Aujourd’hui, mardi 22 avril 2018, Emmanuel Macron a présenté un plan destiné à l’amélioration des conditions de vie dans les banlieues, emboîtant le pas à Jean-Louis Borloo, qui avait lui-même remis un plan exprimant les mesures qu’il souhaitait voir être prises jeudi 26 avril. La rumeur grondait depuis déjà plusieurs jours : le Président de la République n’a guère tenu rigueur des idées exprimées par M. Borloo, un fait confirmé par son allocution lors de l’évènement organisé à l’Élysée ce jour, intitulé « La France, une chance pour chacun ».
Les Echos
Ancien Ministre de la Ville, Jean-Louis Borloo avait exprimé dans son plan remis le 26 avril 2018 le souhait de voir les « discriminations intolérables au faciès ou à l'adresse » être bannies des banlieues, mais aussi au sein des entreprises tendant à rejeter les personnes issues de celles-ci, comme l’indique RTL qui détaillait le mois dernier les ambitions de l’homme politique.
Pour ce faire, M. Borloo préconisait notamment d’ « accompagner et financer la mise en oeuvre de plans territoriaux », de « créer un observatoire national des discriminations », mais aussi d’inspecter tous les employeurs afin d’identifier ceux qui procédaient à ce genre de discriminations. Une formation à leur encontre était envisagée afin de les limiter, et de pousser à diversifier davantage les recrutements, dans le cadre d’une campagne globale de sensibilisation, venant s’ajouter à des sanctions pénales pour les plus virulents dans les discriminations liées au milieu.
Jean-Louis Borloo souhaitait aussi que des reconstructions à hauteur du nombre de 80 000 soient opérées pour rénover et créer de nouveaux logements pour améliorer le décor urbain et les conditions de vie, mais également de générer près de 40 000 emplois. L’éducation constituait également un pilier de ce plan, avec une rénovation des 100 collèges les plus délabrés, la construction de 50 nouveaux collèges, la création de 75 000 services civiques, et la mise en place d’une « académie des leaders », destinée à former les jeunes issus des familles les plus modestes aux plus hautes fonctions de l’État.
Toutefois, Emmanuel Macron s’est vite opposé à ce plan qui aurait coûté la coquette somme de 48 milliards d'euros, le balayant d’un revers de la main pour à la place proposer ses mesures, à l’occasion de son évènement « La France, une chance pour chacun », organisé à l’Élysée ce mardi 22 mai 2018.
Pour que le visage des quartiers change. #LaFranceUneChance pic.twitter.com/8NGzit2jn5
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 22 mai 2018
« Je veux que ça marche, je veux qu’on ait des résultats. On ne satisfera jamais tout le monde, mais d’ici à quatre ans maintenant, je veux que le visage des quartiers change », a pu déclarer Emmanuel Macron en préambule, avant son allocution à onze heures du matin. Une déclaration partagée en vidéo sur son compte Twitter.
Diverses personnes se sont exprimées avant le discours d'Emmanuel Macron, parmi lesquelles Jean-Louis Borlo, qui a rejoint l'Élysée à 11h30, rejoignant les personnalités politiques déjà présentes, à l'instar des ministres de l'Education et de l'Intérieur, respectivement Messieurs Jean-Michel Blanquer et Gérard Collomb, ou encore la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité femmes et hommes, Marlène Schiappa. L'ancien Ministre de la Ville a pris la parole après Yassine Belattar pour rappeler l'importance de reconquérir 10 à 15 millions de personnes, en rappelant que « ce sont dans nos quartiers qu'on crée le plus d'entreprises », et en affirmant que ce n'est pas de l'argent que demandent les banlieues mais bien « leur place dans la République ». Tony Estanguet, président du comité JO Paris 2024, a clamé vouloir que les Jeux Olympiques de Paris soient une source d'emplois pour tous, y compris et surtout les personnes issues des banlieues.
#LaFranceUneChance @JLBorloo «Les #banlieues ne demandent pas d’argent, seulement une place dans la #République. Les quartiers ne sont pas un problème, ils sont une partie de la solution !» Nous sommes réunis ce matin autour d’@EmmanuelMacron pour en changer le quotidien. pic.twitter.com/y4CoGAyHDL
— Laurianne Rossi (@lauriannerossi) 22 mai 2018
« Ce que j’ai fait ce n’est pas un discours, c’est un début de réponse à vos questions ».
C'est avec ces mots qu'Emmanuel Macron a défini son allocution, qui a eu lieu de 12h35 à 14h10. Son principal mot d'ordre était de « construire une politique d’émancipation pour que chacune et chacun retrouve sa dignité », et ce « en adaptant une méthode nouvelle, celle de la mobilisation ». Le Président a souhaité rejeter les méthodes précédemment usitées, affirmant :
« Je ne vais pas vous faire un plan, parce que quelque part ça n’aurait aucun sens », « ça ne marche plus comme ça ».
Capture d'écran Livestream Twitter
M. Macron souhaite avant tout une « mobilisation collective d'effort et d'avancée pour l'émancipation et la dignité ». Il a tenu à mettre l'accent sur l'éducation, l'éducation pour permettre à chacun de pouvoir choisir sa vie, en refaisant « république dans ces quartiers ». Pour le président, il est vital de « créer des héros républicains qui viennent des quartiers » afin de donner à tous les jeunes des modèles. L'école doit lutter « contre les discours racistes ou antisémites, en train d’empirer », et éduquer correctement les enfants, afin de lutter contre le sexisme, et la radicalisation, avec une « stratégie de reconquête républicaine des esprits ». Ainsi, tous les enfants doivent aller à l'école dès le plus jeune âge afin de réduire autant que possible les fossés que créent les inégalités dès l'âge de trois ans.
L'accent a été mis sur le stage de troisième, longtemps considéré comme « anecdotique ». Beaucoup de jeunes n'arrivent pas à obtenir de stage, en partie à cause des discriminations dont ils sont victimes par les entreprises, un problème qui doit être résolu. Il est important pour le président de « mettre en place des bourses de stages dès septembre », servant un « objectif concret qui doit être atteint pour les stages de décembre et janvier ».
Emmanuel Macron, pour lutter contre les discriminations, préconise une « généralisation du testing, pour s’assurer qu’il n’y a pas de discrimination à l’embauche ». Il a ainsi déclaré que 40 entreprises du SBF 120 (Société des Bourses Françaises) seront testées la première année, puis quarante autres l’année prochaine, puis quarante autres l’année suivante, pour vérifier que 120 grandes entreprises françaises n'appliquent pas de discrimination à l'embauche.
En ce qui concerne la sécurité dans les quartiers, le président a manifesté son désir de déployer 1300 policiers dans 60 quartiers d’ici 2020, quartiers qui font partie des plus difficiles. Une opération contre le trafic de drogue doit être élaborée d'ici le mois de juillet. « Réallouer des moyens en termes de justice » et « Voir ce qu’on peut faire mieux avec les polices municipales » pour « faire plus » est une priorité. En expliquant que « la bataille du trafic de drogue a été perdue dans de nombreuses cités », M. Macron a discrètement rappelé qu’il était opposé à la légalisation du cannabis « pour de nombreuses raisons ».
Les procédures doivent être simplifiées pour accélérer le travail des services de police et des procureurs, qui ne débouche à l'heure actuelle parfois sur rien, avec la possibilité d'adresser immédiatement des contraventions aux consommateurs et détenteurs de drogues. Il a également été fait mention de la police de sécurité du quotidien et de sa priorité de « pénalisation dans les quartiers contre les outrages sexistes ».
Le président de la République a tenu à faire un « retour sur la réparation et le rééquilibrage proposés par Jean-Louis Borloo » en expliquant qu'il tenait à lutter contre « l’habitat indigne » avec des mesures qui seront annoncées plus tard, en juillet, avec l'opération « cœur de quartiers ».
Ayant constaté que « 15, 20% de personnes qui sortent des quartiers par le haut, vont souvent s’installer dans des quartiers, souvent pour les enfants, qui sont… mieux », Emmanuel Macron déplore que les personnes qui demandent des papiers soient envoyées dans ces quartiers que beaucoup quittent, dénonçant un certain « égoïsme collectif » : « On veut bien que les gens viennent, mais ailleurs, dans ces quartiers-là, ailleurs ».
Mettant un point d'honneur à ce que son action soit concrète, le président a annoncé que « tous les deux mois, des rendez-vous avec les quartiers et le très rural » seraient tenus pour faire un point sur les évolutions avec une « feuille de route », le tout pour « arrêter d’opposer les territoires entre eux », et maintenir une « équité territoriale ».
« Je ne serai le cache-sexe de personne », a proclamé Emmanuel Macron en expliquant que ces rendez-vous ne comporteraient aucune langue de bois, aucune concession.
Autre point notable, la volonté de mener une « politique pour, avec et par nos concitoyens », avec la création d’un site web sur lequel les citoyens pourront faire leurs observations et faire part des non-conformités. Cette plateforme sera notamment un gage de transparence et d'anonymat.
Au cours de cette heure et demie de discours qui n'en est pas réellement un selon lui, estimant que les « grands discours » ne prennent plus, Emmanuel Macron a brassé une multitude de sujets, sur lesquels des précisions et propositions concrètes devraient affluer dans les semaines et mois à venir.