Ils auraient dû réfléchir à deux fois avant de se plaindre : Ce 8 septembre, des centaines de montagnards, venus de Savoie mais aussi de la Suisse voisine, se sont rendus au col du Corbier, lourdement armés, afin de manifester pour la sauvegarde du patrimoine de montagne. En effet, c'est dans ce hameau situé sur la commune du Biot (Haute-Savoie), à 1 237 mètres d'altitude, qu'une petite vingtaine de personnes (propriétaires de résidences secondaires pour la grande majorité d'entre eux) a adressé en août dernier une pétition au maire Henri-Victor Tournier.
Motif du litige : les « nuisances sonores » occasionnées par la petite douzaine de vaches d'un éleveur local, Sébastien Vittoz, qui pâturent non loin de leurs fragiles oreilles. Les cloches des vaches, selon eux, occasionnent un « vacarme insupportable »…
Le Dauphiné (Facebook/capture écran)
Sauf que la pétition signée par ces 20 propriétaires de chalets n'a pas tout à fait eu l'effet escompté : loin d'obtenir la suppression des vaches dans la montagne, elle a surtout provoqué l'incompréhension et la colère de tous les habitants de la région… avant de se répandre comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Une contre-pétition a même été créée sur le site change.org : « Apportons notre soutien au Maire de Biot (74), aux terroirs de Haute-Savoie et de la France. » Plus de 100 000 signatures ont déjà été recueillies pour conserver les sonnailles !
Mais le clou du spectacle, c'était sans aucun doute ce vendredi 8 septembre au soir : plus de 400 personnes, armées d'énormes cloches, sont venues dans la nuit du 8 au 9 septembre pour montrer à ces résidents ce que « vacarme insupportable » voulait dire !
Ces 400 personnes, pour la plupart venues de Savoie mais aussi de la Suisse voisine, ont répondu à l’appel lancé sur les réseaux sociaux, par Thomas David et Gaël David-Rogeat, pour que les vaches gardent leurs cloches. Outre le pied-de-nez adressé aux propriétaires des résidences secondaires, il s'agit aussi, plus largement, de la sauvegarde du patrimoine de montagne qui est au cœur de leurs revendications.
Les clarines, les traditionnelles cloches qui ornent le cou du bétail de montagne, ont différentes fonctions. Elles permettent aux éleveurs de différencier leurs animaux lorsque ces derniers paissent sur des pâturages collectifs comme c'est parfois le cas sur les alpages, et elles servent également à repérer les bêtes lorsque la vision est limitée, lorsqu'il y a de la brume par exemple. Outre cela, elles font partie d'une longue histoire liant l'homme, l'animal et la montagne, qui fait partie intégrante du patrimoine des Alpes et d'ailleurs.
Chaque cloche a un son propre, il existe même des concours musicaux qui récompensent les meilleures sonnailles, et le savoir-faire de leur fabrication et de leur accordage figure, depuis 2010, à l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel de France.