Chaque championnat d’Europe de football - dont la 16e édition a démarré le 11 juin à Rome avec Italie-Turquie - est jalonné d’exploits en tous genres et autres histoires improbables qui ont fait la légende de cette compétition, réputée pour être la plus relevée au monde.
De la première édition en 1960 jusqu’à la dernière organisée par la France en 2016, l’Euro a toujours été marqué par des matches de légende, mais aussi par l’état de grâce d’une poignée de joueurs inconnus jusqu’alors qui, le temps d’un tournoi ou parfois même d’une seule rencontre, ont su se sublimer pour marquer à jamais l’histoire de la compétition.
Cette gloire éphémère en a ainsi propulsé certains au sommet du continent, alors que rien ne le laissait présager.
Et puis, plus rien ou presque !
Cette parenthèse dorée, seuls quelques privilégiés l’ont connue avant de rentrer gentiment dans le rang, ou simplement de disparaître de la circulation pour des raisons diverses et variées !
Alors pour rendre hommage à ces comètes qui ont forcé leur destin en saisissant leur chance, voici un top 3 consacré à ces héros qui ont brillé le temps d’un Euro.
Éder, l'invité surprise
Crédit photo : AFP
Le souvenir de son but en finale de l’Euro 2016, suivi d’une course effrénée, le visage ivre de joie, vers son banc de touche, hante encore le souvenir de millions de supporteurs Français.
Le Portugais Éderzito Antonio Macedo Lopes, plus connu sous le nom d’Éder, est l’archétype du joueur qui a marqué l’histoire de l’Euro sur un match.
Mieux, le natif de Guinée-Bissau a réussi l’exploit d’inscrire son nom dans la légende de la compétition et du football lusitanien sur sa seule véritable occasion du tournoi.
Pour bien comprendre la portée de la trace qu’il a laissée, il faut se replonger - même si ça fait mal - 5 ans en arrière, lors du Championnat d’Europe 2016, organisé en France.
Traversant la compétition comme une ombre, un peu à l’image de son équipe du Portugal - qui ne doit sa présence en phases finales qu’à la nouvelle règle qualifiant les meilleurs troisièmes, à l’issue du premier tour -, Éder ronge son frein sur le banc de touche.
Barré logiquement par le tandem Cristiano Ronaldo-Nani, le joueur du LOSC doit ainsi se contenter des miettes et ne joue qu’une quinzaine de minutes, lors de la phase de groupes, en entrant successivement contre l’Islande (1-1) et l’Autriche (0-0).
Peu convaincant, il ne rentre pas sur le terrain lors du troisième match de poule décisif contre la Hongrie (3-3), ni même lors des trois rencontres suivantes et c’est depuis le banc qu’il assiste au parcours laborieux de ses coéquipiers.
C’est donc sans lui que les hommes de Fernando Santos parviennent à se hisser presque miraculeusement en finale, en n’ayant gagné qu’un seul match dans le temps réglementaire, la demi-finale contre le pays de Galles (2-0).
Finalistes inattendus, les Portugais n’en mènent pas large car en finale au Stade de France se dressent les Bleus de Didier Deschamps qui, à domicile, font office de favoris !
Tombeurs de l’Allemagne en demi-finale (2-0) et emmenés par un Antoine Griezmann qui marche sur l’eau (6 buts) - il sera d’ailleurs élu meilleur joueur de la compétition -, les Bleus avancent en effet avec confiance et le titre leur semble promis.
Et pour ne rien arranger, les Portugais perdent d’entrée leur star Cristiano Ronaldo, touché au genou après un choc avec Dimitri Payet, et contraint de céder sa place dès la 25e minute.
Dans un match plutôt fermé mais relativement dominé par les Français, les Portugais peinent à exister et ne doivent leur salut qu’à leur gardien Rui Patricio, qui les sauve à plusieurs reprises, notamment sur une tête lobée de Griezmann (10e) puis sur une frappe puissante de Moussa Sissoko (84e).
Et quand il n’est pas sur la trajectoire du ballon, le portier portugais est sauvé par son poteau droit sur une action de grande classe de Gignac, qui croyait là donner la victoire aux siens dans le temps additionnel (90e+2).
Dos à dos à la fin du temps réglementaire (0-0), les deux équipes entament alors les prolongations.
Entré en jeu à la 79e minute, Éder se fait plutôt discret et subit la loi de la défense française.
Sa seule action notable est une… main (107e) que l’arbitre impute par erreur au français Laurent Koscielny, qui est sanctionné d’un carton jaune à la place du Portugais.
Sur le coup franc, Raphaël Guerreiro envoie une mine sur la transversale de Hugo Lloris !
Un avertissement car dans la minute qui suit, Éder reçoit un ballon dos au but à 25 mètres, résiste au marquage de Koscielny puis expédie une frappe croisée limpide du pied droit dans le petit filet de Lloris, faisant ainsi chavirer de bonheur toute la communauté portugaise présente au stade.
Les Français ne s’en remettront pas !
Ce but magnifique d’Éder offre le championnat d’Europe au Portugal en France, le pays où il évolue et qui ne lui pardonnera d’ailleurs jamais cette défaite.
Sa saison suivante (31 matches, 6 buts) au LOSC sera en effet un calvaire marqué par l’accueil glacial et les sifflets que lui réserveront tous les stades de France, à l’exception bien sûr du public lillois.
À l’été 2017, il s’est exilé dans le championnat russe, au Lokomotiv Moscou, sans avoir réellement marqué les esprits (119 matches, 14 buts).
Surtout, il n’a plus été appelé avec la Selecçao depuis le 20 novembre 2018, retombant ainsi dans l’anonymat.
Qu’importe, l’essentiel est ailleurs car le temps d’une folle soirée de juillet 2016, Éder est devenu le héros de tout un peuple qui, lui, ne l’oubliera jamais !
Angelos Charistéas, un grec au panthéon
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Dans la famille des héros improbables et éphémères de l’Euro, on demande Angelos Charistéas.
Et manque de bol pour tous les supporteurs des Bleus, c’est encore un bourreau de l’équipe de France qui est à l’honneur.
Pour la faire courte, Charistéas, c’est l’avant-centre de l’équipe qui a réalisé l’une des plus grosses, si ce n’est la plus grosse surprise de l’histoire du championnat d’Europe.
Flashback : en 2004, la Grèce déjoue en effet tous les pronostics en remportant la compétition, contre toute attente.
L’équipe, dirigée à l’époque par l’allemand Otto Rehhagel, s’était même permis le luxe de battre les Portugais (1-0) en finale chez eux à Lisbonne, après les avoir déjà humiliés lors du match d’ouverture (2-1).
Le seul but de cette finale avait bien sûr été inscrit par l’inévitable Charistéas, littéralement transfiguré lors de la compétition, qu’il a survolée sur le front de l’attaque grec.
Lorsque celle-ci débute, le longiligne attaquant d’1m 91 est pourtant inconnu du grand public.
À l’époque, seuls les amateurs de football et surtout les spécialistes de la Bundesliga le connaissent et savent qu’il est un avant-centre honnête du Werder Brême, où il évolue depuis 2002.
Après y avoir réalisé une première saison plus que correcte (15 buts en 40 apparitions toutes compétitions confondues), le Grec connaît toutefois un exercice bien plus délicat en 2003/2004, n’inscrivant que 4 buts en championnat.
Relégué le plus souvent sur le banc, il n’est alors que le quatrième choix en attaque derrière Ailton, Ivan Klasnic et Nelson Valdez.
Il ne participe donc que très peu au doublé coupe-championnat d’un Werder inarrêtable, emmené notamment par un très grand Johan Micoud.
Malgré ce faible temps de jeu, Angelos Charistéas est tout de même sélectionné parmi les 23 Grecs qui disputeront l’Euro au Portugal.
Lors du tirage au sort, la Grèce a hérité d’un groupe A relevé avec le pays hôte portugais, l’Espagne - qu’elle avait devancée à la surprise générale lors des éliminatoires - et la Russie, jamais facile à manœuvrer.
Mais alors qu’on ne donne pas cher de leur peau, les Grecs - qui comptent dans leur rang quelques vieux briscards comme Nikopolidis, Basinas, Zagorakis ou encore Karagounis - vont créer la sensation dès le match d’ouverture en dominant les Lusitaniens (2-1), devant leur public.
Si Charistéas reste muet contre les Portugais, il ouvre son compteur lors de la deuxième rencontre en égalisant face à l’Espagne (1-1).
Lors du dernier match décisif, la victoire du Portugal sur l’Espagne (1-0) conjuguée à une meilleure différence de buts particulière permet aux Grecs de se qualifier miraculeusement aux dépens des Espagnols, et ce malgré la défaite 1-2 contre la Russie.
En quart de finale, les hommes de Rehhagel réussissent l’exploit de sortir les tenants du titre français (1-0), grâce à un nouveau but de l’inévitable Charistéas qui fusille Fabien Barthez d’un puissant coup de casque en pleine lucarne.
Qualifiés surprises pour la finale après une demie épique contre les Tchèques (1-0 a.p, b.e.a), les Grecs retrouvent le Portugal de Figo, qui peut compter sur l’une des révélations du tournoi, un certain Cristiano Ronaldo, alors âgé de 19 ans.
Et là encore, le héros providentiel se nomme Charistéas, qui crucifie tout un pays en inscrivant de la tête l’unique but du match, offrant ainsi à la Grèce son premier et à ce jour unique titre international.
Après cet été de folie, le joueur retournera pourtant cirer le banc du Werder avant d’être transféré à l’Ajax Amsterdam, au mercato d’hiver.
Malgré un ratio intéressant (12 buts en 38 matches sur deux saisons), il ne parvient pas à s’imposer chez les « Lanciers » et signe à l’été 2006 pour le rival du Feyenoord, où il se refait une santé (11 buts en 36 matches).
Transféré dans la foulée à Nuremberg en 2007, il ne s’y imposera jamais et la suite de sa carrière ressemblera davantage à un long chemin de croix, avec notamment une pige rocambolesque au club d’Arles-Avignon en 2010.
Kim Vilfort, la joie et le deuil
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Au rayon des surprises inoubliables qui ont marqué l’Euro, la performance incroyable des Danois lors de l’édition 92 trône tout en haut.
L’histoire est connue et a même fait l’objet d’un film en 2015 (« Été 92 » de Kasper Barfoed), tant le scénario s’avère improbable !
Non qualifié pour la compétition organisée cette année-là en Suède, le Danemark est pourtant repêché in extremis suite à l’exclusion de la Yougoslavie, dont le pays vient de basculer dans une guerre ethnique qui va décimer les Balkans.
Deuxièmes de leur groupe de qualification, justement derrière les Yougoslaves, les Danois se retrouvent donc propulsés dans le tournoi, sans la moindre préparation.
Rappelés d’urgence par le sélectionneur Richard Møller Nielsen, alors qu’ils étaient déjà partis en vacances, les joueurs débarquent en Suède en touristes et personne n’envisage une seconde qu’ils puissent jouer les trouble-fêtes.
Et pourtant…
Privés de leur star et maître à jouer, Michael Laudrup - qui a décliné sa sélection en raison de désaccords profonds avec Nielsen -, le Danemark va jouer de manière totalement décomplexée et survoler la compétition pour s’offrir un triomphe inespéré.
Sortis du groupe de la mort, dans lequel figuraient la France de Cantona et Papin, mais aussi l’Angleterre et la Suède, les Danois éliminent les Pays-Bas en demi-finale (2-2, 5-4 t.a.b) puis affrontent les Allemands en finale à Göteborg.
Si l’équipe doit en partie sa qualification à son avant-centre Henrik Larsen, auteur de 3 buts en 5 matches, c’est pourtant un autre joueur, encore inconnu du grand public, qui va crever l’écran en finale. Son nom : Kim Vilfort !
Milieu offensif de Brøndby, ce joueur de 29 ans, passé par Lille lors de la saison 85/86, vient d’être nommé meilleur joueur du championnat danois et traverse certainement la meilleure période de sa carrière.
Mais en cet été 92, marqué par le référendum sur le traité de Maastricht, Vilfort n’a pourtant plus la tête au football. Peu de temps avant la compétition, il a en effet appris que sa fille de 7 ans souffrait d’une leucémie.
Malgré ce drame personnel, il décide de ne pas renoncer à la compétition et fait plusieurs allers-retours, entre deux matches, pour se rendre au chevet de son enfant . Le fait que le tournoi se déroule dans la Suède voisine du Danemark a très certainement pesé dans sa décision.
Sans cette proximité, nul doute qu’il serait resté auprès des siens, au Danemark.
Après avoir joué le premier match contre les Anglais (0-0) puis le deuxième contre la Suède (0-1), Kim Vilfort décide de rentrer chez lui alors que l’état de santé de sa fille s’aggrave brutalement.
Sans lui, ses coéquipiers parviennent à écarter la France lors du troisième match de poule (2-1) et se qualifient pour la demi-finale.
De retour pour ce match contre les Pays-Bas, tenants du titre, Vilfort participe à la qualification en transformant son tir au but lors d’une séance irrespirable.
Titulaire lors de la finale, il inscrit le deuxième but des Danois à la 78e minute d’une frappe du gauche à ras-de-terre, qui heurte le montant de Bodo Illgner avant de rentrer.
Célébré par tous ses coéquipiers, qui ne savent que trop bien ce qu’il traverse, Vilfort exulte comme pour oublier ses tourments, le temps d’un match.
Hélas, l’euphorie du titre sera de courte durée pour le joueur qui aura l’immense douleur de perdre sa fille, décédée quelques semaines après la compétition.
Malgré ce deuil impossible, Kim Vilfort trouvera la force de poursuivre sa carrière jusqu’en 1998, restant fidèle à son club de Brøndby, dont il est toujours le meilleur buteur aujourd’hui avec 121 buts en 470 matches.
Son histoire continue d’émouvoir les Danois, qui le considèrent toujours, à plus d’un titre, comme un héros !