L'organisation de grands événements sportifs internationaux, comme les Jeux Olympiques ou la Coupe du monde de la Fifa, implique souvent pour les pays hôtes la mise en place de grands travaux, parfois coûteux sur le plan financier, humain ou écologique. Accueillir ce genre de grand-messe du spectacle sportif apporte donc un prestige certain aux pays organisateurs, mais les événements sont aussi souvent sources de scandales et de protestations. Surtout lorsqu'il est question de grosses sommes d'argent et de travaux considérables...
En Russie, en prévision de la Coupe du monde de football 2018, onze villes ont entrepris l'éradication totale des chiens errants, qui sont très répandus dans le pays. Objectif ? Faire le « ménage » avant l'arrivée des supporteurs et des sportifs internationaux. Comme on peut s'en douter, l'initiative, d'abord dénoncée par les centres d'accueil et les refuges pour chiens locaux, suscite aujourd'hui une levée de boucliers parmi les organisations de protection et de défense des animaux. Les méthodes « barbares » utilisées, l'inutilité de la pratique ou encore son côté immoral sont pointés du doigt.
Des chiens se chauffent à la chaleur d'un puits sanitaire / Serg Zastavkin, Shutterstock
Nadejda Sergueeva est dégoûtée. Bénévole dans un refuge pour animaux dans la ville de Volgograd (anciennement Stalingrad), elle a effectivement bien des raisons d'avoir le cœur lourd. De tout le petit groupe de chiens errants dont elle s'occupait avec la Fondation pour la défense des animaux, un seul est encore en vie. « Et cela, uniquement parce qu’il était attaché », explique-t-elle à Radio Free Europe / Radio Liberty (article traduit par Courrier International). Tous les autres animaux, qui vivaient sur un chantier et dont les bénévoles s'occupaient quotidiennement, ont tous été tués par les chasseurs de chiens.
Pourtant, l'association avait pris soin de les stériliser, de les pucer, de les vacciner et de leur mettre des colliers avec un numéro de téléphone, afin justement qu'ils puissent vivre en paix. Mais manifestement, cela n'a pas suffi : « Ils ont tous été capturés, malgré le fait qu’ils avaient des colliers. Les vigiles nous ont raconté qu’ils ont entendu des glapissements, et quand ils sont sortis les chiens étaient déjà chargés dans la camionnette. » Le jour même, malgré les protestations et les tentatives de récupérer les animaux, le refuge apprend qu'ils ont été tués.
Il faut dire que l'été prochain, Volgograd accueillera quatre matchs de la Coupe du monde de football 2018, organisée en Russie. Comme dans les 10 autres villes russes qui hébergeront les fameuses rencontres footballistiques, il faut donc se préparer à l'arrivée imminente des sportifs et de leurs supporteurs ! Et partout, il a été décidé d'éradiquer préventivement tous les animaux errants, comme les chiens mais aussi les chats.
En Russie, les chiens errants sont extrêmement répandus — à tel point qu'ils sont devenus des éléments totalement intégrés au décor urbain, et que certains ont même réussi à maîtriser le système de métro de Moscou pour se rendre d'un point A à un point B. Le souci, c'est que cela fait « sale » : officiellement, les autorités craignent qu'un spectateur ou qu'un joueur ne se fasse mordre, et ne porte plainte contre la Fifa. Officieusement, cela représente aussi un formidable marché : rien qu'à Volgograd, en 2017, 12 millions de roubles [170 000euros] ont été alloués au problème des animaux errants. L'appel d'offres a été remporté par une fourrière, dirigée par Konstantin Epifanov.
La méthode d'éradication, déjà testée et éprouvée lors des jeux de Sotchi, consiste à offrir des primes à des « chasseurs de chiens » pour chaque cadavre d'animal tué rapporté. Ainsi, les tueurs récoltent entre 6 et 9 mille roubles par cadavre [entre 85 et 130 euros]. Ils opèrent grâce à des sarbacanes empoisonnées, tirant des flèches à la ditiline qui provoque une mort lente, par suffocation, dans d’atroces souffrances.
Mais les associations estiment que le budget alloué a ces tueries pourrait être utilisé pour recueillir les animaux : en effet, les sommes faramineuses déployées pour éradiquer les chiens pourraient servir à les stériliser, à les vacciner et à les héberger. AInsi, certains camps de base du championnat auront dépensé plus de 100 millions de roubles [1,4 million d’euros] .
Pourquoi dépenser de telles sommes pour tuer les chiens plutôt que de les recueillir ? Andreï Timeskof, journaliste et président de la Fondation de protection animale Dobry Mir, a sa petite idée : les municipalités confient ces appels à projet aux intérêts des lobbies des « chasseurs de chiens ». Ces derniers seraient prêts à tout pour « faire du chiffre » et toucher les primes, y compris à s'en prendre aux chiens domestiques. Comme le rapporte Courrier International, Andreï Timeskof a reçu de nombreuses menaces de mort et un groupe de chasseurs de chiens a fait sauter sa boîte à lettres au début du mois.
Une pétition, publiée sur Change.org, appelle à la fin du massacre des animaux des rues en Russie. Elle a d’ores et déjà réuni plus de 88 500 signatures.