La cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de rugby a beaucoup fait parler pour son côté franchouillard assumé. Polémique stérile ou véritable décalage avec la France d’aujourd’hui ?
Il ne vous aura pas échappé que notre pays organise - et ce pour la seconde fois de son histoire après 2007 - la dixième édition de la Coupe du monde de rugby. Et qui dit organisation d’un grand événement sportif dit, bien sûr, cérémonie d’ouverture.
Très attendue, celle-ci s’est tenue le vendredi 8 septembre au Stade de France de Saint-Denis et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’a laissé personne indifférent.
C'est parti pour ce mondial de rugby, et c'est Jean Dujardin qui lance la cérémonie d'ouverture
— TF1 (@TF1) September 8, 2023
Pour suivre la cérémonie en direct sur mytf1 : https://t.co/weZlNONQil pic.twitter.com/S8j534FdP4
Organisée en grande pompe avec, en guise de guest-star, un certain Jean Dujardin - himself - en très grande forme, cette cérémonie n’a pourtant pas eu l’effet escompté aux yeux d’une partie du public et des téléspectateurs. La faute à quelques couacs dans la mise en scène (notamment des hymnes nationaux inaudibles) mais aussi et surtout à cause d’un côté franchouillard assumé.
Les nombreux « clichés » véhiculés par l’événement n’ont en effet pas été du goût de tous, du moins sur les réseaux sociaux où de nombreux internautes ont fait part de leur malaise devant cette image d’Épinal de la France, qui ne correspondrait pas (ou plus) à la réalité d’aujourd’hui. Certains médias étrangers y sont également allés de leur commentaire perplexe, qualifiant ce parti pris de « bizarre » (WalesOnline) ou encore de « confus » (Le Telegraph).
Pouvait-on faire plus ringard et plus clichés?
— Chris Waddle forever (@Sylvainft) September 8, 2023
(Spoiler : non)#rugbyworldcup2023 #Dujardin pic.twitter.com/kWjv3NQA0S
Bien franchouillard. Figée dans les années 50 notre france n'a que son béret et sa baguette sous le bras au son de l'accordéon. Quelle image vieillotte de notre pays. Affligeant. Bouleversant de connerie.
— helene griffet (@HeleneHmg13) September 8, 2023
Donc la cérémonie d'ouverture de la #RWC2023... des clichés bien franchouillards, Dujardin qui pousse deux fois le gars déguisé en coq (???), et j'en passe... Et les potes qui me disent "oui d'accord mais il y a des racisé•es". Sans dec : juste on réfléchit 2 secondes ?#FRAvNZL pic.twitter.com/IJYpFGFivg
— matthieu brabant (@MattBrabant34) September 8, 2023
Coupe du monde de rugby : une cérémonie d'ouverture trop « clichée » et déconnectée ?
Ces critiques - qu’elles soient justifiées ou fantasmées - ont au moins eu le mérite de poser la question suivante : a-t-on encore le droit d’utiliser certains « clichés » pour décrire ce que c’est d’être Français, sans être accusé d’être une personne réactionnaire, voire pire ?
Difficile à dire mais ce qui est sûr, c’est que la France n’est plus la même qu’autrefois et une partie non négligeable de sa population peut ne pas se reconnaître dans l’image véhiculée par cette cérémonie d’ouverture. Ne pas le comprendre serait, au mieux de l’ignorance, au pire, de la mauvaise foi.
Dans le même temps, ces stéréotypes, que les mauvaises langues (coupables d’un certain mépris de classe) pourraient qualifier de « beaufs », ne sont pourtant pas le fruit d’une France fantasmée. Beaucoup ont ainsi adoré l’image véhiculée - non sans une certaine autodérision - par la cérémonie. Tout simplement car elle correspond à leur conception du pays et nier cette réalité serait tout aussi malhonnête.
Ce côté « franchouillard » et cet amour du terroir sont d’ailleurs des valeurs que le monde de l’ovalie a coutume de cultiver. N’importe qui ayant des attaches dans le Sud-Ouest peut en témoigner.
Les gens qui méprisent la cérémonie d’ouverture ne connaissent pas le monde de l’ovalie #RugbyWorldCup
— LOUIS XIV ? (@RoiilouisXIV) September 8, 2023
Or, on l’oublie trop souvent, mais le rugby est loin, très loin même, d’être l’un des sports les plus populaires du pays.
En termes de licenciés par exemple (chiffres de 2021), il n’apparaît qu’au dixième rang des disciplines les plus pratiquées en France avec un peu plus de 300 000 adeptes. C’est beaucoup moins par exemple que des sports comme le canoë-kayak, la natation, le golf ou encore l’équitation, et à des années-lumière du football, qui demeure l’indéboulonnable leader en la matière (2,18 millions de licenciés). Cela s’explique surtout par la géographie du rugby, dont l'écrasante majorité des pratiquants et autres fidèles se concentre surtout dans la partie sud-ouest du pays.
Dans ces conditions, difficile d’étendre son influence à l’échelle nationale comme cela peut être le cas en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni ou encore en Australie. Une exception culturelle, en quelque sorte, qui peut parfois se heurter à la réalité des us et coutumes observés sur le reste du territoire. Ce propos est toutefois à nuancer quand on connaît l’immense cote d’amour dont jouit le XV de France. Les chiffres records de l’audience du match d’ouverture de la Coupe du monde contre les All Blacks (victoire 27-13) en sont d’ailleurs la plus belle preuve.
Il n’empêche, le rugby et tout le folklore qui l’accompagne ne représentent qu’une partie des multiples facettes définissant aujourd’hui l’identité française, si tant est qu’il en existe vraiment une.
En avoir conscience, c’est déjà faire preuve de bon sens et d’honnêteté intellectuelle. Le reste n’est que polémique stérile.
Enfin, gardons à l’esprit que cette Coupe du monde s’adresse en priorité aux fans de rugby. Rien d’étonnant donc à ce que cette cérémonie d’ouverture ait repris des codes chers à ces derniers. Cela étant, on peut très bien être amateur de rugby et considérer que cette cérmonie était ringarde et clichée. Après tout, rien n'est tout blanc, rien n'est tout noir et entre les deux, il y a toujours 50 nuances de gris. C'est aussi ça la diversité du pays.
Et puis finalement, si le 28 octobre prochain (jour de la finale), la France est sacrée championne du monde, cette cérémonie sera vite oubliée et les Champs-Élysées seront noirs de monde, noirs de Français, tous fiers de leur équipe nationale.