Créer de l'électricité en s'ambiançant dans un festival ? Ce sera peut-être bientôt possible !

Utiliser l'énergie de la fête pour produire de l'électricité ? C'est l'idée aussi folle qu'ingénieuse de Julie Guidicelli, Anaïs Texier et Apolline Rigaut. Les trois jeunes femmes ont fondé le projet Mergy, qui vise à générer de l'électricité grâce aux festivals. Comment ? Tout simplement en transformant les festivaliers... en source d'énergie renouvelable !

Grâce à des dalles placées devant la scène, l'énergie créée par des milliers de personnes sautant et dansant simultanément est recueillie et transformée en courant électrique. Pour l'heure, leur technologie est encore en phase de développement et de prototypage... mais on espère pouvoir bientôt sauver la planète en faisant la fête, grâce à elles !

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Vous êtes-vous jamais demandé quelle était l'ampleur de l'énergie dépensée par une foule de personnes qui se déchaîne et se défoule devant une scène d'un festival ? Figurez-vous que les trois créatrices du projet Mergy ont pris cette idée très au sérieux ! Elles se sont mis en tête de récupérer cette énergie produite par des milliers de pieds sautant et dansant en même temps, pour en faire de l'électricité. 

Si l'idée peut vous sembler farfelue de prime abord, elle n'a pourtant rien d'un fantasme : grâce à des techniques déjà existantes, à base de système dynamo ou de piezoélectricité, il est déjà actuellement possible de convertir la pression exercée sur une structure en courant électrique. Pour développer leur idée, elles ont été hébergées par Hive, une résidence pour jeunes inventeurs organisée au sein du campus The Camp, basé à Aix en Provence — une gigantesque structure futuriste, posée comme un ovni au beau milieu de la garrigue, qui sert d'incubateur à idées pour une multitude d'acteurs qui cherchent à rendre meilleur le monde de demain.

Récupérer l'énergie que les gens dégagent quand ils dansent

« Chaque humain a un potentiel énergétique intéressant. On trouve que c'est une belle image : le fait que pour créer de l'énergie, il faille être plusieurs, qu'il y ait une idée de communauté derrière, explique Julie Guidicelli (25 ans), rencontrée avec Apolline Rigaut (24 ans), à l'occasion de la présentation des travaux des résidents de The Camp. « C'est ce qui nous a amené à nous intéresser de près aux festivals de musique : c'est un moment de partage entre amis, un moment de rencontres, mais c'est aussi un moment où les gens vont dépenser de l'énergie pour soutenir leur artiste ! »

C'est cette énergie cinétique dépensée par les fêtards qui intéresse justement les trois jeunes femmes. Plutôt que de la laisser se "perdre" inutilement, elles se sont dit qu'il devait exister un moyen de la récupérer. Et pour cause : il s'agit, comme l'énergie solaire ou éolienne, d'une énergie diffuse — c'est-à-dire des sources d'énergies présentes un peu partout autour de nous et qui n'attend que d'être captée et valorisée en étant convertie en électricité. Apolline et Julie en sont convaincues : ces énergies diffuses, ce sont « les énergies de demain ».

« On s'est dit : 'pourquoi ne pas essayer de récupérer toute cette énergie que les gens dégagent quand ils chantent, quand ils dansent, quand ils sautent ?' Alors, on a eu l'idée de paver le devant des scènes avec un système de dalles, clipsables entre elles » poursuit Julie.

Mergy/ The camp

Concrètement, il s'agirait dans un tout premier temps d'illuminer ainsi les différentes voies de passage empruntées par le public, entre les différents pôles du festival. Les festivaliers pourraient ainsi voir, en temps réel, l'intensité varier en fonction de l'ambiance et de la vigueur avec laquelle ils se défoulent sur le dancefloor ! Cela contribuerait aussi à les sensibiliser de manière ludique sur la gestion de l'énergie.

« Cette énergie est récupérée dans la dalle, et elle est réinjectée dans un chemin lumineux, qui relie les différentes scènes du festival entre elles. L'intensité de la lumière varie en fonction de l'intensité de l'énergie produite sur le devant de la scène. »

Mergy/ The camp

Et l'idée de Julie, Anaïs et Apolline intéresse déjà les organisateurs de festivals ! Elles ont déjà eu des réponses positives pour faire venir Mergy au sein du festival de Dour, en Belgique, ou encore du Cabaret Vert à Charleville-Mézières, dans les Ardennes.

Les trois filles ont même obtenu un partenariat avec le festival marseillais Marsatac, avec un premier lancement prévu pour l'été 2019 ! Il s'agirait d'un prototype de quelques mètres carrés, qui permettrait déjà de donner un premier aperçu des possibilités préfigurées par une telle technologie.

Au début, dans le cadre de cette première ébauche, cela permettrait dans un premier temps de sensibiliser le public à la gestion de l'énergie — en montrant notamment aux gens l'impact collectif qu'ils peuvent avoir. Grâce à un indicateur visuel qui présente la quantité d'énergie cinétique dépensée et générée par la foule, sous la forme de chemins reliant les différents espaces du festival entre eux, la valeur symbolique est très forte...

Mais au-delà du symbole, l'idée est aussi de parvenir, dans le futur, à rendre utilisable cette énergie... notamment en la réinjectant dans les installations électriques de l'événement !

« À terme, l'idée c'est quand même aussi de parvenir à produire de l'énergie, poursuit Apolline. Nous voudrions ainsi pouvoir conseiller les festivals sur leur transition énergétique. Par exemple, en mettant des capteurs dans nos dalles afin de recueillir des données pour les organisateurs de ces événements ! »

Les dalles Mergy pourraient ainsi permettre de récolter des informations sur la fréquentation du festival, le nombre de personnes, mais aussi sur la création d'énergie. Cela permettrait de donner aux festivals des outils pour leur permettre d'améliorer leurs modes de fonctionnement, notamment sur le plan énergétique et passer à davantage de renouvelable.

« On pourrait même, à terme, faire des jeux entre les artistes et les villes, pour voir qui produit le plus d'énergie ! » rigole Julie.

Des cristaux de quartz pour transformer la pression en électricité

Sur le plan technique, le premier prototype conçu par Julie et Apolline fonctionne grâce au principe de la piézoélectricité. Il s'agit de minuscules cristaux de quartz qui se déforment sous l'effet de la pression et qui, en reprenant leur forme originelle, créent une tension électrique. Ce procédé présente l'avantage non négligeable de pouvoir concevoir des feuilles fines de l'ordre de quelques millimètres, légères et résistantes.

Cependant, pour l'heure, ce premier prototype ne permet pas de générer autant d'énergie que les fondatrices de Mergy l'auraient souhaité. Elles comptent donc lancer un deuxième prototype, fonctionnant grâce au principe bien connu de la dynamo.

En soi, la technologie employée par les dalles Mergy n'est pas nouvelle. Des procédés existent déjà pour tenter de récupérer l'énergie produite, par exemple, par le déplacement de piétons dans des zones de passage très fréquentées comme les couloirs de métro, les gares ou encore les centres commerciaux. L'une des technologies les plus abouties à ce sujet, celle du projet Pavegen, existe en fait déjà depuis 2009. Les concepteurs de Pavegen ont testé avec succès leur dispositif dans de nombreux pays du monde entier, et ont même expérimenté des systèmes pour récupérer de l'énergie cinétique sur... des terrains de football !

Mergy/ The camp

D'autres installations existent, permettant de récupérer une partie de l'énergie produite par le passage des voitures sur des portions d'autoroutes, ou encore de vélos sur une piste cyclable. Combiné aux routes photovoltaïques ou encore aux pistes cyclables solaires, cela représente aussi une excellente manière, très prometteuse, d'optimiser l'espace et de donner une seconde utilité aux axes de déplacement !

Julie et Apolline, elles, ne prétendent pas développer et produire elles-mêmes les capteurs d'énergie présents au cœur de leurs dalles. Elles veulent plutôt s'emparer de cette technologie déjà existante, et simplement l'adapter aux festivals ! Car si l'idée de récupérer l'énergie produite par les flux de personnes ou de véhicules n'est pas nouvelle, elle a surtout été expérimentée, jusqu'à présent, dans le cadre de structures pérennes.

« La différence, c'est que nous cherchons le moyen de mettre ce procédé en place sur des lieux éphémères, de rendre cela transportable, facile à faire et à défaire, » explique Apolline. D'où l'idée de créer les dalles Mergy pour les festivals : des structures modulaires et modulables à l'infini, légères, facile à transporter, à clipser puis à retirer, et qui peut donc s'inscrire dans le cadre des défis logistiques de l'organisation festivalière.

Pour suivre le développement futur du projet, rendez-vous sur la page Facebook de Mergy !


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Journaliste