USA : le « National Day of Mourning », l'autre Thanksgiving célébré par les Amérindiens

Alors que les Américains célébraient Thanksgiving ce jeudi, coup de projecteur sur ces Amérindiens qui refusent de commémorer cette fameuse fête, en souvenir des souffrances endurées par leur peuple.

Chaque année, quand vient le quatrième jeudi de novembre, des dizaines de millions d’Américains se réunissent en famille pour célébrer la fête de Thanksgiving, dégustant pour l’occasion un succulent dîner accompagné de la traditionnelle dinde farcie.

Une tradition ou un mythe ?

Cette tradition, très ancrée dans l’imaginaire collectif, remonte au XVIIe siècle et célèbre un épisode fondateur de l’histoire des États-Unis, celui des premiers colons puritains arrivés jadis en Nouvelle-Angleterre. Selon la tradition, ces fameux « Pilgrims Fathers » (« Pères pèlerins »), débarqués du Mayflower en 1620, fondèrent la colonie de Plymouth (Massachusetts) et connurent des débuts dramatiques, en raison d’un hiver rigoureux et d’un manque de savoir-faire agricoles, rédhibitoire en ces terres hostiles.

Plus de la moitié de la colonie n’y survivra pas et le reste des colons ne devra son salut qu’à l’intervention d’un chef indien, autrefois déporté en Angleterre. Prénommé Squanto, ce dernier, qui dirige la tribu des Wampanoag, décide en effet de venir en aide aux Européens, leur apprenant notamment les rudiments de la pêche, de la culture du maïs, ou encore de la chasse.

Afin de célébrer cette alliance de circonstances, ainsi que l’abondante récolte qu’elle va engendrer, les Pèlerins, sous la houlette du gouverneur colonial William Bradford, organisent alors un grand festin sur 3 jours à l’automne 1621, et y convient les Indiens. Un moment de partage et de communion que l’on a désormais coutume de commémorer outre-Atlantique, depuis 1789.

Crédit photo : Everett Historial / Shutterstock

Jusqu’ici, tout va bien ! Pourtant, cette histoire idyllique occulte quelque peu la violence qui va suivre, car l’entente cordiale sera de courte durée. Bientôt, les deux communautés vont en effet s’affronter puis se livrer une guerre sans merci. La colonisation de l'Amérique du nord s’effectuera dans un bain de sang éradiquant la quasi-totalité des « Native Americans », victimes de massacres à répétition ou plutôt d’un génocide qui ne dit pas son nom.

« Les Indiens n'ont aucune raison de célébrer l'arrivée des Pèlerins »

Le souvenir de cette tragédie, c’est justement ce qui a poussé plusieurs descendants des Indiens, et notamment ceux des Wampanoag, à rejeter cette tradition de Thanksgiving. Ces derniers considèrent ainsi cette fête comme étant le symbole de l’arrivée des Européens, qui coïncide avec la destruction de leurs semblables et le vol de leurs terres ancestrales.

Réunis au sein de l’« Association des Amérindiens unis de Nouvelle-Angleterre » (« United American Indians of New England »), ces Améridiens célèbrent depuis 1970 ce que l’on pourrait qualifier d’anti-Thanksgiving. Baptisée « National Day of Mourning », cette journée solennelle à leurs yeux est consacrée au deuil de leur peuple, par opposition aux réjouissances traditionnelles chères aux Américains.

Une autre journée du même type, nommée « Unthanksgiving », est d’ailleurs organisée à l’autre bout du pays, sur la côte Ouest, par les descendants des communautés indiennes locales.

« Historiquement, Thanksgiving représente notre première confrontation à l'érosion de notre souveraineté. Tant que nous ne nous lamentons pas dans les regrets, il est sain de faire son deuil. C'est même un élément nécessaire du processus de guérison », expliquait ainsi Vernon Lopez - le chef de la tribu Wampanoag - lors des commémorations de 2014, pour justifier ce rejet. « Les Indiens n'ont aucune raison de célébrer l'arrivée des Pèlerins », juge de son côté Moonanum James, l'un des leaders de l’association.

Cette année encore, cette « Journée national du deuil » a été respectée et de nombreux rassemblements ont eu lieu en Nouvelle-Angleterre (Maine, Vermont, New Hampshire, Massachusetts, Connecticut et Rhode Island), notamment à Plymouth. Des slogans de soutien aux immigrants sud-américains et d'autres hostiles aux différents projets de pipeline, qui menacent l’environnement, ont notamment été scandés et aperçus dans les cortèges.

Source : ABC
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Au sujet de l'auteur :

Évoluant dans la presse web depuis l’époque où celle-ci n’en était encore qu’à ses balbutiements, Mathieu est un journaliste autodidacte et l’un de nos principaux rédacteurs. Naviguant entre les news généralistes et les contenus plus décalés, sa plume s’efforce d’innover dans la forme sans jamais sacrifier le fond. Au-delà de l’actualité, son travail s’intéresse autant à l’histoire qu’aux questions environnementales et témoigne d’une certaine sensibilité à la cause animale.