La langue française peut se révéler parfois très étonnante… Savez-vous, par exemple, qu’il existe un grand nombre d’expressions tout à fait innocentes et anodines, que vous utilisez tous les jours, et qui ont pourtant un double-sens très coquin (voire carrément cochon) ?
Par glissement de sens, certaines expressions se retrouvent ainsi à devenir très ambiguës, et nous font pénétrer dans le domaine du salace. L’emploi du double-sens pour évoquer des choses polissonnes est un grand classique de la langue Française, c’est même la base de la blague grivoise (voire graveleuse). Et c’est pourquoi ces expressions ne signifient pas (ou n’ont pas toujours signifié) ce que vous pourriez penser…
Agnès Pierron est docteur en lettres, historienne du spectacle vivant et linguiste. Dans son livre “200 drôles d’expressions érotiques”, paru aux éditions Le Robert, elle lève le voile sans pudeur sur les expressions les plus cochonnes de la langue Française, avec un humour qui ne se départ pas d’un grand sérieux et d’une solide documentation. Voici quelques-unes de ces expressions, que l’on utilise parfois sans penser à ce qui peut se cacher derrière...
1. De fil en aiguille : se faire enfiler
Lorsqu’on poursuit quelque chose, de fil en aiguille, cela veut dire qu’une chose en entraîne une autre, tout comme l’aiguille entraîne derrière elle sa bobine de fil au fur et à mesure que l’on coud. Jusqu’ici, on reste dans l’innocence même… Mais le champ lexical de « l’enfilage » (qui au sens premier signifie juste passer un fil dans un trou) est, comme chacun sait, riche de connotations sexuelles !
Du coup, on vous laisse imaginer ce à quoi peuvent se rapporter le fil et le trou de l’aiguille, que l’on appelle d’ailleurs chas (chat) ou cul. Au XVIème siècle, explique ainsi Agnès Pierron, « s’en faire filer une aiguillée » c’est se faire sodomiser, dans le milieu homosexuel.
2. La bagatelle : la baise
À la base, la « bagatelle » désigne un tour de passe-passe fait par un bateleur de foire sur une place publique. Par extension, c’est une chose frivole, de peu de valeur, pas sérieuse : « c'est une bagatelle ! ». Par extension encore, lorsqu’on « fait la bagatelle », cela veut dire que l’on fornique, que l’on s’adonne aux joies du libertinage sans penser à demain !
3. Se faire passer la bague au doigt : se faire baiser
Dans le vocabulaire argotique ancien, la bague peut désigner le sexe féminin, que l’on « enfile ». « Courir la bague », c’est avoir un coït... On désigne aussi l’anus sous le doux nom d’ « anneau de mariage » et « être de la bagouse » signifie « être homosexuel ». On voit que cet objet en apparence si innocent et sacré est en réalité chargé de connotations sexuelles !
4. En baver : avoir attrapé la chaude-pisse
Aussi appelée blennorragie, la chaude-pisse est une maladie vénérienne très douloureuse, et l’était encore plus avant l’invention des préservatifs et des antibiotiques. Les écoulements provoqués par l’infection donnent des sensations de brûlure intense, et laissent l’impression de « pisser des lames de rasoir ».
Les traitements qui permettaient d’alléger les symptômes de la « chtouille », mais aussi d’autres maladies vénériennes comme la syphilis, avaient une caractéristique commune : celle de provoquer une intense salivation dans la bouche des malheureux patients… D’où l’emploi de l’expression « en baver » pour dire « douiller », « avoir mal », « déguster ».
5. Un bouche-trou : une bite
Avant de désigner ce copain peu indispensable que l’on se coltine tout de même pour combler les moments de solitude, le bouche-trou désigne, au théâtre ou dans le milieu du cirque, un petit rôle accessoire, secondaire, qui ne sert qu’à combler un vide laissé dans le spectacle, et par extension un mauvais comédien.
Mais encore avant cela, le « bouche-trou » possède un tout autre sens… Dès 1534, dans Gargantua, Rabelais énumère ainsi toute une liste de petits surnoms pour le pénis : « Ma branche de corail, ma petite dille, mon bouchon, mon vilebrequin, ma petite andouille vermeille, mon poussoir, ma petite couille bredouille » ou encore… « mon bouche-trou ». Ça vous en bouche un coin ?
6. Les carottes sont cuites : débander
La carotte est un légume facétieux, que le langage argotique dote de nombreux sens secondaires : ainsi, dès le XIXème siècle, apparaît l’expression « tirer une carotte » à quelqu’un, qui signifie voler quelqu’un. Par extension, « carotte » a fini par désigner une petite arnaque, une escroquerie, d’où le verbe « carotter
Mais elle possède un autre sens, de par sa similitude avec l’organe génital masculin… « Aimer les jeunes carottes », c’est aimer les hommes jeunes. Et lorsque les carottes sont cuites, c’est qu’elles sont… molles ! C’est-à-dire qu’on a perdu son érection. Dès lors, « les carottes sont cuites » a pris ce sens : c’est fichu, c’est foutu, il n’y a plus d’espoir. Dans le même genre, il y a aussi l’expression « partir en couilles » (ou « se barrer en couilles ») qui évoque la position de l’organe qui tombe au plus bas.
7. C’est chouette ! : la sodomie
Attention lorsque vous employez cette expression d’apparence pourtant si innocente : si « chouette ! » peut sembler être un cri de joie, le « chouette » désigne aussi l’anus, le trou du cul. « Prendre du chouette », c’est sodomiser, et « refiler du chouette » c’est se faire sodomiser. Alors si vous vous exclamez « chouette ! », n’oubliez pas de surveiller vos arrières !
8. Donner du grain à moudre : lorsqu’une prostituée est obligée de se donner du mal pour faire jouir un homme qui bande mou
« Donner du grain à moudre », à l’origine cela veut dire que l’on donne de quoi travailler, ou encore de quoi alimenter une conversation… Oui, mais dans le vocabulaire des prostituées, cela peut aussi avoir un autre sens ! Ainsi, le moulin fait référence à la maison close, à l’instar du Moulin-Rouge. Et moudre le grain, cela peut renvoyer à bien des aspects de la gestuelle sexuelle… Lorsqu’on donne du grain à moudre à une prostituée, c’est qu’elle est obligée de se démener pour faire bander son client et ainsi lui donner satisfaction
9. Se faire dorer la pilule : se faire sodomiser
Aujourd’hui, « se faire dorer la pilule » signifie se faire bronzer au soleil… Mais il n’en a pas toujours été ainsi ! À l’origine de l’expression, « dorer la pilule » signifie présenter quelque chose sous des dehors plus favorables... pour mieux tromper l’acheteur. En effet, les apothicaires enveloppaient leurs pilules d’une feuille d’or ou d’argent pour les rendre plus agréables à l’œil.
Se faire sodomiser, c’est « se faire dorer la lune », « la pastille », « la pastèque » ou encore… « la pilule », par extension et confusion entre les deux expressions. On dit aussi « aller se faire dorer par les Grecs »… Bref, attention à vous la prochaine fois que vous dites que vous vous êtes fait » dorer la pilule » pendant les vacances !
10. Noyer le poisson : lorsqu’une femme mouille trop et empêche la jouissance
À la base, l’expression « noyer le poisson » provient du langage des pêcheurs : on fatigue le poisson, on le « noie » en le laissant se débattre une fois qu’il est pris à l’hameçon, avant de le sortir de l’eau puis de l’y replonger par de vifs mouvements de canne. Dans le sens dérivé, lors d’une discussion ou d’une dispute, « noyer le poisson » revient à fatiguer son adversaire en entretenant la confusion dans les propos et en dissimulant les points fâcheux du discours sous un flot de paroles.
Mais le poisson peut aussi désigner… le pénis. Et une femme qui mouille trop pendant l’acte sexuel noie littéralement le poisson, de peur de trop jouir !
200 drôles d'expressions érotiques -- Agnès Pierron et Coco, éditions Le Robert, 19 euros
10 expressions très innocentes de la langue française que vous employez tous les jours, et qui sont pourtant extrêmement cochonnes lorsqu'on y réfléchit...
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Au sujet de l'auteur : Nathan Weber
Journaliste
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