Raymond Poulidor, coureur cycliste et chouchou des Français, est mort à l'âge de 83 ans

L’ancien coureur cycliste Raymond Poulidor est décédé à l’âge de 83 ans, a-t-on appris auprès de sa famille.

Chouchou des Français, malgré son statut d’« éternel second » - d'abord derrière son rival Jacques Anquetil, puis dans l'ombre du cannibale belge Eddy Merckx - l’histoire se souvient de lui comme un perdant magnifique en raison de ses 3 deuxièmes places sur le Tour de France, dont il détient par ailleurs le record de podium (huit).

Crédit photo : René Milanese

Pourtant, Raymond Poulidor était l'un des cyclistes les plus talentueux de sa génération. Coureur complet, il fut professionnel de 1960 à 1977 pour l'équipe Mercier à laquelle il restera fidèle tout au long de sa carrière.

Champion de France en 1961 et vainqueur du Tour d'Espagne en 1964 (ses deux plus grandes victoires), il a également brillé sur les classiques avec, en point d'orgue, deux succès prestigieux sur Milan-San Remo (1961), puis la Flèche Wallonne (1963).

Signe de son incroyable régularité, il est l'un des très rares coureurs à avoir été 10 fois sur le podium d'un grand tour.

Un coureur surdoué

Né le 15 avril 1936 dans la Creuse au sein d'une famille de métayers, il s'installe à l'adolescence dans la Haute-Vienne où il va découvrir le cyclisme à l'âge de 16 ans. Surdoué, il obtient une première victoire en amateur en tant que régional de l'étape, lors du Grand Prix de Quasimodo disputé à Saint-Léonard-de-Noblat, en mars 1954, un mois avant son dix-huitième anniversaire.

Devenu en peu de temps le meilleur coureur régional, il est très vite repéré puis invité à participer au Bol d'or des Monédières à Chaumeil, au mois d'août 1956, une course où il va partager la vedette avec des cyclistes professionnels comme le grimpeur Raphaël Géminiani et surtout Louison Bobet, triple vainqueur du Tour de France en 1953, 1954 et 1955. Impressionnant tout au long de l'épreuve, il termine finalement à la sixième place, après avoir longtemps fait la course en tête.

Peu de temps après ce coup d'éclat, l'idée d'embrasser une carrière professionnelle fait peu à peu son chemin dans son esprit suite à une nouvelle place d'honneur, qui lui rapporte cette fois une importante somme d'argent.

C'est au retour de son service militaire - effectué en Allemagne puis en Algérie - en décembre 1958 que sa vie va basculer. Vainqueur d'une course au printemps 1959 devant un cycliste professionnel, il prend ensuite une très belle deuxième place en août à l'occasion du Grand Prix de Peyrat-le-Château. Sa performance va alors impressionner Bernard Gauthier, coureur pro pour la célèbre équipe française Mercier, qui convainc son directeur sportif d'embaucher Poulidor. Sa carrière est lancée !

Crédit : Wikimedia Commons

Éternel second mais toujours premier dans le cœur des Français

Après avoir remporté 24 courses chez les amateurs entre 1954 et 1959, il passe donc professionnel en 1960. Champion de France et vainqueur de Milan-San Remo dès 1961, il termine troisième de son premier Tour de France en 1962, s'imposant très vite comme l'un des coureurs les plus importants du peloton et l'un des plus appréciés du public. 

Sa rivalité avec Jacques Anquetil va ainsi rythmer la première partie des années 60 et connaîtra son paroxysme lors du Tour de France 64, dans une lutte acharnée sur les pentes abruptes et volcaniques du Puy de Dôme. Nous sommes alors le 12 juillet et les deux coureurs vont se livrer un duel épique, immortalisé par ce cliché iconique sur lequel ils sont au coude à coude dans la montée finale.

À 900m de l'arrivée, Raymond Poulidor attaque et distance Anquetil, alors leader du classement général, pour aller prendre la troisième place de l'étape derrière les Espagnols Julio Jiménez et Federico Bahamontes. Hélas, il ne parviendra pas à refaire son retard et échouera à seulement 14 secondes du maillot jaune, que son rival gardera jusqu'à Paris, triomphant une cinquième fois sur la Grande boucle.

Maudit, il ne portera d'ailleurs jamais la fameuse tunique couleur or, comme si celle-ci se refusait à lui. Deuxième du Tour en 1964, en 1965 puis en 1974 - année où il subira la loi d'Eddy Merckx -, il parviendra à se hisser huit fois sur le podium de la prestigieuse épreuve (un record), sans jamais la remporter. Une malédiction symbolisée par sa terrible chute le 14 juillet 1968, lorsqu'une moto de l'organisation le fauche involontairement, le privant sans doute d'une victoire finale qui lui tendait pourtant les bras. Son « pire souvenir » comme il l'avouera 50 ans plus tard.

C'est ce statut d’« éternel second » sur la Grande boucle qui va paradoxalement contribuer à son immense popularité, illustrée par cet amour indéfectible du public, lequel n'aura de cesse de s'identifier à ce champion plein de panache, mais jamais récompensé. Son nom sera même associé à jamais à tous les sportifs échouant à la deuxième place.

Et pourtant, contrairement à l'idée reçue, celui que l'on surnommait affectueusement « Poupou » était loin d'être ce perdant magnifique qu'il est devenu dans l'inconscient collectif. 

Vainqueur de 189 courses dans sa carrière, il a notamment remporté le Tour d'Espagne en 1964, le championnat de France sur route (1961), Milan-San Remo (1961), la Flèche Wallonne (1963), mais aussi le Critérium du Dauphiné libéré, qu’il gagnera à deux reprises en 1966 et 1969, sans oublier Paris-Nice où il réalisera le doublé en 1972 et 1973. Il sera également vice-champion du monde en 1974 et remportera en tout 11 étapes sur les grands tours (7 sur la Grande boucle et 4 sur la Vuelta).

Poulidor - Bernard C - Flickr

Retraité depuis décembre 1977, il n'avait jamais vraiment quitté le monde du cyclisme, faisant de fréquentes apparitions sur le Tour et d'autres épreuves internationales.

Marié avec Gisèle Bardet depuis 1961, il avait deux filles dont l'une, Corinne, épousera l'ancien cycliste néerlandais Adrie van der Poel. De cette union naîtra deux fils, tous deux coureurs professionnnels de nationalité néerlandaise : David van der Poel (né en 1992) et Mathieu van der Poel (né en 1995). Considéré comme un grand espoir du vélo, ce dernier s'est déjà illustré au plus haut niveau en gagnant notamment l'Amstel Gold Race 2019 et le championnat des Pays-Bas en 2018. Il est également l'un des meilleurs coureurs de cyclo-cross de la planète, une discipline dont il est triple champion du monde en titre (2017, 2018 et 2019).

Hospitalisé depuis fin septembre 2019 après avoir subi deux ponctions en août, Raymond Poulidor est décédé ce mercredi à l'âge de 83 ans à Saint-Léonard-de-Noblat, où il résidait depuis des années.


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Au sujet de l'auteur :

Évoluant dans la presse web depuis l’époque où celle-ci n’en était encore qu’à ses balbutiements, Mathieu est un journaliste autodidacte et l’un de nos principaux rédacteurs. Naviguant entre les news généralistes et les contenus plus décalés, sa plume s’efforce d’innover dans la forme sans jamais sacrifier le fond. Au-delà de l’actualité, son travail s’intéresse autant à l’histoire qu’aux questions environnementales et témoigne d’une certaine sensibilité à la cause animale.