La société baleinière islandaise « Hvalur hf » a été prise en flagrant délit par l'association Sea Shepherd en train de tuer une baleine bleue, espèce menacée et interdite de pêche. La compagnie assure, quant à elle, qu'il s'agit d'un autre type de rorqual.
Assurer la préservation de la faune est une activité à temps plein. L'organisation vouée à la protection des océans et de la biodiversité, Sea Shepherd, en sait quelque chose. Les bénévoles de cette association internationale qui surveillent la station baleinière « Hvalur hf », à Hvalfordur, en Islande, ont pu documenter l'abattage d'une baleine bleue dans la nuit du 7 juillet. Aucun de ces cétacés n’avait été délibérément harponné depuis une cinquantaine d'années.
Ce mammifère marin - le plus grand qui soit - menacé et classé en danger critique d'extinction par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) est pourtant interdit de pêche. Alors, comme bien souvent, Sea Shepherd a décidé d'alerter l'opinion publique sur ces faits tragiques, avec un long message posté sur Facebook le 11 juillet. « L'homme a déjà fait disparaître 99 % des baleines bleues et c'est une espèce strictement protégée désormais », rappelle-t-elle. En un siècle, les baleines bleues sont passées de 250 000 à 5 000 individus.
Après quelques photos prises avec l'animal mort, l'ordre a été donné aux employés de « dépecer la baleine, comme s'il s'agissait d'un autre rorqual commun, regrette l'association. La viande, la peau, les os et la graisse étant désormais mélangés avec ceux des autres rorquals communs chassés précédemment, il sera extrêmement difficile, voire impossible de l'identifier lors d'éventuelles inspections par les autorités ».
Il s'agit là de la 22e baleine tuée et dépecée par la société baleinière islandaise « Hvalur hf », dirigée par Kristján Loftsson, depuis le 20 juin. Les 21 précédents étaient des rorquals dits « communs », une espèce elle aussi menacée, mais pour laquelle le gouvernement du pays accorde à la compagnie un permis de pêche, faisant fi du moratoire international sur la chasse commerciale de la Commission baleinière internationale (CBI), signé en 1986, qui rend illégale l'abattage de rorquals bleus.
« Toutes les caractéristiques d'une baleine bleue sont présentes »
Les experts l'assurent : il s'agit bel et bien d'une baleine bleue. À partir des photos et vidéos prises par l'équipe sur le terrain, « l'examen des facteurs d'identifications des espèces » - comme la couleur de la peau ou la forme des nageoires - a été possible. « Toutes les caractéristiques d'une baleine bleue sont présentes ; cela implique - notamment le motif de coloration - qu'il n'y a quasiment aucune chance qu'un observateur expérimenté ait pu confondre en mer cette espèce avec une autre », assure le Dr Phillip Clapham, du Centre scientifique des pêcheries d'Alaska.
Le fondateur de Sea Shepherd, Paul Watson, a passé plus d'un demi-siècle à protéger les mammifères marins. Après avoir vu les photos et vidéos prises par ses équipes en Islande, il a affirmé : « Je sais reconnaître une baleine bleue lorsque j'en vois une et cette baleine massacrée par Kristján Loftsson est bien une baleine bleue ».
De son côté, la compagnie mise en cause soutient que ce n’est pas le cas. « Je suis absolument convaincu que c’est un hybride », a déclaré à la BBC le gérant de « Hvalur hf ». « Il est impossible de confondre un rorqual bleu avec un rorqual commun, mais cette baleine a toutes les caractéristiques d’un rorqual commun », a-t-il poursuivi. Des analyses plus poussées méritent donc d'être effectuées pour lever le doute.
28 juin. Le Hvalur 9, baleinier islandais, charge ses harpons pour chasser la deuxième plus grande baleine du monde, protégées et classées en danger d'extinction par l'IUCN... #Iceland #Stopwhaling pic.twitter.com/uXGyXwKICp
— Sea Shepherd France (@SeaShepherdFran) 29 juin 2018
Cette bataille est loin d'être la seule menée par les défenseurs de l'écosystème marins. Fin mai dernier, 333 baleines de Minke, dont 122 femelles en gestation, étaient tuées lors de la dernière chasse annuelle « à visée scientifique » menée par des navires japonais dans l'Océan Antarctique. Si la pratique est prohibée depuis 1986, le Japon continue de massacrer des centaines de cétacés dans un soi-disant cadre de recherche, la pêche à but scientifique étant quant à elle autorisée. Les Japonais pourraient d'ailleurs reprendre prochainement la pêche à la baleine à visée commerciale en toute légalité, c’est du moins ce qu’ils comptent demander au cours d'une réunion de la Commission baleinière internationale.
Les « héros des mers » s'insurgent également depuis des années contre la tradition funeste du « Grindadráp », une mise à mort collective de cétacés qui a eu lieu annuellement sur les Îles Féroé, dans l'Atlantique Nord, Cette chasse très ancrée dans la culture de l'archipel danois tue chaque année des centaines de globicéphale noir, une espèce de dauphins.
Heureusement, de rares victoires montrent que ces combats ne sont pas poursuivis en vain et donnent espoir. C'est le cas de l'arrestation récente au Pérou du « Damanzaihao », le plus grand navire usine du monde, coupable de pêche illégale et de pollution volontaire.