L’ancien pilote autrichien de Formule 1 Niki Lauda est décédé ce mardi à l’âge de 70 ans. Portrait d’un homme au destin pas banal !
Tout a été dit ou presque sur Niki Lauda ! Homme caractériel, pilote tantôt adulé, tantôt décrié, mais aussi et surtout miraculé, revenu d’entre les morts pour de nouveau asseoir sa domination, après un terrible accident qui le laissera défiguré à jamais, en 1976.
Pilote méticuleux à défaut d’être flamboyant sur la piste, il compensait ses lacunes techniques par une science du réglage hors du commun, ce qui lui a valu le surnom de « L’ordinateur ».
Crédit photo : ZRyzner / Shutterstock
Les plus jeunes ignorent sans doute le champion qu’il fut. Qu’importe, le panthéon du sport mécanique saura, lui, reconnaître l’un de ses plus grands représentants et lui accorder ainsi la place qu’il mérite tant.
Car bien avant le confort et la sécurité dont jouissent les icônes d’aujourd’hui - que sont Lewis Hamilton ou encore Sebastian Vettel -, il fut un temps où la course automobile ressemblait davantage à un dangereux rodéo, donnant aux pilotes des allures de pionniers qui risquaient leur vie à chaque grand prix.
Niki Lauda était de cette trempe ! Né à Vienne le 22 février 1949 dans une famille de la haute bourgeoisie autrichienne, il se passionne très vite pour le sport automobile. Une vocation que ses parents voient d’un très mauvais œil et qui le poussera petit à petit à couper les ponts avec ces derniers.
Des débuts laborieux
Souhaitant devenir pilote professionnel, il connaîtra d’abord plusieurs années de galère, vivant de petits boulots, tout en obtenant de nombreux prêts auprès des banques, en profitant de ses relations et du prestige de son nom, pour financer sa passion.
C’est en 1971, à l’âge de 21 ans qu’il débute en Formule 1 à l’occasion du Grand prix… d’Autriche, en obtenant un volant chez March, une écurie britannique de seconde zone, non sans avoir déboursé une importante somme d’argent.
Régional de l’étape, il est contraint à l’abandon dès le 20ème tour de course mais qu’importe, il vient d’entrer dans le petit monde de la F1 et ne compte plus en sortir.
Dès l’année suivante, il parvient - au prix d’investissements financiers toujours plus onéreux - à disputer l’intégralité de la saison, toujours sur March, mais n’inscrit pas le moindre point. Le plus souvent abonné aux dernières places, il ne convainc pas les observateurs.
Malgré ses mauvais résultats, il rejoint tout de même l’écurie BRM racing en 1973 pour un exercice une nouvelle fois décevant (seulement 2 points marqués). Décrié et dans l’incapacité de rembourser les créanciers qui lui permettent de participer au championnat du monde, il est à deux doigts de tout laisser tomber lorsqu’il va, contre toute attente, bénéficier d’un coup de pouce du destin.
Niki Lauda en 1974. Crédit photo : Gilphoto / Shutterstock
La consécration chez Ferrari
C’est au cours de cette saison 1973 sans relief, qu’il va en effet connaître son heure de gloire lors du Grand prix de Monaco. Virevoltant sur le mythique tracé monégasque, il impressionne en dépit du manque de compétitivité de sa monoplace.
Pointant au troisième rang après 20 tours de course, il est finalement contraint à l’abandon mais son coup d’éclat a marqué les esprits. Quelques semaines plus tard, au Canada, il réitère sa bonne performance, se montrant même le plus rapide en course et démontre enfin qu’il est un pilote sur lequel il faudra compter à l’avenir.
La récompense ne tarde pas à arriver et il se voit confier un volant au sein de la mythique scuderia Ferrari, dès 1974. Pour la première fois de sa carrière, il est rémunéré pour piloter. Ses soucis d’argent vont alors s’éloigner aussi vite que ne file sa Formule 1 ornée du célèbre cheval cabré.
Pour la petite histoire, la légende prétend que c’est devant son téléviseur, en le voyant manœuvrer sur le circuit sinueux de Monte-Carlo, que le Commandatore Enzo Ferrari est tombé sous le charme de l’Autrichien.
Après une année de rodage, lors de laquelle il remporte ses 2 premiers succès en Grand prix, finissant à une très honorable 4e place au classement des pilotes, il décroche enfin le graal l’année suivante en devenant champion du monde à 26 ans.
Dominant la saison de la tête et des épaules, avec 5 victoires et 9 pôles positions en 15 courses, il relègue la concurrence très loin derrière. Son dauphin, Emerson Fitipaldi accusant même un retard de près de 20 points.
Attendu au tournant la saison suivante, il est le candidat naturel à sa propre succession. Toujours aussi régulier et insatiable, il écrase la compétition mais son irrésistible ascension va connaître un coup d’arrêt brutal et dramatique.
Miraculé, le phénix renaît de ses cendres
Enchaînant 5 succès en 9 courses entre février et juillet 1976, il survole les débats et s’affirme de plus en plus comme le pilote le plus talentueux de sa génération. Un titre que seul son rival et néanmoins ami James Hunt peut à l’époque lui contester.
Leur duel fratricide atteindra d’ailleurs son paroxysme lors de cette fameuse saison 1976. Un face-à-face de légende immortalisé au cinéma par le réalisateur Ron Howard dans le très réussi « Rush », où le pilote autrichien est incarné par l’acteur allemand Daniel Brühl.
Lorsque vient le Grand prix d’Allemagne, sur le très redouté circuit du Nurbürgring, le 1er août 1976, Niki Lauda est donc largement en tête du championnat du monde avec 31 points d’avance sur son dauphin sud-africain Jody Scheckter. Pourtant, il est loin d’aborder cette course avec une sérénité totale.
Les conditions de sécurité laissant à désirer sur ce dangereux circuit long de 22 kilomètres, il envisage un temps de boycotter l’épreuve avec plusieurs de ses collègues. Comme un mauvais pressentiment, qui sera cruellement prémonitoire !
Le jour de la course, alors en difficulté après un mauvais choix de pneumatique au départ, il perd soudainement le contrôle de sa monoplace dans le deuxième tour et percute violemment un muret de sécurité.
Sa Ferrari couleur sang s’embrase aussitôt le laissant prisonnier des flammes. Inconscient et ayant perdu son casque dans le choc, il est sauvé par 4 autres pilotes qui l’extirpent de la carcasse calcinée, laquelle a été percutée entre-temps et à plusieurs reprises par d'autres véhicules.
Souffrant de très graves brûlures au visage, il est admis en urgence à l’hôpital où l’on constate que ses poumons ont inhalé des vapeurs d’essence extrêmement toxiques. Les médecins se montrent pessimistes et son état est tel que l’on fait appel à un prêtre pour lui donner l’extrême-onction.
Mais l’Autrichien se bat comme il l’aurait fait sur la piste et, après 6 jours de coma, survit miraculeusement. Mieux, il fait preuve d’une étonnante combativité et récupère très vite de ses blessures.
Seulement 6 semaines après cet effroyable accident qui l’a horriblement scarifié et dont il porte les stigmates, il surprend tout son monde en signant son retour à la compétition avec une incroyable 4e place en Italie, à Monza, le 12 septembre.
Un résultat d'autant plus remarquable que ses médecins ne donnaient pas cher de sa peau - au sens propre comme au figuré -, l'informant que les multiples greffes qu'il avait subies ne résisteraient pas à la chaleur d'un bolide lancé à pleine vitesse. C'était sans compter sur sa volonté sans faille.
Malgré les douleurs ressenties en course et ses lambeaux de chairs ensanglantées, il finira au pied du podium sur les terres de Ferrari, avant d'être porté en triomphe par les « Tiffosi » qui n'auront jamais cessé de lui témoigner leur amour.
Hélas, en son absence, son rival James Hunt a quasiment refait son retard au classement et finira par s’adjuger le championnat du monde le 24 octobre, à l’issue d’un GP du Japon rocambolesque, lors duquel Lauda jettera l’éponge en raison des conditions climatiques.
Beaucoup lui reprocheront ce forfait mais l’essentiel est ailleurs ! Le voilà de retour et bien déterminé à récupérer son dû. Ce qu’il fera dès la saison suivante en redevenant champion du monde, signant par la même occasion l’un des come-back les plus incroyables de l’histoire du sport. Ce sera son apogée !
Après avoir claqué la porte de Ferrari en 1977, il rejoint l’écurie Brabham-Alfa Romeo où il passera 2 saisons quelconques avant de prendre sa retraite en 1979.
Il en sortira 3 ans après en 1982, intégrant l’équipe McLaren dirigée par Ron Dennis, avec laquelle il remportera son troisième et dernier titre en 1984, malgré l’émergence de son jeune coéquipier, un certain Alain Prost, qui s’annonce déjà à l’époque comme le futur grand de la discipline.
Tout au long de cette saison 84 dantesque, ce dernier lui contestera en effet son hégémonie et le poussera dans ses ultimes retranchements. Une bagarre qui débouchera sur le plus petit écart de l'histoire du championnat entre le vainqueur et son dauphin (seulement 0,5 point).
Il se retire définitivement un an plus tard en 1985 et se consacrera ensuite aux affaires, en fondant notamment deux compagnies aériennes qu’il finira par vendre dans les années 2000 et 2010.
De retour sur les circuits au sein de l’équipe Jaguar en 2002, dans le costume de patron d’écurie, il ne connaîtra pas le succès escompté. Ces dernières années, il s’était toutefois distingué en tant que président non-exécutif de Mercedes Grand Prix, qui a raflé cinq titres mondiaux entre 2014 et 2018.
Souffrant depuis son accident de problèmes récurrents aux poumons, il avait subi une transplantation en début d'année 2019, en vain ! Il est décédé ce mardi d’une infection pulmonaire à l’âge de 70 ans, laissant derrière lui l’image d’un champion hors normes et d’un véritable miraculé au destin romanesque.