Le Moran Market de Seongnam, situé au sud-est de Séoul, est un peu à la Corée du Sud ce que le festival de Yulin est à la Chine : un lieu hautement réputé pour sa viande de chien, vers lequel l’occident lève des yeux emplis de dégoût et d’effroi. Ainsi, plus de 80 000 chiens y étaient vendus morts ou vivants à l’année, fournissant près du tiers des 100 000 tonnes de viande canine consommée dans le pays du matin calme.
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Mais les amateurs de ce type de viande pourront ronger leur os : la mairie a négocié depuis des mois un arrêt progressif des activités liées à la boucherie canine.
D’abord, les commerçants devront suspendre les activités d’abatage, puis retirer les cages à partir de la semaine prochaine. D’ici le mois de mai 2017, leurs stands devront être intégralement fermés. En contrepartie, les commerçants seront accompagnés dans leur reconversion professionnelle, et disposeront d’une aide et d’un soutien financier de la part de la mairie.
Parmi les critiques les plus virulentes à l’encontre de ce festival, outre le fait que les animaux en question soient des chiens et pas des poulets ou des bœufs, les activistes pour les droits des animaux pointent également du doigt les conditions d’abattage : Ces dernières seraient extrêmement brutales, les chiens y seraient pendus, écorchés vivants, battus ou encore électrocutés.
Certains affirment que, pour jouir des vertus médicinales de la viande de chien, il faut traditionnellement faire souffrir l’animal le plus longtemps possible lors de l’abattage, afin de « bonifier la viande ». Pour ce faire, il faudrait lui briser les membres, l’écorcher vivant tout en essayant de le maintenir en vie le plus longtemps possible, pour « décupler les nutriments et donner plus de plaisir en bouche », selon une source anonyme citée par Mashable.
En réalité, selon Lola Webber, cofondatrice de Change For Animal Fondation (une ONG spécialisée dans le sauvetage des chiens en Corée du Sud), ce tableau d’horreur est à tempérer fortement : même s’il y a de véritables problèmes sanitaires, ces méthodes ne sont pas vraiment répandues, en tout cas en Corée (ce n’est pas forcément le cas d’autres pays d’Asie).
Ainsi, les bouchers canins sud-coréens ont surtout recours à l’électrocution, au pistolet à projectile captif, et à des méthodes similaires à celles qui sont utilisées pour l’abattage d’autres animaux : « Le débit des élevages de chiens est de toute façon trop élevé pour que les bouchers aient le temps de les torturer. L’électrocution est un moyen plus rapide, plus rentable. »
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Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : les chiens sont détenus dans des conditions assez douteuses, dans des cages trop petites et au milieu de leurs propres déjections. C’est aussi le cas d’autres animaux, mais il se trouve que le commerce de la viande de chien, en particulier, n’est pas trop du goût des touristes.
Prise de conscience soudaine, ou préparation du terrain à l’approche des Jeux olympiques d’hiver ?
La décision de supprimer le Moran Market pourrait être moins motivée par le souci de la cause animale que par des raisons purement diplomatiques. En effet, rien n’indique que le commerce de la viande de chien ne sera supprimé en Corée du Sud — en revanche, la fermeture de ce marché qui attire particulièrement les feux des projecteurs permet d’accomplir un geste symbolique, pour redorer un peu une image ternie par cette pratique controversée. Et puis, il n’y a pas que les touristes étrangers : les riverains du marché se plaignent aussi régulièrement du bruit, des odeurs et des problèmes sanitaires.
Au pays des nouvelles technologies, douzième puissance économique mondiale, on ne veut surtout pas qu’une pratique perçue comme archaïque par les Occidentaux ne vienne ternir la gloire de l’industrie rutilante, de la technologie informatique reine et du débit internet ultrarapide ! D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que ces petits défauts dérangeants sont masqués par une couche de fond de teint diplomatique : il y a presque 30 ans, en 1988, lors des Jeux olympiques d’été, le gouvernement de Séoul avait déjà fait censurer des cartes des restaurateurs tous les plats à base de chien.
Europe 1
On s'émeut plus du sort des chiens que de celui des vaches ou des cochons
Nous sommes bien prompts à nous ériger en donneurs de leçons... pourtant, en Occident et notamment en France, l’état des abattoirs ne fait pas non plus figure de modèle absolu, c’est le moins que l’on puisse dire ! Souvenons-nous qu’il y a encore peu de temps, des débordements scandaleux avaient été pointés du doigt chez nous, notamment grâce à des caméras-espion infiltrées dans des abattoirs par des associations.
Peu de gens le savent, mais en France, nous mangions encore des chiens…jusqu’au siècle dernier. Et puis, nous nous régalons bien de vaches (sacrées en inde), de cochons (qui sont parfois des animaux de compagnie en Asie) et même de chevaux (une chose complètement impensable pour un Coréen, par exemple !)
Et si l’on mettait un peu de côté nos différences culturelles, et que l’on se battait tous ensemble pour que tous les animaux, quels qu’ils soient, soient abattus de façon digne, sans souffrance tout en disposant de conditions de vie saines ? Une piste à explorer… peut-être pour les prochains Jeux Olympiques ?