L'incroyable histoire malheureusement méconnue de Gino Bartali, le champion de cyclisme qui a aidé des Juifs à échapper aux Nazis

Le nom de Gino Bartali ne vous dit peut-être rien, et pourtant, ce cycliste des années trente et quarante est un véritable héros. En plus d’une carrière couronnée de performances et de médailles, ce grand champion cache une histoire personnelle longtemps restée secrète, et qui lors de sa révélation, a fait de lui l’un des hommes les plus respectés de sa génération. Zoom sur un destin absolument hors-norme.

Crédit photo : curiositasufirenze

Né à Florence en 1914, Gino Bartali est passé en quelques années de simple mécano à l’un des coureurs le plus estimés de l’histoire du cyclisme. Il faut dire qu’entre 1936 et 1948, le sportif a raflé de nombreux titres importants, dont le Giro (en 1936, 1937 et 1946), mais également le Tour de France (en 1938 et 1948). Malheureusement pour le sportif italien, son incroyable élan de victoires et sa progression seront stoppés net par la Seconde Guerre mondiale. Et pourtant, aussi fou que cela puisse paraître, c’est lors de ce conflit qu’il va jouer le rôle le plus précieux et le plus fort de sa vie. Celui qui va marquer son existence, et faire en sorte qu’on se rappelle encore de lui aujourd’hui.

À l’époque, pour celles et ceux qui suivaient le cyclisme et qui connaissaient le personnage, il était de notoriété publique que Gino Bartali n’était pas favorable au fascisme, une position particulièrement assumée et courageuse. En 1938, alors qu’il remporte le Tour de France, il refuse notamment de dédier sa victoire à Benito Mussolini. À la place, il décide d’insulter le fondateur du mouvement fasciste, qui accessoirement, porte aussi la casquette de président du Conseil d’Italie. Une attitude et une personnalité de résistant qui va taper dans l’œil du Cardinal de Florence, sa ville natale.

Ce dernier, l’archevêque Elia Dalla Costa, sent en lui un homme capable de faire de grandes choses. C’est pourquoi il se rapproche de Gino Bartali avec un projet en tête : lui proposer d’intégrer un réseau secret dont le but est d’offrir un chemin de fuite aux Juifs et aux autres personnes directement visés par l’Allemagne nazie. Sans hésiter une seule seconde, désireux d’aider, l’ancien champion accepte de se lancer dans ce qui s’apprête à être le plus grand défi de sa vie.

Pour lui, le groupe de résistance invente même un rôle unique : celui d’un coureur cycliste qui prétend s’entraîner. Un alibi qui permet d’expliquer les grandes distances qu’il couvre, mais également la fréquence à laquelle il les parcourt. Eh oui, pour réussir une grande carrière, il doit repousser ses limites et progresser ! C’est en tout cas ce qu’il fait croire à tous ceux qu’il croise sur sa route. Rappelons qu’à l’époque, la médiatisation du sport n’a rien à voir avec celle que l’on connaît en 2017, et que les visages des athlètes ne sont donc pas forcément connus de tous. En réalité, pendant ses voyages, Gino Bartali a comme mission de transporter des photographies, des documents d’identité contrefaits ou encore de mener les journaux qui organisent la résistance vers des imprimeries clandestines.

Crédit photo : welovecycling

Seulement voilà, à force d’allers-retours, le cycliste fait naître des soupçons chez les autorités gouvernementales italiennes. Pire encore, il se fait arrêter à plusieurs reprises. À chaque fois, il s’assure de coopérer dans les meilleures conditions en donnant l’impression de faire le maximum pour aider les policiers. Sa seule requête, qu’on ne touche pas à son vélo, « parfaitement réglé pour atteindre la meilleure vitesse possible ». Personne ne le sait, mais cet argument lui sert surtout à protéger les documents secrets cachés dans le cadre et dans le guidon de sa bicyclette.

Malgré quelques avertissements sans frais, Gino Bartali souhaite aller encore plus loin dans son investissement au sein du réseau. Il va alors prendre des risques inconsidérés qui témoignent clairement de son envie et de sa détermination. Après avoir fait passer des papiers et des photos, le champion au grand cœur décide donc d’accélérer la cadence. Il a alors l’idée d’accrocher une caravane derrière son vélo. Officiellement, il pourra transporter plus de choses, mais officieusement, un compartiment caché va lui permettre de dissimuler des gens recherchés. Grâce à sa technique, Gino Bartali se faufile entre les checkpoints comme si de rien n’était. Très actif, il ira même jusqu’à cacher une famille de juifs dans sa cave, les Goldenberg. Il s’en sort, mais reste toujours sur le fil du rasoir. Une erreur, et c’est la fin.

Selon les estimations des historiens et des spécialistes qui se sont intéressés à cette période, son travail sans relâche a permis de sauver des centaines de personnes des mains des Nazis, et donc d’une mort certaine. En se mettant lui-même en danger, il a donné l’exemple au monde entier. Sauf que, jusqu’à récemment, son histoire était inconnue du grand public. Un détail pas vraiment surprenant si l’on prend en compte le fait que Gino Bartali a même hésité à en parler à son fils Andrea. Et dès que ce fut le cas, il lui a immédiatement demandé de ne partager son secret avec personne d’autre.

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« Quand j’ai demandé à mon père pourquoi je ne pouvais pas le dire, il m’a dit : ‘Tu dois faire des choses bien, mais tu ne dois pas en parler. Si tu en parles, c’est que tu cherches à prendre le dessus sur les autres pour ta propre gloire.’» a confié Andrea lors d’une interview accordée à nos confrères britanniques du Guardian. Et lorsqu’il a souhaité faire comprendre à son père que ses actes étaient héroïques, ce dernier aurait répondu sans attendre : « Non, non, je veux qu’on se souvienne de moi pour mes performances sportives. Les vrais héros ce sont les autres, ceux qui souffrent dans leurs âmes, dans leurs cœurs, dans leurs esprits, pour ceux qu’ils aiment. Voilà qui sont les vrais héros. Je ne suis qu’un cycliste. »

Décédé le 5 mai 2000 à Ponte a Ema, la même ville qui l’a vu naître, tout près de Florence en Toscane, Gino Bartali restera comme l’un des héros de l’Histoire. Un grand monsieur, bravo à lui pour sa lutte incroyable et son envie incommensurable de tendre la main aux autres !

Crédit photo : squarespace

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Source : We Love Cycling
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