Belgique : des professeurs de français militent contre les règles d'accord « obsolètes » du participe passé

En Wallonie, deux anciens professeurs de français militent pour un usage simplifié de l'accord du participe passé avec l'auxiliaire « avoir » dans une tribune publiée par Libération. Soutenus par diverses institutions belges, ils jugent ces règles grammaticales « obsolètes et compliquées jusqu'à l'absurde ».

Crédits : Howard Sandler /Shutterstock

La fameuse règle de l'accord du participe passé avec l'auxiliaire « avoir » a été un véritable casse-tête pour des générations d'élèves qui ont appris la langue française. Elle stipule que le participe passé, lorsqu'il est employé avec « avoir », s’accorde en genre et en nombre avec le complément d’objet direct (COD) uniquement quand celui-ci le précède. Si le complément d'objet direct est placé après ou s'il n'existe pas, le participe passé conjugué avec « avoir » reste invariable. Par exemple : « Les plats que j'ai préparés » et « J'ai préparé ces plats ».

Seulement, toutes ces subtilités demeurent incomprises et inexplicables pour la plupart. Même le Bescherelle, livre de référence en grammaire, décrit cette règle comme « l'une des plus artificielles de la langue française ».

Constatant ces difficultés redondantes, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, deux anciens professeurs de français en Wallonie (région francophone de Belgique), font part de leur projet mûrement réfléchi dans une tribune pour le journal Libération parue le 3 septembre. Ils proposent « d’instaurer l’invariabilité du participe passé avec l’auxiliaire avoir », avec l'appui du conseil de la langue française de Wallonie-Bruxelles et de ses instances linguistiques.

« À l’école les enfants se demandent : pourquoi avant et pas après ? Souvent, les enseignants savent expliquer comment on accorde, mais pas pourquoi. L’incohérence des règles traditionnelles les empêche de donner du sens à leur enseignement », soutiennent-ils, avant de formuler cette nouvelle règle sur laquelle s'appuyer : « le participe passé, avec l’auxiliaire être, s’accorde comme un adjectif (c’est-à-dire avec le mot auquel il se rapporte). Avec l’auxiliaire avoir, il ne s’accorde pas. », comme on peut également le voir sur le site dédié à cette proposition. On écrirait ainsi « Les articles que j'ai écrit » et non plus « Les articles que j'ai écrits ».

Capture d'écran Participepasse.info

« Il ne s’agit pas de tout changer, de déstabiliser tout le système ou de supprimer ce qui est porteur de sens dans notre orthographe, mais de maintenir une norme unique, renforcée dans sa cohérence », insistent toutefois les auteurs, qui veulent avant tout moderniser des règles d'accord « obsolètes et compliquées jusqu’à l’absurde ».

« La coupe du monde qu'ils ont perdu »

Certains s'opposent déjà fermement à l'idée émise par les deux enseignants. C'est le cas de l'historien de la langue française Bernard Fripiat, qui s'est dit « contre à 100 % » et a qualifié cette mesure de « ridicule », ce mardi matin sur Europe 1. « Ce n'est pas la grammaire qu'il faut simplifier, ce sont les explications, affirme-t-il. Si on l'explique de manière simple, ça marche tout seul ».

Le chroniqueur Éric Naulleau a de son côté posté un tweet amer. « Pourquoi ne pas supprimer aussi la règle du hors-jeu au football, trop complexe ?, a-t-il posé ironiquement. L'idéal serait l'orthographe phonétique pour les écoliers et le jeu avec les mains pour les footballeurs ».

La journaliste et humoriste belge Charline Vanhoenacker a elle aussi réagi sur le réseau social avec un message sous forme de petite pique à ses compatriotes Belges. « La coupe du monde qu'ils ont perdu », a-t-elle écrit avec la nouvelle orthographe proposée, en référence à la défaite de la Belgique lors de la Coupe du monde de football.

Source : Libération
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