Alors que tout le monde encense actuellement Mamoudou Gassama, le Malien sans-papiers qui a été naturalisé français et qui sera décoré ce lundi par la mairie de Paris après son acte d'héroïsme, un autre héros semble, lui, avoir été quelque peu oublié. Aymen, un Tunisien sans-papiers arrivé en France en 2013, avait, il y a deux ans, bravé les flammes pour venir en aide à deux enfants prisonniers d’un appartement qui partait en fumée. Cet acte de bravoure lui avait valu d’être médaillé par la mairie de Fosses, dans le Val-d’Oise. Aujourd’hui âgé de 25 ans, c’est un tout autre son de cloche qu’entend Aymen, puisqu’il est menacé d’expulsion du territoire français.
Capture d'écran RMC
Faut-il être obligatoirement filmé aujourd’hui pour être perçu comme un héros aux yeux de tous ? Le courage et la vaillance doivent-ils être nécessairement vus de tous pour être reconnus ? Avons-nous la mémoire courte concernant les héros du quotidien ? Toutes ces questions méritent d’être posées à l’heure où le monde entier a pu contempler les images de Mamoudou Gassama, Malien sans-papiers de 22 ans escaladant un bâtiment pour sauver un enfant suspendu à un balcon, ce qui lui a valu le respect et l’admiration du plus grand nombre. Comment en effet rester de marbre face à tant de dévouement aux autres, au point de mettre sa vie en jeu ?
L’histoire de Mamoudou Gassama n’est pas sans rappeler celle d’un autre héros, également sans-papiers. Le Tunisien Aymen, 25 ans, qui, en avril 2015, alors qu’il sortait d’un café de Fosses, a entendu crier à l’aide, alors qu’une épaisse fumée noire se propageait peu à peu dans la rue. N’écoutant que son instinct, il a, en compagnie de son cousin, cassé la porte d’une maison en proie aux flammes pour en extirper deux enfants de quatre ans et 19 mois. Ceci lui a valu les louanges de tous ceux qui ont eu vent de l’histoire, et même une médaille décernée par la mairie en signe de reconnaissance de sa bravoure. Une médaille venant s’ajouter à la promesse d’une régularisation de sa situation.
Quelle ne fut pas sa (mauvaise) surprise en recevant un courrier le notifiant d’une expulsion prochaine, après quatre années passées en France, quatre années auréolées d’un acte exceptionnel qui, faute d’avoir été filmé, ne fut que relativement peu médiatisé… Si le maire de Fosses plaide en sa faveur, rappelant ce qu’a fait ce jeune diplômé en informatique, sa situation actuelle est plus que compliquée. L’avocate d’Aymen, Philippine Parastatis, contestant la décision de la préfecture d’expulser ce héros, qui a semble-t-il été oublié par certains, a ainsi déclaré au Parisien :
« Faut-il considérer que sauver un bébé en escaladant un immeuble est plus héroïque que braver les flammes pour sauver deux enfants ? Quelle malchance de ne pas avoir été filmé ».
Sans doute le sort d’Aymen aurait été différent s’il eut été filmé, si les images avaient fait le tour du web. Sans doute tous se seraient souvenus de lui. Sans doute tous se seraient battus pour lui. Sans doute personne n’aurait ne serait-ce que songé à son expulsion. Mais l’héroïsme du quotidien échappe souvent aux yeux de nos smartphones. Pour autant, il a existé, existe, et existera toujours. Jamais nous ne devons oublier que tous les héros ne sont pas nécessairement filmés, et donc ne pas nier les sauveurs que nous n’avons pour autant pas vus, ceux qui risquent leur vie, les regards braqués sur eux ou non. Mamoudou Gassama aurait-il été ainsi célébré s’il n’avait pas été filmé ? N’aurait-il pas connu un sort similaire à celui d’Aymen ? Nous ne devons jamais oublier Aymen, Mamoudou Gassama, et tous ceux qui rendent notre quotidien meilleur par leurs actes valeureux, qu’ils soient filmés ou non.
« J’ai pas envie de quitter la France. J’ai envie de construire une famille, une vie… comme tout le monde »
Des mots prononcés par Aymen à RMC que l’on ne peut qu’espérer voir se concrétiser.