtemps cherché sa voie, il se lance finalement dans les affaires en 1967, en commençant par vendre des télévisions.
Très vite, il se révèle un excellent vendeur et décide d’ouvrir une première boutique spécialisée qui n’aura de cesse de prospérer les années suivantes, avant d'être revendue pour un bon prix. Cette première expérience réussie dans les affaires l’encourage à embrasser une carrière d’entrepreneur.
Avec deux associés, il fonde en 1974 la société Cœur-Assistance, qui propose à des personnes souffrant du cœur un boîtier portable révolutionnaire, capable d’alerter des ambulanciers en cas de crise cardiaque.
Toutefois, le projet tombe rapidement à l'eau et suite à une plainte du Conseil de l’ordre des médecins, Bernard Tapie se retrouve poursuivi. Jugé pour « publicité mensongère » quelques années plus tard en 1981, il écopera d’une peine d’un an de prison avec sursis, assortie d’une amende de 20 000 francs ( environ 3 000 euros).
Une condamnation qui sera la première d’une longue série pour l’homme d’affaires.
Devenu consultant au sein du cabinet de conseil SEMA, spécialisé en redressement d’entreprise, il s’affirme très vite comme un excellent stratège. Dès 1977, il se met à son compte et devient un redoutable repreneur.
Après un premier coup d'éclat avec la reprise de Manufrance, il va en effet enchaîner plusieurs rachats de sociétés aux abois, qu’il va d'abord redresser puis revendre, faisant à chaque fois de spectaculaires plus-values. Ainsi, les entreprises Look et Wonder - pour ne citer qu’elles -, toutes deux rachetées pour 1 franc symbolique en 1983 et 1984, seront respectivement revendues 260 millions et 470 millions de francs en 1988.
C'est durant cette décennie 1980 qu'il va connaître une ascension fulgurante en amassant des fortunes colossales, puis en devenant une figure publique incontournable et très présente dans les médias, qui vont d'ailleurs le nommer « Homme de l'année » en 1984.
Après de multiples apparitions à la télévision, où sa gouaille et son charisme font mouche, il se voit même confier en 1986 une émission, baptisée « Ambitions », sur TF1, dans laquelle il aide des entrepreneurs novices à monter leur entreprise. L'expérience va durer un an. En parallèle, il ouvre plusieurs écoles de commerce destinées à des élèves chômeurs ou non diplômés.
La gloire et la reconnaissance
Riche et adulé, notamment par les plus jeunes qui voient en lui un modèle de « self made man », Bernard Tapie effectue alors un virage à 180 degrés, en investissant dans le sport, une passion depuis toujours.
D'abord dans le cyclisme, où il va monter l'équipe « La vie claire » (du nom de l'entreprise de produits bio qu'il a rachetée en 1980), laquelle remportera notamment deux succès sur le Tour de France grâce à Bernard Hinault en 1985 et Greg LeMond en 1986, puis dans le football avec le rachat de l'Olympique de Marseille.
Club prestigieux et historique du championnat de France, l'OM est alors ruiné et n'est plus que l'ombre du monument qu'il fut jadis lorsque Tapie le rachète pour une bouchée de pain, en 1986.
S'en suivront 8 années de folie, de grandeur et de décadence, sous l'impulsion de l'homme d'affaires qui va redonner au club phocéen son lustre d'antan avec, en point d'orgue, une victoire en Ligue des Champions, la reine des compétitions, le 26 mai 1993 à Munich face au grand AC Milan de Silvio Berlusconi.
Un triomphe qui reste à ce jour la seule et unique coupe d'Europe des clubs champions remportée par un club français.
Joyeux anniversaire à Bernard Tapie «Le Boss», qui fête aujourd'hui ses 76 ans.
— BeFoot (@_BeFoot) Jan uary 26, 2019
Il reste aujourd'hui le seul président à avoir ramené une Ligue des Champions à un club français. pic.twitter.com/l5dFQ54jWh
Cette période faste coïncide avec son rachat de la firme Adidas en 1990 qui, malgré son redressement salvateur, lui causera beaucoup de tort par la suite en raison du litige l'opposant au Crédit Lyonnais, chargé de la revente de la marque en 1992.
Cette affaire complexe débouchera d'abord sur un arbitrage favorable à Bernard Tapie en 2008, puis sur une annulation du jugement en 2015 et, enfin, un renvoi en correctionnelle de l'homme d'affaires en 2017. Jugé pour « escroquerie » et « détournement de fonds publics », il sera finalement relaxé en juillet 2019, mais l'affaire continue encore de faire des remous.
Côté football, durant ses années de présidence à l'OM, Marseille gagnera quatre titres de champions de France, une coupe de France et atteindra la finale de la coupe d'Europe à 2 reprises, alors que le club n'avait rien gagné entre 1976 et 1986.
Cette réussite insolente va conférer à Bernard Tapie une incroyable popularité et une aura quasi-divine à Marseille, ce qui va grandement l'aider lorsqu'il tentera sa chance en politique.
Poussé par son entourage, il se lance en effet dans la course aux législatives en 1988 et brigue un poste de député,sans étiquette, dans les Bouches-du-Rhône. D’abord battu dans sa circonscription, il bénéficie d'une seconde chance lorsque le scrutin est invalidé et, contre toute attente, remporte la deuxième élection avec 50,9 % des voix, en 1989.
Quelques semaines plus tard, en septembre de la même année, il fait sensation en tenant tête au leader frontiste Jean-Marie Le Pen, lors d'un débat télévisé resté célèbre.
Couvé par François Mitterrand, qui veut en faire l'un de ses alliés issu de la société civile, il est nommé ministre de la Ville en avril 1992, mais l'expérience va tourner court ! Mis en examen dans le cadre d'une affaire d'abus de biens sociaux, il est en effet contraint de démissionner dès le mois de mai.
Blanchi par un non-lieu, il réintègre le gouvernement en janvier 1993 – ce qui fera grincer beaucoup de dents au sein du PS – mais la défaite de la gauche aux législatives précipite la démission de tous les ministres en mai et la nomination d'Édouard Balladur à Matignon. Bernard Tapie se console en étant réélu député des Bouches-du-Rhône, sous l'étiquette du parti radical de gauche.
La chute et la maladie
Cette année 1993 marque pour lui le début d'une longue descente aux enfers qu'il finira derrière les barreaux.
Le déclenchement de l'affaire OM-VA le 22 mai 1993, qui mettra au jour un scandale de corruption sans précédent impliquant des joueurs du club de football de Valenciennes, conduira en effet Bernard Tapie en prison, après un long feuilleton judiciaire à rebondissement.
C'est à la mi-temps d'un match opposant les deux équipes, deux jours auparavant, que Jacques Glassman - joueur de Valenciennes - révèle à son entraîneur l'existence de cette tentative de corruption.
On apprendra bien plus tard que l'agent Jean-Pierre Bernès, sur ordre de Bernard Tapie, avait contacté le joueur et deux de ses coéquipiers en leur promettant d'importantes sommes d'argent, pour « lever le pied » lors de la rencontre.
Le but de la manœuvre, à laquelle participa également le milieu défensif de Marseille Jean-Jacques Eydelie qui fit office d'intermédiaire, était d'éviter les blessures afin que l'équipe entraînée par Raymond Goethals se présente au complet le soir de la finale de Coupe d'Europe contre Milan, que le club phocéen remportera 6 jours après ce funeste OM-Valenciennes.
Jugé pour « complicité de corruption » et « subornation de témoins », Bernard Tapie est condamné, en mai 1995, à deux ans d’emprisonnement (dont un ferme), ainsi qu'à trois ans d'inéligibilité et 20 000 francs d'amende (environ 3 000 euros).
Après avoir fait appel, sa peine est réduite en novembre à huit mois ferme de prison qu'il effectuera d'abord à la maison d'arrêt de la Santé puis à Luynes (Aix-en-Provence) et enfin, aux Beaumettes à Marseille, sous le régime de la semi-liberté.
Une fois libéré, en juillet 1997, il échappe de peu à un retour immédiat en prison après une nouvelle condamnation, cette fois pour fraude fiscale, dans l'affaire dite du « phocéa », du nom d'un yacht de luxe qu'il exploitait professionnellement de manière avantageuse, à travers un montage financier jugé illégal. La Cour d’appel de Paris lui accordera en effet une confusion des peines en vertu de celle déjà purgée dans le cadre de l'affaire OM-VA, lui évitant ainsi une nouvelle incarcération.
Entre 1996 et 1998, il connaîtra deux autres condamnations pour abus de biens sociaux, d'abord au dépens de la société Testut dont il était le PDG jusqu'en 1992, puis dans l'affaire des comptes de l'OM.
Déclaré en faillite personnelle en 1994, Bernard Tapie tente plusieurs reconversions à sa libération. Il s'essaie d'abord au théâtre avec quelques pièces à son actif, dont une adaptation du film « Vol au dessus d'un nid de coucou » en 2000, qui sera saluée par la critique. Il tourne ensuite 12 épisodes de la série « Commissaire Valence », dont il détient le rôle titre, diffusée sur TF1 entre 2003 et 2008.
Mais la tentation d'un retour aux affaires est beaucoup trop forte. Après avoir essayé, en vain, de relancer le groupe Club Med en 2009, il investit dans la vente en ligne avec le site Bernartapie.com, développé en compagnie de son fils Laurent, pour un succès plus que mitigé. Mais c'est avec son entrée au capital du groupe Hersant Média (GHM) fin 2012 qu'il signe son vrai retour avec notamment le rachat du quotidien La Provence, dont il devient l'actionnaire majoritaire en 2013.
En 2017, il apprend qu'il est atteint d'un cancer de l'estomac. Après plusieurs traitements et une intervention chirurgicale qui vont grandement l'affaiblir, il annonce en 2018 souffrir d'un double cancer estomac-œsophage dont il ne se relèvera pas. Il est décédé ce dimanche 3 octobre des suites de sa maladie, à l'âge de 78 ans.
Bernard Tapie est actuellement traité pour «un cancer de l'estomac» mais sa famille et lui-même sont «optimistes» https://t.co/AAef9uDst5 pic.twitter.com/nHU1gjEuOU
— L'ÉQUIPE (@lequipe) Septe mber 24, 2017
Marié à deux reprises, Bernard Tapie était père de quatre enfants.