Lorsque les Européens sont arrivés en Amérique du Nord, ils ont apporté avec eux des agents pathogènes contre lesquels les populations autochtones du continent n'étaient pas immunisées. Et les effets pouvaient être dévastateurs. Cela n'a jamais été aussi vrai que lorsque la variole a anéanti 5 à 8 millions d'Aztèques peu après l'arrivée des Espagnols au Mexique vers 1519.
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Pire encore, une maladie que les locaux appelaient « huey cocoliztli » (ce qui signifie la « grande peste » en aztèque) a tué entre 5 et 15 millions de personnes entre 1545 et 1550. Pendant 500 ans, la cause de cette épidémie a laissé les scientifiques perplexes. Mais aujourd'hui, une étude génétique très sérieuse publiée dans la prestigieuse revue Nature Ecology and Evolution, a levé le voile sur cette question en identifiant le coupable probable : une forme mortelle de salmonelle appelée « salmonella enterica » et sa sous-espèce « enterica serovar paratyphi c ». Les Aztèques restants ont succombé à une deuxième épidémie de variole qui a débuté en 1576.
Le cocoliztli était donc probablement atteint de la fièvre entérique, une maladie caractérisée par une forte fièvre, des maux de tête et des saignements du nez, des yeux et de la bouche, qui tue en quelques jours dès l'apparition des symptômes. La typhoïde est un exemple de fièvre entérique. « La cause de cette épidémie a été un débat chez les historiens pendant plus d'un siècle, et nous sommes désormais en mesure, grâce à l’ADN ancien, de répondre à cette question » a déclaré à l'AFP la co-auteure Åshild Vågene de l'Institut Max Planck en Allemagne.
L'étude se fonde sur l'analyse de l'ADN retrouvé sur les dents extraites des restes de 24 Aztèques enterrés dans un cimetière récemment découvert dans la région de Mixteca Alta, sur la Grande Place du site archéologique de Teposcolula-Yucundaa, au sud-est du Mexique. Les auteurs de l'étude ont procédé à une recherche approfondie des agents pathogènes connus à l’époque.
L'équipe de chercheurs a utilisé un programme de séquençage de l'ADN appelé « MALT » pour analyser les dents. « Nous avons recherché tous les agents pathogènes bactériens et les virus à ADN pour lesquels des données génomiques sont disponibles » explique Alexander Herbig, co-auteur de l'étude. Et la conclusion a été claire : les dents de 10 des corps présentaient des traces de salmonelle.
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Une maladie en guise d’arme
Les scientifiques soupçonnent les Espagnols d'avoir volontairement apporté la maladie par le biais d'aliments ou de bétail contaminés, car les dents de cinq personnes décédées avant l'arrivée des Européens n'en présentent aucune trace. La seule réserve à cette hypothèse est qu’il ne s'agit évidemment pas d'un grand échantillon, il est donc difficile d'en être certain à 100%.
Kirsten Bos, membre de l'équipe, a déclaré : « nous ne pouvons pas dire avec certitude que la salmonella enterica était la cause de l'épidémie de cocoliztli, mais nous pensons qu’elle doit être considérée comme une possibilité très importante. »
Étonnant, n’est-ce pas ?