Ce mercredi 24 avril, le film “Frères” réalisé par Olivier Casas retrace l’histoire incroyable de deux garçons, qui ont vécu dans un bois pendant sept ans après l’abandon de leur mère.
Parfois, le cinéma nous fait découvrir des histoires tellement dingues qu’on pourrait douter de leur authenticité. Pourtant, le film “Frères”, réalisé par Olivier Casas, et qui sort ce mercredi 24 avril dans les salles obscures, n’a rien d’une fiction.
Le long-métrage (le second du réalisateur après Baby Phone) retrace l’enfance atypique vécue par Michel et Patrice de Robert de Lafregeyre, deux frères abandonnés par leur mère en 1948. Livrés à eux-mêmes, les deux garçons vont se réfugier dans un bois et y vivre pendant sept ans.
À l’époque, Michel et Patrice sont respectivement âgés de cinq et sept ans. Leur mère, journaliste du quotidien Combat, les abandonne après les avoir placés dans une colonie de vacances près de La Rochelle. Elle n’est jamais revenue les chercher : “Notre mère, une femme libre et indépendante, n’était pas faite pour avoir des enfants”, se rappelle Michel, 78 ans aujourd’hui, qui n’a que très peu de souvenir de sa vie avant l’abandon.
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Sept ans de “liberté extrême”
Conçus hors mariage, les deux frères sont nés de pères différents. Ainsi, lorsque sa mère les abandonne, personne ne signale leur disparition. Comme le rappelle le générique du film, après la Seconde Guerre mondiale, on estime à 340 000 le nombre d’enfants séparés de leur famille en Europe.
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Dans ce contexte chaotique, Michel et Patrice restent d’abord neuf mois dans la maison qui héberge la colonie. Un jour, ils découvrent le cadavre du propriétaire de la maison, visiblement suicidé par pendaison, et décident de fuir : “Pat’ m’attrape par le col et me dit : Mic’, faut qu’on se sauve”, se souvient Michel.
Trouvant refuge dans un bois près de Châtelaillon-Plage (Charente-Maritime), ils se cachent dans une cabane. Pendant sept ans, ils vont jouir de cette “liberté extrême” et survivent en se nourrissant de baies, de poissons et de lièvres : “Notre adaptation a été très rapide, nous n’avions pas le choix. Il a fallu manger, se protéger. Patrice allait chasser et moi, je découpais le lapin. Notre complémentarité a été essentielle pour notre survie (...) Lorsqu'on se blessait, on se soignait nous-mêmes”.
Crédit photo : Paris Match
Durant cette période, les deux frères peuvent également compter sur des gens du voyage qui campaient à proximité, ainsi que sur l’aide d’une infirmière travaillant sur une base militaire voisine : “Nous avons pris conscience que nous n’existions pas, que personne ne nous cherchait. Patrice a été à la fois mon père, ma mère, mon frère. La cellule familiale, c’était lui”.
Un retour à la société éprouvant et une triste séparation
Ce n’est qu’en 1956 que les deux frangins sont reconnus par leur grand-mère dans un village où ils travaillent chez un ostréiculteur. Leur mère vient alors les récupérer et les ramène à Paris. Dans la capitale, ils sont envoyés chez un couple de précepteurs chargés de les rendre scolarisables. Pour les enfants devenus jeunes adolescents, ce retour à la société est un enfer. Au bout d’un an, ils se retrouvent alors séparés quand Michel est placé dans une pension dans le Nord-Pas-de-Calais tandis que Patrice intègre un lycée parisien.
Les deux frères se retrouvent ensuite chaque été pour “faire les 400 coups”. Ils continueront de se voir régulièrement en gardant cette histoire pour eux jusqu’en 1993. Cette année-là, l’aîné Patrice, qui dirigeait une clinique en Alsace, se suicide à l'âge de 48 ans. En vieillissant, Patrice aurait souffert des carences alimentaires de son enfance, le rendant stérile.
Ce décès brutal amène Michel à partager leur histoire auprès de ses proches : “C’est une histoire qui nous appartenait à tous les deux. On n’avait pas besoin de la partager”. En 2015, lors d’un week-end entre amis, il partage cette histoire au réalisateur Olivier Casas, qui s’étonnait de le voir tailler un bout de bois tel “un indien cherokee”.
Fasciné par ce récit, Olivier Casas enquête à Châtelaillon et retrouve l’acte de décès de l’homme propriétaire de la colonie de vacances qui s’était pendu. Le scénario s’écrit à travers des années de conversation avec Michel. La réalisation du film a permis au septuagénaire de renouer avec un ancien camarade de la colonie et même de retourner sur les lieux pour la première fois.
60 ans après avoir survécu à l'état sauvage, le bois de son enfance n’existe plus. À la place, on y trouve une autoroute et des champs. Dans le film, Michel est incarné par Yvan Attal tandis que Patrice est incarné par Mathieu Kassovitz. Intitulé “Frères”, le long-métrage sort ce mercredi 24 avril au cinéma.