Le Paris d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec le Paris qui existait il y a 100 ans. À cette époque, le quartier de Pigalle était le plus prisé de la capitale avec ces cabarets originaux aux concepts très spéciaux.
Au début du XXème siècle, l’avènement des cabarets était évidemment illustré par le succès incroyable des lieux de villégiature du nord de la Capitale, avec le Moulin Rouge en figure de proue. Les artistes de cabarets représentent un pan de la culture du spectacle à la française que beaucoup ont aujourd’hui oublié. Le boulevard de Clichy était l’une des références mondiales en terme de spectacle et de sorties nocturnes à l’image du cabaret que l’on va vous présenter.
« Bienvenue en Enfer ! »
« Entrez et soyez damnés… ». C’est par cette invitation maléfique qu’un homme, tout vêtu de rouge, espérait attiser la curiosité des âmes qui erraient devant le 53 boulevard de Clichy. Ici se situait l’un des cabarets les plus populaires de l’époque, baptisé « Cabaret de l’Enfer ».
La devanture ne laissait place à aucun mystère. La bouche grande ouverte du Diable faisait office de porte d’entrée et de sortie, sans oublier l’architecture très gothique avec des corps de femmes immortalisés en plein supplice. A côté se situait le « Cabaret du Ciel », complétant un concept diptyque fondé par Antonin Alexander. Quand « Le Ciel » vous proposait un décor paradisiaque, « L’Enfer » vous promettait des soirées infernales.
À l’intérieur de ce cabaret approuvé par Lucifer en personne, la salle principale était une véritable grotte, dont les parois et les voûtes étaient ornées d’âmes damnées en pleine valse. Les serveurs portaient des tenus démoniaques alors que les clients se laissaient emporter par les tentations alcoolisées. Le Cabaret de l’Enfer proposait notamment des attractions diverses et variées comme les « Attractions Diaboliques », le « Supplice des Damnés », la « Ronde des Damnés », la « Métamorphose des Damnés » ou encore « La Chaudière ».
« Dans l’antre de Mephisto »
En réalité, les spectacles proposés dans « Le Cabaret de l’Enfer » tournaient surtout autour de l’illusionnisme et de la magie, tout cela animé par une musique d’orgue qui laissait les clients dans une ambiance angoissante. Antonin Alexander, fondateur du lieu et connu sous le simple nom d’Antonin, avait l’habitude d’assurer quelques scènes humoristiques, affublé comme saint-Pierre ou Méphistophélès. Par ailleurs, la bonne humeur et la jovialité étaient de mise dans ce lieu, contrairement au « Cabaret du Néant », situé au 34 boulevard de Clichy, et qui était plus dans l’atmosphère morbide (tables en forme de cercueils, serveurs habillés comme des croque-morts).
À partir des années 1920, le cabaret devenait même le lieu de rendez-vous de la mouvance surréaliste, avec André Breton en tête d’affiche, dont l’atelier se situait au 4ème étage de la même adresse.
Malheureusement, l’époque faste des cabarets sauvages s’éteignit peu à peu. Une guerre mondiale venant ôter toute joie sur la vie parisienne, ce n’est que quelques années après la Libération de Paris que les deux cabarets furent détruits. Considérés comme des lieux de débauche et de provocation envers la religion, les cabarets ont dû fermer boutique au début des années 1950. Situé juste à côté, un petit magasin répondant au nom de « Monoprix » racheta les deux cabarets pour agrandir sa surface et y existe toujours aujourd’hui. Une chose est sûre, c’est beaucoup moins folklorique maintenant…