Des milliers de Masaï sont persécutés et chassés de leur terre chaque jour au profit du tourisme en Tanzanie

Un rapport accablant du Oakland Institute fait état des multiples intimidations dont les éleveurs et guerriers Masaï font l'objet. Petit à petit, ce peuple se voit dénué de sa terre au profit des compagnies touristiques et des chasseurs.

Les Masaï, une tribu ancestrale de la Tanzanie et du Kenya. Crédits : Delbars / Shutterstock

« Perdre le Serengeti, cette terre masaï qui devait durer pour toujours ». Tel est le titre annonciateur du rapport inédit que l'Oakland Institute a dévoilé le 9 mai dernier. Ce laboratoire d'idées basé en Californie y révèle la complicité entre le gouvernement tanzanien et les compagnies étrangères de tourisme pour déposséder les Masaï de leurs terres, les confinant dans des zones de plus en plus étroites.

Depuis des siècles, ce peuple autochtone semi-nomade vit dans certaines zones de la Tanzanie et du Kenya, et notamment dans la plaine du Serengeti, une savane de 60  000 mètres carrés à cheval entre ces deux pays d'Afrique de l'Est.

Avec ses rivières, ses forêts, ou encore ses nombreuses espèces animales, cette vaste terre suscite l'intérêt de tous. Et notamment celui des compagnies de tourisme qui y développent un business florissant de safaris pour les touristes, bien souvent au détriment des populations locales.

Les auteurs du rapport pointent ainsi du doigt les compagnies Tanzania Conservation Limited (TCL) et Ortello Business Corporation (OBC). Selon les Masaï, la première coopère avec la police locale pour interdire aux villageois l’accès à l’eau et aux terres. La seconde organiserait, quant à elle, des excursions de chasse pour la famille royale du pays et ses invités et évincerait la population, en brûlant des maisons, et en tuant des milliers d'animaux rares.

« Dans un communiqué, le ministère tanzanien du tourisme a indiqué que ces habitations avaient été brûlées sur ordre du gouvernement dans le but de préserver les écosystèmes de la région et d'attirer plus de touristes », notent les auteurs.

Contacté par Le Monde, Thomson Safaris (propriétaire de TCL) déplore quant à lui « d’horribles accusations qui ne font aucun sens et sont tout simplement fausses ».

Un climat de peur

La zone d'habitat de cette ethnie d'Afrique, chassée de chez elle au profit du tourisme, se réduit ainsi d'année en année. Et les conséquences sont désastreuses  : les Masaï n'ont plus suffisamment d'espace pour faire paître leurs troupeaux ni pour cultiver la terre. Ils doivent alors faire face à la famine et à la maladie.

Un véritable climat de peur a été instauré ces dernières années. Dans le rapport, les membres de cette tribu ancestrale parlent d'« intimidations » et de « violences » subies au quotidien. Le dernier événement recensé date d’août 2017  : plus de 180 bomas, les maisons traditionnelles, ont été détruites, des milliers de villageois déplacés et d’importantes pertes ont été constatées.

« Notre objectif n’est en aucun cas de diffamer ni le gouvernement ni des entreprises spécifiques, mais juste de mettre en lumière que des communautés locales sont repoussées en dehors de leurs terres au nom de la protection de la nature », soutient Anuradha Mittal, la fondatrice et directrice de l'Oakland Institute.

Le think tank appelle donc le gouvernement tanzanien à réagir « en arrêtant au plus vite les arrestations et les violences ».

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