Nombreux d’entre nous se sont déjà demandés comment les bébés voient le monde. En étudiant le regard de cent nourrissons, les scientifiques ont démontré que, dès l'âge de quatre mois, les bébés peuvent classer des objets qu'ils n'ont jamais vus dans la catégorie des objets animés ou inanimés. Ces résultats révèlent des changements mesurables dans l'organisation neuronale, qui reflètent le passage de la simple observation du monde à sa compréhension.
L’être humain donne un sens à au monde qui l’entoure en catégorisant les objets. Une étude réalisée par de l'Institut des Sciences Cognitives Marc Jeannerod (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) et publiée le 15 février dernier dans PNAS a permis de mieux comprendre comment les nourrissons en particulier et les bébés en général sont capables de percevoir leur environnement grâce à leurs yeux.
Jusque-là, la façon dont les bébés regardent le monde était un grand mystère. Que voient-ils réellement ? Quelles informations obtiennent-ils en regardant ? En toute logique, on pourrait penser qu'ils regardent les choses qui se distinguent le plus, en raison de leur taille ou de leur couleur, par exemple, mais à partir de quand les bébés commencent-ils à voir et à interpréter le monde comme les adultes ?
Pour répondre à ces questions complexes, la science est encore la meilleure solution. Et justement, les chercheurs ayant réalisé l’étude mentionnée précédemment dans l’article ont analysé cent bébés âgés de 4 à 19 mois. Ils ont enregistré les mouvements oculaires des bébés et la durée de leur regard pendant qu'ils regardaient des paires d'images représentant des choses animées ou inanimées de huit catégories différentes, par exemple, des visages humains et des objets naturels ou artificiels.
Les données obtenues à partir de l'oculométrie des bébés ont été comparées aux mesures de l'activité cérébrale obtenues auprès d'un groupe d'adultes à l'aide de l'IRMf (permettant de visualiser, de manière indirecte, l'activité cérébrale), afin de déterminer la correspondance entre la catégorisation, des objets émergeant des yeux des bébés et celle cartographiée sur le cortex visuel des adultes.
À quel âge les bébés sont-ils capables de comprendre leur environnement ?
La méthodologie utilisée dans l'étude a révélé la transition de l'exploration visuelle guidée par la saillance des objets, c’est-à-dire qui peut être remarquée par contraste par rapport à un alignement général. Dès l'âge de quatre mois, les bébés peuvent distinguer les objets animés des objets inanimés. Par exemple, ils peuvent dire qu'un homme et un crocodile, qui sont des animaux, sont plus semblables l'un à l'autre qu'à un arbre, qui est un objet inanimé. Cette capacité semble étonnante car, à cet âge, il est peu probable que les bébés sachent ce qu'est un arbre ou un crocodile.
Ce n’est que plus tard, entre 10 et 19 mois, des subcatégories plus poussées apparaissent et l'organisation des objets en catégories par les nourrissons se rapproche de plus en plus de celle du cerveau adulte. Les enfants de cette tranche d'âge reconnaissent immédiatement un objet mou, poilu et doté d'un visage comme un animal non humain. Cette étude montre que les humains naissent avec une organisation neuronale prédisposée à représenter des catégories d'objets cruciales pour leur survie. La catégorisation est le mécanisme qui nous permet d'aller au-delà de ce que nous voyons et de faire des déductions, des analogies et des prédictions.
Fascinant, n’est-ce pas ?