La chasse à la tourterelle des bois et au courlis cendré pourrait bientôt être autorisée par le gouvernement, alors que les deux espèces sont pourtant menacées.
Les associations de défense des animaux n’en reviennent toujours pas ! Deux projets d’arrêtés, proposés par le ministère de l’Environnement, pourraient déboucher sur une possible autorisation de la chasse pour deux espèces d’oiseaux considérées comme menacées et vulnérables : la tourterelle des bois et le courlis cendré.
Tourterelle des bois. Crédit photo : Rudmer Zwerver / Shutterstock
La France est le seul pays d'Europe à autoriser la chasse au courlis cendré
En ce qui concerne la première, l’arrêté propose en effet un quota de 30 000 « prélèvements » - comprenez abattages (appelons un chat un chat) – pour la saison 2019/2020.
Un chiffre colossal et totalement dénué de sens au regard des recommandations de l’UICN (Union pour la conservation de la nature) mais aussi et surtout du Comité d’experts sur la « gestion adaptative », chargé d’établir les quotas qui garantissent la survie des populations d’animaux sauvages, évitant ainsi leur disparition.
Le 13 mai dernier, l’organisme s’était en effet prononcé en faveur de deux options, basées sur un scénario d’abord optimiste, puis sur un autre plus pessimiste. Le premier reposait sur un quota temporairement abaissé à zéro. Quant au second, il préconisait un prélèvement maximal à hauteur de 18 300 tourterelles.
Le gouvernement a donc sciemment ignoré les recommandations du Comité alors que ce dernier avait été nommé par le... ministère de la Transition écologique, en janvier 2019.
Il faut savoir que la population de tourterelles des bois a connu un fort déclin ces dernières années en raison des nombreux abattages. 90 000 ont ainsi été chassés l’an dernier. C’est pourquoi les défenseurs de la cause animale préconisent une interdiction pure et simple de la chasse.
Pointés du doigt, les chasseurs mettent pourtant en avant le fait que le quota annoncé s’avère très inférieur (60 000 en moins) au nombre d’oiseaux chassés en 2018. Ce qui est vrai, dans les faits! D’autre part Willy Shraen (Président de la Fédération nationale des chasseurs) a coutume de rappeler que « tout le monde tire sur ces oiseaux » en Europe. Après tout, si tout le monde le fait…
Un argument que démonte en pièce l’ornithologue Maxime Zucca en établissant un autre parallèle. « Concernant la tourterelle des bois, les chasseurs se plaisent à dire qu’elle est moins chassée en France que chez nos voisins. Mais pour le courlis cendré, ils n’en rappellent pas souvent que la France est le seul pays d’Europe à en autoriser encore la chasse », déplore celui qui est également écologue pour l’agence régionale de la biodiversité en Île-de-France.
Le Conseil National de la chasse et de la faune sauvage est « la pire blague démocratique »
Il faut dire que la situation du courlis cendré n’est guère plus reluisante. Si sa population à l’échelle continentale est estimée à 500 000 oiseaux, l’espèce est pourtant considérée comme « quasi-menacée » depuis 2007.
Un plan d’action international a même été mis en place afin de faire passer son statut dans la catégorie « préoccupation mineure » d’ici 2025. Ce plan a eu pour conséquence de mettre en place chaque année des moratoires interdisant sa chasse sur le territoire français.
Courlis cendré. Crédit photo : Andrew M. Allport / Shutterstock
Or, si ces moratoires étaient renouvelés chaque année jusqu’à présent, ils ne couvraient pas le domaine maritime, où se concentre l’essentiel de la population des courlis cendrés. Résultat, malgré l’interdiction, 7 000 individus étaient chassés chaque année.
S’appuyant sur les conclusions du comité d’experts sur la gestion adaptative, qui n’a cette fois pas été en mesure d'évaluer l’impact de la chasse sur la population des courlis cendré, le gouvernement s’est donc engouffré dans la brèche en proposant un quota de prélèvement à hauteur de 6 000 oiseaux, uniquement sur la terre ferme. Si l’on additionne ces derniers à ceux chassés en zone maritime, le chiffre pourrait bien évidemment s'avérer plus lourd.
Pour justifier ces deux propositions, le gouvernement a tenu à rappeler qu’elles avaient obtenu l’aval du Conseil National de la chasse et de la faune sauvage, un organe consultatif qui rassemble des représentants de chasseurs, mais aussi des acteurs scientifiques et associatifs.
Un comité dont certains vantent la neutralité. Or, comme le rappelle Maxime Zucca, « une majorité écrasante de chasseurs, piégeurs, agriculteurs » et autres « forestiers favorables à la chasse » y siègent. « Il n’y a que 4 défenseurs de la biodiversité pour une trentaine de membres. Il est impossible de rendre une décision défavorable à la chasse dans ce conseil », poursuit-il.
Et l’intéressé de fustiger ce qu’il considère comme « la pire blague démocratique », dans la mesure où « la composition du Conseil est complètement déséquilibrée ».
Pour la neutralité, effectivement, on repassera.
Les deux projets d’arrêtés étaient soumis à une consultation publique qui prendra fin ce jeudi. Le verdict n’est donc pas encore connu mais Maxime Zucca ne se fait pas d’illusion. Selon lui,« le gouvernement fera ce qu’il voudra, de toute façon ».