On dit que les enfants cadets, ceux qui se trouvent au milieu de la fratrie, sont souvent ignorés. On les oublie un peu, au profit de l'aîné (plus mature et plus sage) mais aussi le petit dernier (tout mignon, qui a besoin de beaucoup d'attention). Le fait qu'ils finissent par développer des complexes d'infériorité est une idée communément admise... Et pourtant, il n'y a rien de plus faux !
Voici pourquoi, contre toute attente, être l'enfant "du milieu" est en fait rempli d'avantages !
Quand vous vous retrouvez au milieu de la tempête, coincé entre le grand frère et le petit frère (ou sœur), il faut bien trouver un moyen de survivre ! Les cadets sont obligés de trouver leur place et de constamment se battre pour obtenir de l’attention. Comme l’explique Catherine Salmon, professeur de Psychologie et co-auteur du livre « The Secret Power of Middle Children » (« La puissance cachée des cadets), les enfants qui sont au milieu de la fratrie doivent naturellement développer certaines compétences, par exemple être capable de percevoir les choses du point de vue des autres, cela étant le résultat de ce qu’ils ont dû vivre pendant leur enfance. Cela en fait d’excellents négociateurs, très sociaux, capables de résoudre bon nombre de problèmes, dans leur vie adulte.
Il est vrai que les parents ont naturellement tendance à accorder plus d’attention à leur premier-né (l’aîné, le sage, celui qui doit être un exemple pour les autres), et à leurs derniers nés (qu’il faut protéger, couver, chouchouter), et cela au détriment des enfants « du milieu » qui se retrouvent le cul entre deux chaises. C’est un fait bien connu, une configuration classique, qui a déjà été confirmé par un bon nombre d’études. Mais le bon côté de cela, c’est que comme ils ne sont pas sujets à l’attention permanente des parents, les cadets ont plus de chances d’être plus indépendants, créatifs, de chercher à essayer de nouvelles choses par eux-mêmes.
Les aînés ont tendance à être soumis à une pression intense, ils doivent rendre fiers leurs parents, se poser en modèle de réussite… Ce qui les conduit statistiquement à être plus sujets aux risques de dépression que le deuxième ou troisième enfant de la fratrie. Les cadets, eux, sont largement exemptés de ce type de pression sociale et familiale, ce qui fait qu’ils seront moins susceptibles d’être durs avec eux-mêmes lorsqu’ils rencontreront l’échec ou la déception dans leur vie adulte. Ils ont d’une certaine manière l’opportunité de grandir et de se développer à leur propre rythme, sans être soumis à la pression d’obtenir rapidement un emploi, de se marier, ou d’avoir un enfant, contrairement à ce que pourront vivre les autres frères et sœurs ; Ils peuvent non seulement apprendre de leurs propres erreurs, mais aussi de celles qui ont été commises par leurs aînés.
On dit souvent que les frères aînés sont des leaders-nés, et qu’ils sont dotés d’un certain charisme, qui en fait de parfaits cadres et managers. Les frères cadets sont pour leur part des entrepreneurs-nés : de nombreuses qualités acquises pendant l’enfance, comme l’esprit de coopération, la capacité à entretenir des relations, mais aussi l’indépendance, sont des qualités hautement appréciées dans le monde de l’entreprise… Mais ces qualités peuvent les conduire à créer leur propre entreprise, car ils sont très doués pour sortir des cadres et expérimenter des choses nouvelles et innovantes.
Selon Catherine Salmon, lorsqu’ils sont à la tête d’un groupe, les frères aînés ont tendance à diriger en se servant d’une position de domination et en s’imposant. Les frères cadets, eux, dirigent plutôt à travers la persuasion, en cherchant les compromis, en trouvant les solutions et en négociant dans le calme les éventuels points de désaccord.
L’aptitude des enfants « du milieu » pour résoudre les problèmes et trouver une solution pacifique aux conflits n’est pas utile que sur leur lieu de travail, loin s’en faut ! Au contraire, c’est également un véritable atout dans leur vie sociale et dans leurs rapports intimes, y compris au sein du couple. Une étude conduite au sein de l’Université de Washington par John Gottman, psychologue spécialisé dans les rapports conjugaux (auteur notamment du livre « Les couples heureux ont leurs secrets: les sept lois de la réussite ») a démontré que les couples capables de faire des compromis, d’établir et de défendre clairement leurs opinions et leurs positions au cours d’une dispute, avaient des liens plus forts que les autres couples, et que leurs mariages duraient plus longtemps.
Selon une enquête conduite par Salmon dans le cadre de sa recherche, près de 80% des cadets n’avaient jamais trompé leur époux(se), quand le chiffre tombe à 65% pour les aînés, et à… 53% pour les derniers-nés
De nombreuses études concordantes ont démontré les bénéfices à la fois sur le plan social, mental et personnel, de grandir avec des frères et sœurs : par exemple, selon une étude de l’Ohio State University, les enfants avec des frères ou des sœurs ont des tempéraments plus sociaux, dès le jardin d’enfants, que les enfants uniques, probablement parce qu’ils sont forcés d’apprendre à jouer avec les autres dès le plus jeune âge.
Les frères et sœurs se trouvant au milieu de la fratrie peuvent tirer des avantages de leur position, qui leur fait avoir à la fois un petit frère (ou petite sœur) et un grand frère (ou grande sœur). C’est-à-dire qu’ils peuvent apprendre grâce à la sagesse et à l’expérience de leurs aînés, prendre exemple sur eux et éviter de refaire les mêmes erreurs, mais ils peuvent aussi apprendre à s’occuper de leurs benjamins, à les protéger et exercer leur autorité sur eux. En clair, ils sont très polyvalents, contrairement aux autres qui sont un peu plus enfermés dans un rôle donné, ils ont la capacité d’être à la fois mentors et des disciples.
De plus en plus de parents ont tendance à avoir du mal à couper le cordon ombilical avec leurs enfants, et à se mêler de leurs affaires jusque très tard dans la vie adulte (ce que les sociologues appellent le comportement du « parent hélicoptère », qui plane sans cesse au-dessus de son enfant pour le diriger, l’aider dans sa vie de tous les jours, ce qui peut causer des problèmes pour que l’enfant apprenne à vivre de manière réellement indépendante). Dans ce contexte, le fait que les cadets aient tendance à être « oubliés » et « laissés un peu de côté » par les parents semble finalement être plus un avantage qu’un inconvénient !
Comme nous l’avions suggéré dans le point 2, cela se traduit par une plus grande indépendance et une capacité à se débrouiller accrue pour les cadets. Mais cela ne s’arrête pas là : Cela a déjà été maintes fois démontré, nous avons tendance à répéter les comportements de nos parents sur notre propre progéniture. Du même coup, les cadets auront tendance à laisser une plus grande liberté à leurs propres enfants (et cela, quel que soit l’ « ordre d’apparition » de l’enfant) !