Récit d’une histoire incroyable et romanesque, celle d’une famille russe qui a vécu des décennies dans un endroit reculé et difficile d’accès, au point de tout ignorer du monde qui l’entourait.
Par conviction, nécessité ou encore ostracisme, certaines personnes vivent dans des zones isolées et à l’écart de toute civilisation, sans jamais s’en éloigner
Un mode de vie presque anachronique qui entraîne fatalement des conséquences sur la perception des choses, à commencer par une perte légitime des repères spatio-temporels.
C’est ce qu’a vécu une famille russe, découverte par hasard par des scientifiques dans une forêt de Sibérie, il y a 45 ans.
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Pendant 40 ans ils ont vécu coupés du monde, ignorant tout de l’évolution de la planète
Faisons un bond de quatre décennies en arrière !
Nous sommes en 1978 au cœur de l’URSS, alors en pleine guerre froide.
À l’époque, une équipe de quatre géologues soviétique se rend dans la partie russe de la Taïga, l’une des dernières régions sauvages et inhabitées de la Terre à l’extrême nord du pays, afin d’étudier des minéraux.
Alors qu’ils survolent le massif des monts Saïan une zone forestière vierge et escarpée, située à environ 240 km de toute civilisation, ces scientifiques découvrent soudainement l’existence d’une clairière à flanc de montagne, près d’une rivière inconnue et non répertoriée sur les cartes des lieux.
À la grande stupéfaction des géologues, l’endroit qui n’avait officiellement jamais été exploré présente des traces de vie humaine et notamment des cultures.
Après avoir atterri non loin de là puis établi un camp de base à environ 15 kilomètres de la clairière, les géologues partent en exploration et finissent par tomber nez à nez avec un homme d’un certain âge qui se montre craintif au premier abord.
« Il avait l'air effrayé et était très attentif. Nous devions dire quelque chose, alors j'ai commencé : "Bonjour, grand-père ! Nous sommes venus vous rendre visite ! Le vieil homme n'a pas répondu immédiatement, mais nous avons fini par entendre une voix douce et incertaine », racontait ainsi Galina Pismenskaya, l’une des scientifiques présentes.
Une fois ces présentations quelque peu timides faites, les géologues découvrent que le vieil homme vit sur place avec toute sa famille (quatre autres personnes) dans une cabane, qui abrite également des vivres telles que des pommes de terre.
Rassuré quant aux intentions non hostiles des visiteurs, l’homme - qui parle le russe - se confie alors sur la raison de la présence de sa famille dans ces lieux reculés et va livrer un récit quasi-romanesque.
Répondant au nom de Karp Lykov, ce dernier raconte ainsi qu’il est issu d’une secte de chrétiens orthodoxes russes fondamentalistes ( appelés « Les Vieux-Croyants »), jadis persécutée par le Tsar puis le régime communiste.
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Au milieu des années 30, Karp cultivait la terre et vivait paisiblement, malgré les rudes conditions, dans un village isolé de Sibérie avec sa famille. Mais un beau jour de 1936, une patrouille de l’armée rouge a fait irruption dans le village, tuant le frère de Karp, pour une raison inexpliquée. Effrayé, ce dernier qui avait réussi à échapper aux griffes des communistes, a alors rassemblé quelques affaires et autres vivres (dont des graines de chanvre et de pommes de terre) avant de prendre la fuite avec sa femme Akulina, ainsi que son fils Savin et sa fille Natalia (âgés respectivement de 9 et 2 ans à l’époque).
Cet exil les a conduits vers l’une des forêts les plus reculées de la Taïga, où la famille s’est finalement établie pour refaire sa vie.
Après s’être approprié les lieux, en essayant non sans mal de dompter les éléments, les Lykov ont fait le choix de rester définitivement, malgré les difficiles conditions de vie, pour vivre à l’écart des hommes, sans le moindre contact avec l’extérieur.
Les années ont passé et deux autres enfants, prénommés Dmitry et Agafia, sont nés en 1940 puis 1943. De l’aveu des géologues, ces derniers, qui n’avaient jamais connu d’autres êtres humains que les membres de leur famille, étaient d’ailleurs sidérés de découvrir que des personnes pouvaient leur ressembler et parler le même langage.
L'histoire romanesque de la famille Lykov
Pendant 40 ans, la famille Lykov avait survécu en se confectionnant des vêtements à partir d’écorce d’arbre mais aussi du chanvre qu’il cultivait, et tentait de subsister dans un état de quasi-famine. Leurs seules distractions étaient la chasse et la lecture d’une vieille bible familiale. Akulina (morte de faim en 1961) avait réussi à apprendre à lire et à écrire à ses deux plus jeunes enfants, grâce à de l’encre fabriquée à base de jus de chèvrefeuille.
Tous ignoraient qu’une Seconde Guerre mondiale des plus meurtrières avait eu lieu. Ils n'avaient par ailleurs jamais entendu parler de Lénine et ne connaissaient absolument rien des profondes mutations que le monde avait connues entretemps. Seule exception : les satellites ! Karp avait en effet déduit l’existence de petits objets lumineux et volants créés par l'homme (sans toutefois savoir leur nom) à force d’observer d'étranges étoiles bouger dans le ciel.
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Après ce premier contact avec le monde moderne, la famille refusera de retourner à la civilisation, préférant rester dans « sa » clairière. La plupart en mourra.
Ainsi, Savin et Natalia (insuffisance rénale) puis Dmitry (pneumonie) décéderont trois ans plus tard en 1981. Faisant preuve d’une incroyable vitalité, Karp rendra, lui, son dernier souffle en 1988 à plus de 90 ans.
Seule Agafia, la plus jeune des enfants, a survécu. Aux dernières nouvelles, elle vivrait toujours dans la Taïga mais dans une habitation plus confortable après avoir définitivement abandonné la cabane familiale, devenue beaucoup trop vétuste, il y a 10 ans.