« C’est tellement nul que ça en devient bien ». Voici un constat qui s’applique sans problème au cinéma et à la télévision. Eh oui, vous n’écouterez probablement jamais en entier un mauvais album, ne lirez pas de A à Z un livre ennuyant, et ne vous rendrez pas à une exposition d’art déplorable. Pourtant, quand il s’agit de films, beaucoup se laissent tenter et finissent même par prendre du plaisir face à l’écran.
Pour la première fois, des chercheurs se sont intéressés à ce phénomène pour le moins étrange. Une étude a d’ailleurs été publiée fin juillet dans la très sérieuse revue Poetics. « A priori, il semble paradoxal que quelqu’un regarde délibérément un film mal fait, mal joué, embarrassant, voire dérangeant, et qu’il prenne plaisir à le faire » déclare Keyvan Sarkhosh, scientifique au Max Planck Institute for Empirical Aesthetics de Francfort en Allemagne.
L’équipe de professionnels a commencé par tenter de définir ce qui rendait un film « mauvais », avec l’une des caractéristiques les plus communes à ce genre : le côté cheap, comme quand le maigre budget de la production se voit à l’écran, les décors sont pauvres, et le jeu des acteurs à faire pleurer. Les premiers exemples cités par les personnes interrogées lors de l’étude sont les films d’horreurs à petits budgets, probablement car ils sont très nombreux et relativement faciles à produire.
Évidemment, l’immense majorité des gens qui regardent ces films le fait dans une démarche ironique, très second degré. Cependant, les scientifiques ont fait une curieuse découverte, qui risque d’en surprendre plus d’un. En effet, au fil des expériences, ils sont arrivés à la conclusion que la plupart de celles et ceux qui aimaient regarder de mauvais films sont de vrais cinéphiles. Une réalité qui, avec du recul, peut se comprendre, puisque d’habitude leur plaisir vient du fait qu’ils analysent les synopsis, les dialogues, les castings, et qu’il y a souvent beaucoup à (re)dire dans ce genre de films.
« Pour ces spectateurs si avertis, les mauvais films représentent un détournement intéressant et drôle, utile pour s’éloigner de l’univers mainstream. Ici, on parle d’une audience qui a un niveau d’éducation au-dessus de la moyenne, que l’on pourrait décrire comme ‘omnivore de culture’. En réalité, ces personnes regardent ces séries et ces longs-métrages pour aller au-delà des frontières traditionnelles de la culture populaire » explique Keyvan Sarkhosh.
La corrélation entre visionneur de navets et individu plus cultivé et plus intelligent que la moyenne est donc toute trouvée ! CQFD.